Paranormal Activity - Next of Kin : critique du Projet Blum Witch

Gaël Delachapelle | 3 février 2022 - MAJ : 03/02/2022 13:59
Gaël Delachapelle | 3 février 2022 - MAJ : 03/02/2022 13:59

La saga Paranormal Activity semblait avoir épuisé son concept de base jusqu’à la moelle, notamment avec son cinquième opus, Ghost Dimension, qui utilisait la 3D comme l'ultime argument d’une franchise en fin de vie. Mais le producteur Jason Blum (Insidious, American Nightmare) a décidé qu’il pouvait encore tirer sur le filon en relançant la saga sur Paramount+ (OCS en France), avec Paranormal Activity : Next of Kin. Un septième opus pensé comme un reboot n’ayant plus aucun lien avec ses prédécesseurs et confié pour l’occasion à William Eubank, réalisateur du très appréciable Underwater. Le signe d’un renouveau tardif et inattendu pour la franchise found footage ?

The Witch (Project)

Après la conclusion sacrément décevante (et plutôt inutile) que fut Ghost Dimension, sorte d’opus final censé nous apporter des réponses et conclure l’arc narratif des sœurs Katie et Kristi (et de leur copain, le démon Toby) qui servait de fil rouge à la saga, Paranormal Activity ne pouvait que repartir sur de nouvelles bases pour espérer se renouveler avec un septième film. En commençant par une refonte de son esthétique found footage, dont la saga avait largement fait le tour, au bout de cinq films (dont un en 3D), un spin-off et un remake japonais non-officiel.

Et c’est la première chose qui frappe dès les premières minutes de Next of Kin : pour la première fois dans la franchise, l’utilisation du format found footage est justifiée par la réalisation d’un documentaire. Exit donc les films de vacances mal-cadrés avec un caméscope familial, et bonjour à l’esthétique d’un documentaire soigné dans son montage, plus proche du Projet Blair Witch, de [REC], ou plus récemment du The Visit de M. Night Shyamalan. Un documentaire inscrit dans notre réalité (le film se déroule en 2021, avec la pandémie de Covid-19 en toile de fond), avec notamment des interviews personnages qui rendent crédibles les motivations de notre héroïne, Margot (Emily Bader).

 

Paranormal Activity : Next of Kin : photo, Roland Buck III, Dan LippertUne vraie équipe de tournage fait-elle un bon film ?

 

Une protagoniste qui ne veut pas juste filmer des phénomènes paranormaux dans sa maison, mais partir à la recherche de sa mère biologique et de ses origines. D’où sa démarche d’aller tourner un documentaire avec un caméraman et un preneur de son au sein d’une communauté Amish isolée (les tests ADN, c'est très bien aussi), qui n’est pas sans rappeler celle de The Village (réalisé par le même Shyamalan).

Bien évidemment, ce séjour dans une communauté religieuse ne va pas se passer aussi bien que prévu, puisqu’il s’y trame des choses pas très catholiques, comme souvent dans la saga Paranormal Activity, dont le bestiaire est composé à 99% de sorcières pratiquantes et de démons à la recherche d’héritiers mâles. Et c’est peut-être là l’un des rares liens qui rattache ce nouvel opus avec sa franchise, puisque Next of Kin lorgne plus du côté du Folk Horror, sous-genre dont The Wicker Man aura été le porte-étendard, avant que des cinéastes comme Ari Aster et Robert Eggers ne se le réapproprient respectivement, avec Midsommar et The Witch.

 

Paranormal Activity : Next of Kin : photo, Emily BaderNotre influenceuse instagram

 

Midsommeil

La démarche du producteur Jason Blum devient donc assez transparente dans ce nouveau Paranormal Activity : réanimer une franchise morte en la faisant surfer sur la vague récente du mouvement Elevated Horror. Et si on peut reconnaître que l’ambiance émanant du décor de cette communauté religieuse fonctionne pendant un temps, élargissant enfin l’activité paranormale au-delà des murs étroits d’une maison, le sentiment d’assister à une redite des récentes propositions du genre se fait très vite ressentir.

Une impression renforcée par un scénario qui écule les clichés horrifiques propres au sous-genre, toujours signé Christopher Landon (Happy Birthdead) qui sévit en tant que scénariste sur la saga depuis le deuxième opus (et réalisateur sur l'un des pires volets de la franchise, The Marked Ones). Next of Kin redevient donc un Paranormal Activity lorsqu’il retombe dans les pires travers de la franchise. Des protagonistes idiots qui prennent des décisions irrationnelles et stupides au possible, pour servir un scénario mal écrit, à grand renfort de fusils de Tchekhov gros comme les croix religieuses qui parsèment un tunnel sous une chapelle, qui mène probablement vers les tréfonds de cette saga.

 

Paranormal Activity : Next of Kin : photo, Emily BaderMétaphore d'une saga qui replonge dans ses pires travers

 

Landon coche évidemment toutes les cases du saint catho porn par lequel le cinéma de genre américain ne fait que jurer depuis une décennie, mais aussi celles du Folk Horror repopularisé par Aster et Eggers récemment. Cela va des enfants de la communauté qui chantent des comptines flippantes aux personnes âgées qui font des trucs cracra, en passant par des rituels de sorcelleries peu catholiques, qui ne sont pas sans rappeler les climax des précédents opus. Des épisodes qui se terminaient constamment sur des clubs occultes du dimanche, qui envahissaient les maisons de nos héros.

Bref, ce n’est pas avec la pauvreté du scénario de Christopher Landon que Next of Kin réinvente la recette Paranormal Activity (et encore moins celle du Folk Horror). Mais heureusement pour nous, il y a William Eubank derrière la caméra.

 

Paranormal Activity : Next of Kin : photoC'est terrifiant une chorale d'enfants... qui chantent faux

 

The [REC]

Si le réalisateur de The Signal ne peut pas sauver un scénario boursoufflé et mal écrit, il peut néanmoins le transcender et s’en amuser avec un vrai savoir-faire pour transformer le tout en une pure série B horrifique, comme en témoignait son très sympathique Underwater. Notamment en utilisant intelligemment le format du documentaire (enfin du montage dans cette saga, il était temps), ainsi que les possibilités infinies du numérique. À l'image d'un gimmick à première vue inutile (le ralenti), qui finit par offrir à la saga une de ses mises à mort les plus sanglantes.

De la même manière que l’utilisation de la vision infrarouge (qui n’a jamais été aussi bien utilisé que depuis l’excellent [REC]) transforme une excursion nocturne dans un grenier en une belle trouillasse bien troussée (impliquant un lit pour ne pas trop en dire). Une scène utilisant enfin à bon escient la suggestion du hors-champ dans une saga reposant sur l’attente et les portes qui bougent.

 

Paranormal Activity : Next of Kin : photo, Emily BaderUne scène (enfin) vraiment flippante dans cette saga

 

Évidemment, la mise en scène de Eubank n’échappe pas à quelques jumpscares putassiers, soulignés par des effets sonores superficiels, ainsi qu’un montage qui s’affranchit étrangement de son format found footage par moments (notamment dans son climax où l’on peine parfois à comprendre qui tient la caméra). Une incohérence plutôt pardonnable au sein dudit climax où, après avoir passé 1h à filmer une communauté qui passe son temps à prier et jouer aux cartes, le réalisateur décide enfin de lâcher les chevaux et de littéralement tout brûler.

Une dernière demi-heure où les protagonistes se retrouvent propulsés dans un raid plutôt intense, à coups de gros effets gores et de fermiers qui sortent les fourches et les fusils à pompe (oui oui). Comme toujours, la conclusion de ce Paranormal Activity paraît assez floue (pour ne pas dire clairement pas inspirée du tout), avec peu de réponses et une fin laissant la porte ouverte à une suite, pour une franchise avec laquelle Next of Kin n’a pourtant plus rien à voir. Et c’est peut-être là sa maigre qualité, qui en fait l’un des opus les plus solides d’une saga à bout de nerfs, qui recherche désespérément un vrai scénariste.

Paranormal Activity : Next of Kin est disponible depuis le 3 février 2022 sur OCS

 

Paranormal Activity: Next of Kin : Affiche officielle

Résumé

Next of Kin représente un sacré paradoxe dans la saga Paranormal Activity, celui d’être à la fois l’épisode le plus solide de la saga, tout en portant les stigmates d’une franchise morte, traînée comme un cadavre par son producteur.

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commentaires
Morcar
03/02/2022 à 15:19

J'avais fini par aller voir le premier au cinéma à l'époque, que j'avais trouvé sympa mais sans plus (bien loin de l'excellent [REC] ou du précurseur Projet Blair Witch). J'ai du voir le 2 ensuite, et me suis arrêté là.
Je savais que la saga avait été étirée à rallonge, mais je ne me rappelais plus que c'était à ce point !

A en juger par tout ce que vous décrivez ici, l'utilisation du titre "Paranormal Activity" est vraiment purement mercantile. Ils auraient pu créer une nouvelle franchise plutôt que de continuer à user celle-ci.
C'est d'ailleurs étrange, à l'heure où beaucoup cherchent à effacer leur nombre (Halloween 2018, Scream 2022) qu'ils tiennent à tout prix à continuer à utiliser ce titre. N'y aurait-il pas plus de monde à se laisser tenter par un nouveau film d'horreur plutôt que par l'énième suite d'une franchise usée jusqu'à la corde ?...

Trashyboy2
03/02/2022 à 12:25

"Cela va des enfants de la communauté qui chantent des cantines flippantes"

Chanter des cantines. Mouahahahaha!!! Merci pour ce fou rire (ouais, il m'en faut peu j'avoue)

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