Mother/Android : critique d'un mauvais Terminator sur Netflix

Matthias Mertz | 7 janvier 2022 - MAJ : 07/01/2022 17:52
Matthias Mertz | 7 janvier 2022 - MAJ : 07/01/2022 17:52

Premier film de son réalisateur Mattson Tomlin (toutefois remarqué en tant que producteur pour The Batman ou son écriture sur Little Fish), Mother/Android raconte une histoire de parenté très personnelle durant une apocalypse robotique. Cette première production s'inscrit dans un tournage mouvementé à cause du contexte sanitaire, qui a poussé le réalisateur à forger un récit minimaliste. D'ailleurs, le film débarque sur Netflix en France, bien qu'il s'agisse d'une production Hulu, plateforme détenue majoritairement par Disney.

mise à jour déconseillée

Mother/Android raconte le périple de Georgia (Chloë Grace Moretz) et de son petit-ami Sam (Algee Smith) pour faire accoucher la jeune femme à l'abri du soulèvement des androïdes ayant eu lieu quelques mois auparavant. Ces derniers, alors des majordomes dociles et présents dans le quotidien de toutes les familles se sont rebellés et ont décidé d'exterminer les humains. À terme dans sa grossesse, leur situation devient encore plus préoccupante lorsqu'ils doivent traverser le "No Man's Land", une zone contrôlée par les androïdes dans l'espoir d'atteindre l'un des derniers bastions de l'humanité, Boston.

Des mots de son réalisateur, Mattson Tomlin, ce film très personnel est toutefois inspiré de productions célèbres à l'image de Les Fils de l'Homme d'Alfonso Cuarón ou Terminator de James Cameron. Le premier avait fait de l'escorte d'une femme enceinte l'enjeu d'un récit apocalyptique suintant l'énergie et la tension, tandis que le second est devenu une filiation nécessaire pour tous les récits contant la guerre des machines contre les humains.

 

Mother/Android : photo, Algee Smith, Chloë Grace Moretz"Si vous vous servez des tropes classiques de la science-fiction, levez la main"

 

Un second rôle dans Mother/Android se nomme justement Connor, et de nombreuses séquences montrent des androïdes recevoir des balles et laisser leur visage robotique à découvert, dans un style Terminator reconnaissable. Si l'hommage à une franchise culte fait sourire, il est rapidement remplacé par une envie d'en voir plus, de voir une reprise plus personnelle d'un genre qui a connu un nombre hallucinant de cadors.

Le premier problème du film est son aspect générique. Il semble reconnaître ses influences sans jamais réussir à tracer sa propre mythologie, sans offrir une esthétique particulière, une différence avec l'ensemble des productions du même genre. Dans le terrain extrêmement balisé de la science-fiction méfiante des robots, trop d'oeuvres ont imprimé leur héritage. Terminator, Black Mirror, I, Robot, Matrix ont tissé leur toile autour de ces tropes de science-fiction issus de la littérature en forgeant une esthétique reconnaissable. Ce n'est pas le cas de Mother/Android.

 

Mother/Android : photoSi vous plissez les yeux, vous voyez un T-1000

 

Sortie d'usine

Ainsi, cet aspect de sortie d'usine se retrouve aussi dans l'aspect technique du film. Il est correct, sans jamais être excellent, novateur, ou au contraire raté parce qu'il a pris un risque. Certaines séquences parviennent à trouver un bon rythme, une fulgurance, à l'image d'une course-poursuite en moto dans la forêt (avec des plans de vues de drones un brin kitsch), ou encore une fuite désespérée dans un bastion humain infiltré par les robots qui s'enfonce dans l'esthétique de l'horreur pour notre plus grand plaisir.

La bande-son quant à elle est discrète, mais parvient parfois à servir des moments d'émotion. Si la direction artistique de l'ensemble semble minimaliste pour ne pas dire faible, il faut toutefois prendre conscience du caractère expérimental de la production, qui a débuté en 2020 durant une période sanitaire extrêmement contraignante. Dès lors, le tournage en extérieur et le nombre le plus faible possible de personnages se sont imposés à la production. Toutefois, le manque d'une direction artistique cohérente est regrettable. Black Mirror avait, par exemple, fait d'une course-poursuite dans la forêt une aventure d'une oppression rare dans un Metalhead en noir et blanc suffoquant.

 

Mother/Android : photo, Chloë Grace MoretzQuand janvier arrive et qu'il faut jeter le sapin

 

deus ex machina

Les acteurs sont individuellement bons, à commencer évidemment par Algee Smith et Chloë Grace Moretz. Leur alchimie est par contre fade, et desservie par des dialogues creux et souvent niais. Mattson Tomlin avait participé au scénario de Little Fish, un film très similaire sur certains points à Mother/Android, qui mettait un couple au centre de son intrigue. Leur alchimie tragique sur fond d'apocalypse avait été la grande force du film de la même façon que le couple des protagonistes de Mother/Android en est la faiblesse. L'amour ne transpire jamais, pas plus que n'importe quelle émotion attendue de la part d'un couple de vingtenaires qui ne trouve jamais l'étincelle ou le désir.

Presque seul second rôle du récit, Raul Castillo est par contre très convaincant dans un rôle ambigu et rapidement déployé à l'écran. Capable de fournir un jeu versatile servant largement le scénario d'une façon mutique ou au contraire très vocale, il lance le récit sur des rails à l'arrivée d'un troisième acte qui est le meilleur.

 

Mother/Android : photo, Raul CastilloLe troisième acte concentre tout ce que le film a à offrir sous l'égide de Raùl Castillo

 

Malheureusement, ce très bon troisième acte trouve une conclusion niaise à souhait et largement prévisible, caractéristique de la difficulté du récit à nous faire ressentir quelque chose. En cela, il est robotique. Rien dans les regards, les dialogues, ou l'écriture du film ne parvient à susciter de l'émotion. Pourtant, le film conte l'histoire d'un jeune couple essayant de mettre au monde un enfant dans le désespoir d'une apocalypse robotique. Cet enfant ne sauvera pas le monde à l'image de celui des Fils de l'Homme. Ce n'est qu'un enfant. Mais pour ses parents, il est tout. Et la simple perspective de l'amener à la vie est leur dernier pouvoir dans ce monde perdu.

Et c'est d'autant plus triste que ce scénario est inspiré de la vie de son réalisateur, Mattson Tomlin, qui raconte ici son adoption, et la connaissance presque nulle qu'il a de sa famille biologique. C'est son premier film derrière la caméra, et cette réalisation voulait réunir un genre qu'il affectionne avec des bribes de son histoire. Il souhaitait envoyer une lettre d'amour à sa famille biologique au travers d'un film divertissant dans un genre populaire.

 

Mother/Android : photo, Algee Smith"Allez, lance la caméra, on va essayer de faire croire qu'on est amoureux"

 

Pourtant, le film ne parvient pas à susciter l'émotion. Alors, la production la simule, la force. Des polaroïds pris en famille et jetés au feu, des dialogues creux sur le sacrifice pour sa famille, de longs moments à discuter du prénom du bébé entrecoupés de plaisanteries factices, des "On se sépare, je vais les semer, pars sans moi et ne te retourne pas, je t'aime".

L'enjeu émotionnel est dissolu dans des dialogues ou des tropes éculés parce qu'il ne passe pas dans les regards ou les contacts des protagonistes, notre plus grand regret face à cette production roupillant dans un moyen de gamme qui ne passe définitivement pas (plus) dans un genre aussi riche.

Mother/Android est disponible depuis le 7 janvier 2022 sur la plateforme Netflix

 

Mother/Android : Affiche officielle

Résumé

Plus robotique que l'apocalypse qu'il décrit, Mother/Android force l'émotion du spectateur plutôt que de l'induire. En cause, un couple de protagonistes sans alchimie qui voyage plus à travers les tropes éculés qu'à travers les États-Unis, dans un film techniquement correct, mais oubliable.

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(1.4)

Votre note ?

commentaires
Matthias Mertz
11/01/2022 à 10:20

@Barnabé Cherèle :

On aime tellement Terminator 2 qu'on écrit des bêtises ici ...

Barnabé Cherèle
10/01/2022 à 15:08

"Si vous plissez les yeux, vous voyez un T-1000" : raté Matthias, tu confonds avec le T-800 :-P

Madolic
10/01/2022 à 11:03

@Briaros
Bah si tu t'en tapes des réponses, tais-toi ? ^^

Schtroumpfette
09/01/2022 à 10:43

Un film poussif et ennuyeux.

K2000
08/01/2022 à 22:07

Vu hier. Pas extraordinaire malgré quelques scènes avec une tension bien ressentie (la prison gardée par les androïdes notamment). L’alchimie entre les deux personnages m’a paru intéressante car décrit bien les relations homme/femme de nos jours (mais c’est un autre débat). J’ai apprécié le côté dramatique de certaines scènes qui m’ont rappelé « la route ». Mais bon, oui je suis d’accord le film est correct mais comme d’habitude le film possède un beau packaging netflixien mais se révèle tout de même creux au fond (exit la profonde réflexion que l’on peut trouver dans T1/T2). Aucunes explications concernant le Blitz…Dommage !

Ouam
08/01/2022 à 18:25

Regardable sans plus...

Zanta
08/01/2022 à 13:39

C'est pas son premier ratage... elle devrait vraiment changer d'agent, Chloé Grace Moretz.

GTB
08/01/2022 à 13:00

@Tom31> C'est un film Hulu, distribué en France sur Netflix. Sinon Netflix c'est aussi dernièrement: The Lost Daughter, Don't Look Up, The Hand of God, The Power of the Dog, Tick Tick Boom, Passing, The Forgotten Battle.

Pour ce Mother/Android, ça sentait pas bon depuis le début. Déjà, il y a Chloe Moretz, un indicateur de méfiance au vu de sa carrière depuis quelques années.

Faraday
08/01/2022 à 11:42

Nul

sérieman
08/01/2022 à 10:45

Father/IOS

Plus
votre commentaire