Une jeune fille qui va bien : critique de l'électrochoc de Sandrine Kiberlain

Christophe Foltzer | 26 janvier 2022 - MAJ : 26/01/2022 18:23
Christophe Foltzer | 26 janvier 2022 - MAJ : 26/01/2022 18:23

D'abord présenté hors-compétition à la dernière édition du Festival International du Film de Saint-Jean-De-Luz, Une jeune fille qui va bien réalisé par Sandrine Kiberlain, est enfin sorti en salles ce 26 janvier. Et pour ce premier long-métrage avec Rebecca Marder, la cinéaste nous a totalement pris par surprise.

PREMIERS PAS DE RÉALISATRICE

Inutile de trop s'étendre sur la teneur du scénario. Il ne s'agit pas d'un aveu de fainéantise de notre part, mais bel et bien d'un service que l'on vous rend, pour que vous soyez le plus vierge possible lorsque vous irez voir le film (et vous irez le voir, c'est obligatoire). Disons simplement que nous suivons Irène, jeune comédienne de 19 ans qui souhaite à tout prix intégrer le Conservatoire pour débuter sa carrière. Mais lorsque le climat général se durcit, ses aptitudes d'actrices risquent fort de l'aider à préserver une certaine légèreté en dépit des drames qui s'annoncent.

Pas la peine de faire durer le suspense plus longtemps, de toute façon, vous le voyez venir : pour son premier essai derrière la caméra, Sandrine Kiberlain nous offre un film extraordinaire. À tout point de vue. Il est d'ailleurs assez estomaquant de se rappeler qu'il ne s'agit que d'un premier film, que la réalisatrice portait en elle depuis de nombreuses années. Et c'est tout à son honneur d'avoir attendu le bon moment pour s'y attaquer. Certains devraient prendre exemple.

 

photo Une jeune fille qui va bienUne famille qui va devenir la vôtre.

 

Difficile d'en parler en profondeur sans déflorer la mécanique implacable qui s'empare de nous de la première à la dernière image, mais essayons. Le film est d'une rare intelligence formelle. De cette intelligence qui ne prend jamais son spectateur de haut, qui ne se perd jamais dans la démonstration narcissique de ses capacités supposées mais qui, au contraire, est entièrement dévouée au film lui-même. À l'image de toute construction vouée à l'équilibre, un film doit avoir de bonnes fondations. Dans le cas d'Une jeune fille qui va bien, elles sont en béton armé. 

Justesse du découpage, du montage, de la mise en scène, excellence de la bande-son indispensable et complémentaire au film tout entier, rien ne dépasse, rien n'est en trop, le métrage a été patiemment taillé jusqu'à l'os pendant de nombreuses années et le résultat s'avère plus que payant. La gestion du hors-champs, du "faux vide" qui se ressert progressivement sur les personnages à leur insu (et au nôtre d'ailleurs) ne peut que forcer l'admiration. Mais la vraie idée de génie est encore à venir.

 

photo, Rebecca MarderRebecca Marder, flamboyante.

 

DOUCE SOUFFRANCE

Sandrine Kiberlain brouille volontairement les pistes sur les limites de son univers dès le départ. Elle entraîne ainsi le spectateur dans une véritable chasse au trésor, qui participe à l'intrigue, afin qu'il puisse enfin trouver ses marques. De manière subtile mais aussi intrusive, presque voyeuriste. Arrive alors le moment où le spectateur comprend de quoi il retourne et le film se transforme en objet multidimensionnel : un combat constant entre la forme, légère, le fond, extrêmement sombre, et le spectateur, pris entre ces deux feux.

Dans la plus pure tradition hitchcockienne, Une jeune fille qui va bien installe par ce procédé un suspense tenace et terriblement douloureux. Détenteur d'une information capitale mais inconnue des personnages, le spectateur ne peut plus être passif, ne peut plus savourer les scènes légères, il sait de quoi il retourne, il ne veut pas avoir raison, mais il n'a pas le choix

 

Une jeune fille qui va bien : photo, Rebecca MarderNon, vous n'êtes pas prêts !

 

Il n'est pas dans le film et pourtant, par cette contradiction dimensionnelle, il est autant acteur que les formidables comédiens à l'écran (incroyable Rebecca Marder, superbes Anthony Bajon et India Hair) mais il incarne le rôle terrible de l'impuissance. C'est là que le film prend toute sa dimension, toute sa saveur, là que le choc se produit pour ne plus jamais baisser en intensité.

C'est là que le film devient universel et intemporel, tant il résonne avec les problématiques politiques, écologiques et économiques actuelles, qu'il nous remet en question, qu'il nous brutalise sans jamais nous asséner une leçon de morale. Et tout ça en partant d'une jeune femme qui rêve de devenir une grande actrice. Admirable.

Une jeune fille qui va bien est en salles depuis le 26 janvier.

 

Une jeune fille qui va bien : Affiche officielle

 

Résumé

Le passage de Sandrine Kiberlain derrière la caméra est une réussite. Son film est incroyable de justesse et d'intelligence, que ce soit à travers sa mise en scène, son écriture ou le talent de sa distribution.

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Lecteurs

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commentaires
Ozymandias
08/01/2023 à 16:16

Pas accroché plus que ça perso, ça m'a un peu ennuyé. Dommage !

Marifau
10/02/2022 à 17:56

Si je n’ai pas bcp apprécié le début du film, le denouement est traité avec une sobriété parfaite et sa rapidité laisse stupéfaits. Les acteurs sont excellents dont India Hair.

Britt
27/01/2022 à 13:12

J’ai du mal à comprendre votre emballement. J’aime beaucoup l’actrice Sandrine Kiberlain, mais la 1ère partie de son film surtout est lassante, bcp trop de gros plans, très, ,très, trop longs sur le visage de l’heroine, pour appuyer ses émotions. On n’en demande pas tant.

#diez
27/01/2022 à 12:22

Magnifique film à la sincérité et sobriété désarmante.

Terryzir
27/01/2022 à 00:26

Rebecca Marder est la nouvelle Adjani, à n'en pas douter.
Formidable sur les planches (Fanny & Alexandre, La Cerisaie), et après une brève apparition très remarquée dans le dernier (très mauvais) Desplechin, j'attendais beaucoup de son premier rôle devant la caméra.
Le film en lui-même est de facture classique, sans véritable style, sinon celui d'un téléfilm France 2 frôlant l'indigence. Non, rien de vraiment saisissant... excepté sa fin.
On a l'impression que Kiberlain a d'abord eu l'idée (géniale) de ce cliffhanger, puis elle a ensuite brodé le reste de l'histoire en fonction de ce dernier, et c'est ce qui pêche le plus : ça sent le remplissage.
Quant à Rebecca, elle est juste somptueuse, solaire à souhait et d'une justesse renversante. Malgré la platitude affligeante de sa mise en scène, avec un joyau pareil, Kiberlain ne pouvait pas se rater.

Geoffrey Crété - Rédaction
26/01/2022 à 18:23

@Phuzor

Coquille malheureuse générée par la création du lien vers la fiche de l'actrice, dont on a correctement écrit le nom dans tout l'article ;)

Phuzor
26/01/2022 à 18:22

Et c'est Rebecca MaRder (avec un R comme dans Relire son article avant de le publier^^) et non Rebecca Mader très jolie actrice aussi mais pas la même^^

Roxy
26/01/2022 à 13:21

A noter qu'en interview, Sandrine Kiberlain ne fait jamais le rapprochement entre le sujet de son film et l'apartheid sanitaire actuel. En revanche, elle établit bien un lien avec la montée d'un certain parti très à droite et qui prend de l'ampleur actuellement, ce qu'elle déplore et redoute. Chacun ses combats...

Roxy
26/01/2022 à 13:14

L'affiche rappelle celle de "Non ma fille tu n'iras pas danser". Si c'est aussi chiant que le film d'Honoré, je passe mon tour.

The insider38
26/01/2022 à 12:50

Vous êtes sérieux ? C’est la plus grosse purge de ce début d’année, irrécupérable

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