Love again : critique sans fin sur Amazon

Déborah Lechner | 10 février 2022 - MAJ : 10/02/2022 10:23
Déborah Lechner | 10 février 2022 - MAJ : 10/02/2022 10:23

Pour son nouveau long-métrage, le réalisateur Drake Doremus décortique à nouveau les relations sentimentales, cette fois-ci au travers d'un triangle amoureux entre Shailene Woodley, Sebastian Stan et Jamie Dornan. Mais le casting de Love again, présenté au Festival de Toronto de 2019, est bien plus attrayant que l'histoire qu'il tente péniblement de raconter. 

TRIANGLE AMOURANT

À moins d'être particulièrement friand de ce genre d'histoire (et il n'y aurait rien de mal à ça), un banal triangle amoureux n'était pas vraiment ce que Drake Doremus pouvait proposer de plus attractif et inventif pour son retour derrière la caméra. Du moins pas après son dernier drame de science-fiction Zoe. Mais au-delà de reprendre un schéma narratif bien éculé, le cinéaste - qui a coécrit le scénario avec Jardine Libaire - n'a même pas cherché à en éviter les écueils et a donc resservi ses pires clichés.

Le film présente ainsi le torride Frank, un bad-boy lunatique campé par Sebastian Stan, et son meilleur ami, le gentil Jack, un écrivain sexy et dévoué interprété par un Jamie Dornan qui prend brillamment le contre-pied de son rôle plus sulfureux dans Cinquante nuances de Grey. De façon réciproque, les deux beaux-gosses tombent sous le charme de la belle et morne Daphne (Shailene Woodley), une trentenaire en mal de vivre qui vient de quitter son super petit-ami et son job de rêve pour des raisons encore ambigües. 

 

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Un portrait qui paraîtrait moins artificiel si le film ne grossissait pas le trait en lui scotchant une clope entre les doigts pour la rendre encore plus insondable et pensive. Évidemment, son coeur balance entre les deux hommes que tout oppose, l'obligeant à choisir entre une passion probablement éphémère ou une relation plus stable, mais plus consensuelle. Peu de subtilité ou d'originalité en vue, donc. Encore moins quand le film tente de  dépeindre des sentiments complexes et contradictoires de façon simpliste, notamment le doute et l'incertitude au coeur de l'oeuvre. 

Le pire est probablement que le film tente de camoufler son écriture paresseuse et risible de téléfilm par une plastique plus soignée et cinématographique. En premier lieu grâce à la photographie de Marianne Bakke, dont le manque de contraste donne à l'image une patine blafarde et brumeuse un peu excessive, mais qui colle parfaitement à l'état d'esprit mélancolique de Daphne. De la même façon que l'incrustation des textos (qui prennent le parti-pris de ne justement pas être présentés comme des textos) apporte des touches de couleurs vives en résonnance avec ses sentiments.

 

Endings, Beginnings : photo, Shailene Woodley, Sebastian StanOption de secours avec tous les risques, mais pas l'assurance

 

D'une manière plus générale, le film veut adopter un ton contemplatif, voire languissant, avec des plans étirés et une bande-son douce et discrète. Le fait que les dialogues soient à nouveau improvisés, et donc forcément plus décousus et hésitants, renforce un peu plus la monotonie de l'atmosphère tout en donnant de la spontanéité et de l'authenticité à l'ensemble

Les interactions entre les personnages sont donc crédibles, même si en contrepartie, elles participent aussi à plomber la dynamique du récit, en particulier en laissant trop de place aux silences et répliques confuses. La reprise sous anti-dépresseurs de Losing My Religion et les filtres rouges pour marquer certains moments forts finissent de rendre le film plus pompeux et superficiel que sobre et élégant.

 

Endings, Beginnings : photo, Jamie Dornan, Shailene WoodleyÀ pile ou face

 

STAND ALONE

Comme on peut d'emblée s'y attendre, le but pour Daphe n'est pas tant de trouver l'homme de sa vie que de se trouver elle-même, le triangle amoureux étant en réalité une histoire de développement personnel et d'émancipation. Love again se focalise presque exclusivement sur son personnage féminin, se servant des autres protagonistes seulement comme des accessoires ou poupées de chiffon. Même si les deux acteurs leur prêtent volontiers leur charisme, Jack et Frank ne parviennent jamais à gagner en consistance et cette inaccessibilité nonchalante est bien plus frustrante que plaisante ou attirante. 

Le scénario ne laisse aucune place à la sensibilité et l'esprit vif censés caractériser le premier ni aux névroses et à l'excentricité censées animer le second. Leur amitié - qui constitue un des noeuds du récit - n'est évoquée qu'en substance et le scénario ne leur laisse pas la possibilité d'exprimer pleinement leurs émotions ou de communiquer entre eux. Et même en partant du principe qu'ils sont juste des personnages secondaires, l'introspection et l'évolution de Daphne sont trop caricaturales pour donner de la densité au film qui reste trop détaché de ses personnages et de leur vécu.

 

Endings, Beginnings : photoDes personnages qui sont souvent au second plan (littéralement)


Daphne est une femme paumée et sa situation au début du film est censée l'appuyer : elle revient à Los Angeles où elle n'a ni boulot ni appartement. Elle squatte honteusement le pool-house de la luxueuse maison de sa soeur et se fait rejeter par le monde du travail faute d'expérience professionnelle. Mais ces problèmes d'ordre financier et matériel sur lequel le scénario insiste se résolvent en un coup de baguette magique pour ensuite tenter deux-trois pirouettes narratives casse-gueule qui alourdissent encore plus le film et desservent la simplicité qu'il semblait revendiquer en plus de son message d'émancipation. 

Un événement a ainsi fait basculer Daphne et se retrouve en filigrane dans l'intrigue, mais le scénario a une approche trop elliptique et implicite pour souligner efficacement toute son importance. Paradoxalement, malgré tous ses problèmes d'écriture et sa chute brutale à quelques mètres de la ligne d'arrivée, ce personnage clivant, passif et indécis a permis à Shailene Woodley de livrer une de meilleures performances de sa carrière, si ce n'est la meilleure. Et c'est ce qu'on peut retenir de plus positif. 

Love again est disponible depuis le 7 février 2022 sur Amazon Prime Video. 

 

Endings, Beginnings : photo

Résumé

Love again est un film inutilement long pour le peu que l'intrigue et l'écriture des personnages ont à offrir. S'ils participent à l'ennui et à l'apathie générale, l'improvisation des dialogues permet cependant aux trois acteurs principaux d'étaler leurs talents et la justesse de leur jeu. 

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Lecteurs

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commentaires
Cool
26/04/2022 à 23:41

Le film est bien fait. Pour mieux l apprécier il faut se laisser porter sans chercher à intellectualiser. C est juste une histoire. La façon de fimer est originale.

Bon film

Ciarra
06/03/2022 à 01:31

J'ai adoré ce film, sa langueur, ses lenteurs, ses silences, sa bande son un peu trans, la lumière d'une fin d'après midi au soleil, je me suis glissée dans l'histoire comme dans un lit douillet avec un bouquin. Pas de délire pseudo intello, mais une nana paumée qui tente d'écrire sa propre vie.

viande a vision
11/02/2022 à 17:34

Dire que tout le monde a chié une pendule pour la différence d'âge Duris mc kay pour Eiffel...Une jeune avec des quadras même si la différence d'âge est moins forte ça passe crème avec certains...

Kouak
10/02/2022 à 10:48

Ah !!Ok... Merci, j'avais pas vu cet édito... ;-)

Geoffrey Crété - Rédaction
10/02/2022 à 10:43

@Kouak

Notre court avis est déjà publié, dans le papier des sorties de la semaine :)
https://www.ecranlarge.com/films/news/1413586-sorties-cinema-du-19-janvier-les-nouveaux-films-a-voir

Kouak
10/02/2022 à 10:35

Bonjour,
En aparté...
@La rédac': Je sais que votre temps est précieux et que vous ne pouvez courir après 2 lièvres à la fois, mais j'aimerai bien avoir votre opinion sur le "plan-séquence" The chef de Philip Barantini
avec Stephen Graham...Même comme ça, à la "va vite", sans faire d'article...Si quelqu'un l'a vue dans l'équipe... Merci... ;-)

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