L’emprise du vice : critique d'un téléfilm de charme(d) sur Netflix

Matthias Mertz | 19 janvier 2022 - MAJ : 19/01/2022 14:31
Matthias Mertz | 19 janvier 2022 - MAJ : 19/01/2022 14:31

Adapté d'un roman de Nora Roberts nommé Brazen virtueNetflix nous propose avec L’emprise du vice de voir Alyssa Milano retourner sur grand écran dans une enquête portant sur le meurtre d'une dominatrice, soeur d'une romancière à succès qui va traquer son assassin. Monika Mitchell, la réalisatrice du projet, est surtout connue pour ses téléfilms. Pour l'occasion, elle récupère un casting au parcours similaire, laissant évidemment présager le pire. Mais les augures les plus noirs ne pouvaient égaler notre sentiment après avoir vu trop de latex et pas assez de cinéma dans le film.

Emprise de matière grise

S'il fallait décrire L'emprise du vice en un mot (et en faisant abstraction de sa traduction honteuse), ce serait : stupide. Grossièrement, vous partez pour un thriller jamais haletant, attendant des twists qui n'arrivent jamais. La cohérence de l'enquête n'est pas au niveau d'un Scooby-Doo, et sa dimension sulfureuse (issue de son matériau de base, Brazen Virtue de Nora Roberts, dont le film est adapté) est gênante parce que jamais assumée. Oh, et il y a aussi une histoire d'amour complètement nulle.

Grace Miller (Alyssa Milano), écrivaine de polar de renom, décide de rendre visite à sa soeur Kathleen pour la narguer. Lorsque Kathleen, enseignante appréciée dans un lycée du coin, est retrouvée assassinée, Grace souhaite mobiliser ses connaissances en tant qu'Agatha Christie en herbe pour retrouver le meurtrier. Il s'avère en fait que l'enseignante bien sous tous rapports avait une double vie puisqu'elle était une camgirl dominatrice la nuit. Pour résoudre l'enquête, elle est accompagnée d'un enquêteur de renom (Sam Page) qui habite heureusement la maison d'à côté.

 

L’emprise du vice : photo, Alyssa Milano, Sam Page, Malachi WeirVous prierez pour qu'elle se fasse écharper par un démon

 

Et parler d'enquête est un bien grand mot. La police dans son ensemble est tirée d'un sketch des Inconnus. Alyssa Milano se balade sur une scène de crime pour récupérer ses affaires (elle a une paire de gants en tant que grande criminologue du Club des Cinq) dans le plus grand des calmes bien qu'un meurtre vient d'y être commis.

Enfin, la déontologie nous empêche de vous divulgâcher un plan Scooby-Dooesque dénué de toute matière grise. Sans doute imaginé comme un twist rédempteur pour le personnage de Grace qui embrasse la dimension de sex-symbol de la nuit qu'a été sa soeur. La séquence s'avère ridicule pour ne pas dire source d'un malaise profond.

Une fois que la structure narrative (flagrante au demeurant) du film est acquise, sa résolution est un jeu d'enfant. On appréciera les efforts faits pour montrer des suspects plus clichés que jamais dans l'espoir de tromper le spectateur. On regrettera juste de ne pas avoir eu un baron nazi ou encore un manager de fonds d'investissement cruel pour finaliser la panoplie de ce Cluedo du pauvre.

 

L’emprise du vice : photo, Alyssa Milano, Sam Page, Justin Malachi, Malachi WeirNe touchez pas à Bozo le Clown, c'est notre préféré du film

 

Le manège effronté

Du côté des personnages, c'est une farandole de médiocrité. Alyssa Milano mouille le maillot pour être la plus antipathique possible avec sa soeur, mais aussi pour endosser un rôle de "consultante déjantée et efficace" (à l'instar d'une Allison DuBois dans Medium ou d'un Richard Castle dans la série éponyme) stupide au possible. Plus expérimentée que le reste du casting, elle est probablement celle qui s'en sort le mieux, ou a minima le moins pire.

Parce que de son côté, son boyfriend, supposé être un casse-cou balèze et reconnu, est un flocon de neige de masculinité fragile. Leur histoire d'amour à l'écran ne profite d'aucune alchimie, et il ne fait pas vraiment tache dans l'équipe de bras cassé tirée de Police Academy qui l'entoure.

On appréciera la capitaine de police versatile qui décide après une demi-minute de réflexion sur un ton étrangement enjoué qu'une romancière ingérable est une excellente acquisition pour coincer un tueur, qui n'est d'ailleurs pas en reste lorsqu'il s'agit de faire passer les gars de chez Jackass pour un phare cartésien de la raison.

 

L’emprise du vice : photo, Alyssa Milano, Sam PageIls sont sur un sol incliné là ?

 

Une mention spéciale est nécessaire pour honorer la présence de Malachi Weir, qui a sans doute fusionné avec les esprits de Fabrice Eboué, Bozo le Clown et Albert Einstein sous crack pour offrir une prestation jamais vue pour un flic. Son apathie totale laisse à croire qu'on l'a déposé sur le plateau et qu'on a refusé de l'y enlever tant que le film ne serait pas dans la boîte.

Et c'est difficile de lui en vouloir de faire acte de présence. Son rôle qui ne sert à rien est en fait caractéristique de la chaîne de dominos qu'est le film. Le jeu des acteurs est en roue libre, mais il s'agit surtout de la conséquence d'un récit mou, qui fait faire n'importe quoi à des personnages vides de substance, qu'il est de facto difficile d'incarner correctement.

 

L’emprise du vice : photo, Sam PageAprès avoir été évincé par Brie, Sam de Desperate Housewives est devenu le pire flic du monde

 

Enter the void

Visuellement, c'est une farce qui ne rend même pas hommage à nos séries du petit écran favorites. Dans son titre original, le film se nomme Brazen, ce qui peut signifier effronté, impudent, impudique ou encore sulfureux. L'histoire tourne autour d'un meurtrier qui cible des travailleuses du sexe, et pourtant, c'est diaboliquement puritain. Le sexe et son travail sont traités avec distance et un mur de stéréotypes repoussants.

Les bureaux de l'entreprise qui gère le site des camgirls sont rose bonbon avec des écrans partout, sur lesquels on voit des gens en combinaison de latex intégrale se faire fouetter en léchant des barres de pôle dance. Jamais sexy dans ses dialogues (vous allez en entendre des "T'aimes ça ?" dans les séquences sur les dominas), le film reste désespérément prude. Il ne traite jamais le travail du sexe autrement que comme l'activité honteuse de femmes bien sous tous rapports qui essayent d'arrondir leurs fins de mois.

 L’emprise du vice : photo, Sam Page, Malachi WeirOn vous a dit que toutes les travailleuses du sexe du film ont exactement le même éclairage ?

 

Qu'il s'agisse des costumes (tous en latex rouge et noir, évidemment), de la composition du décor (chevaux d'arçons, harnais en cuir, martinets, comme à la fistinière), tout est standardisé et semble sortir d'un moule. Même la musique ne fait pas l'effort d'aller chercher des titres sexy et haletants. Quitte à ressembler à un téléfilm des années 2000, était-ce vraiment difficile de convoquer Britney Spears ou Christina Aguilera pour donner à ces dominas un petit moment de gloire, et au spectateur un petit frémissement dans le pantalon ?

L'Emprise du Vice est disponible sur Netflix depuis le 13 janvier 2022 en France

 

Brazen : Affiche officielle

Résumé

L'emprise du vice est une fiction baveuse et stupide, qu'il faut toutefois applaudir pour sa capacité à être un mauvais téléfilm, une mauvaise romance, et une horrible enquête policière. D'un point de vue technique et narratif c'est une horreur dont on doit se moquer un dimanche à 15h en compagnie de sa mère seulement.

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commentaires
Synthetic cloned actress
20/01/2022 à 10:24

elle était plus marrante ( et encore!) dans Madame est Servie

Ethan
19/01/2022 à 16:47

@Morcar
Alyssa Milano a connu des hauts et des bas dans sa carrière. Les téléfilms de la 1 et de la 6 c'est loin d'être que moyen. Ça dépend lesquels

Morcar
19/01/2022 à 15:35

C'est marrant, je suis tombé l'autre jour sur un article qui vendait ce film comme le nouveau thriller successeur de "Gone Girl" ^^ J'ai du coup été jeter un oeil à l'extrait proposé par Netflix, et ça m'a semblé être plus du niveau de ces téléfilms policier/thriller diffusés l'après-midi sur TF1 et M6 que du film de Fincher.
Et puis bon, la simple présence d'Alyssa Milano au casting dit beaucoup. Cette actrice a quand même une sacrée tendance à choisir toujours des films moyens.

J'avais quand même mis le film dans ma liste, histoire de voir à quoi il ressemblait, et votre avis m'a encore plus donné envie de le voir ! Dès que j'ai 1h30 à tuer, je le met. Merci Ecran Large ! :)

JR
19/01/2022 à 15:28

La fistinière <3

Matthias Mertz
19/01/2022 à 14:45

@Roukesh : Malheureusement non, mais si ça vous a fait rire, c'est le principal !

@Bob : À première vue, probablement racheter Écran Large pour nous protéger des téléfilms sur Netflix. Ou racheter Netflix et ne jamais les laisser sortir (mais ça risque de coûter un peu plus cher).

@Cinégood : Écran Large, c'est un endroit de conviction. La fistinière est un meilleur moment que Brazen, je l'assume ...

Cinégood
19/01/2022 à 14:15

"la composition du décor (chevaux d'arçons, harnais en cuir, martinets, comme à la fistinière"

Matthias, j'ai hâte de savoir sur quelles bases vous faites cette analogie ! lol

Votre séjour dans ce lieu vous a-t-il laissé un souvenir meilleur que celui de ce film ? ;-)

Franken
19/01/2022 à 14:13

Comment ça se passe exactement pour en arriver à devoir regarder ce genre de programme que toute personne sensée devrait ignorer ?
C’est un gage ?
Un pari perdu ?
Du harcèlement ? De la maltraitance ? Pouvons-nous faire quelque chose ? :p

Madolic
19/01/2022 à 13:55

Le décor penché, je viens de me taper un giga fou rire

Kyle Reese
19/01/2022 à 13:42

Dommage, les dominatrices n’ont pas assez de visibilité au sein du paysage cinématographique …
Houla mais qu’est ce que je raconte là !!! Lol.

PowerGlove
19/01/2022 à 13:35

Hâte de pas voir cette bouse

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