Minnal Murali : critique du super-héros indien de Netflix

Clément Costa | 6 janvier 2022 - MAJ : 06/01/2022 18:57
Clément Costa | 6 janvier 2022 - MAJ : 06/01/2022 18:57

Oubliez Marvel, Spider-Man : No Way Home et compagnie. Le nouveau super-héros vient de débarquer sur Netflix… et il est indien. Dans sa volonté assumée de conquérir un marché indien lucratif, et qui reste encore souvent hermétique aux blockbusters hollywoodiens, le géant du streaming mise avec Minnal Murali : Par le pouvoir de l'éclair sur un super-héros franchement pas comme les autres, incarné par Tovino Thomas. Disponible sur Netflix depuis le 24 décembre.

QUE L’ÉCLAIR SOIT AVEC TOI

Sorti sur Netflix le 24 décembre dernier, Minnal Murali : Par le pouvoir de l'éclair est devenu le film événement de la plateforme en Inde. Au point même de faire des vagues jusqu’en Occident. Récit super-héroïque des plus dépaysants, le long-métrage prend (évidemment) la forme d'une origin story mêlant comédie et action, autour d'un récit initiatique. C'est l'histoire de Jaison, un jeune villageois un peu loser rêvant de devenir une star à Hollywood. Le soir de Noël, il est frappé par la foudre et survit sans la moindre séquelle apparente… Mais dans les jours qui suivent, Jaison va se découvrir des pouvoirs surhumains.

Lorsqu’on parle de dépaysement pour Minnal Murali, il ne s’agit pas simplement du cadre ou des paysages. Dès sa séquence d’ouverture, filmant avec bienveillance le regard admiratif d’un petit garçon qui assiste à une pièce de théâtre traditionnel, le réalisateur Basil Joseph annonce la couleur : son film n’a aucunement l’ambition de s’inscrire dans la lignée des comics américains. Et pour cause, Minnal Murali se revendique comme digne descendant de ces pièces folkloriques jouées dans les villages indiens, souvent inspirées de la mythologie, et qui opposent des forces divines triomphantes à un Mal absolu qui finit irrémédiablement par perdre. Il y aura bien une référence à Spider-Man par ci, un jeu de mot sur Batman par là, mais la pop culture américaine sert essentiellement de levier comique.

 

Minnal Murali : Par le pouvoir de l'éclair : photoImage super-héroïque numéro 4

 

D’autant que le film n’a ni les moyens, ni même l’envie d’aller vers le pur blockbuster musclé tel que l’a modélisé Marvel ces dernières années. Avec un budget inférieur à 2,5 millions de dollars, Minnal Murali ne dévoile pas les pouvoirs de son héros avant 45 minutes, et n’offrira que trois séquences d’action : une première très orientée vers la comédie ; une seconde visant à offrir le grand moment de bravoure, avec sauvetage de bus et de petite fille au bord du précipice ; et enfin le climax, qui offre un vrai spectacle malgré les contraintes budgétaires. L’esthétique est travaillée, les enjeux sont prenants et le méchant défiguré rappelle à quel point le cinéma indien populaire aime les monstres et les gueules cassées, après le superbe I de Shankar.

Alors certes, pour un film malayalam (industrie régionale bien moins fournie en gros budgets que Bollywood), on ne s’attendait pas à une débauche de fonds verts façon Avengers. Mais rappelons tout de même que c’est ce même cinéma malayalam qui nous a offert le célèbre diptyque Baahubali, deux blockbusters survoltés qui mettent à l’amende quasiment tout ce qui s’est fait à Hollywood depuis 10 ans.

 

Minnal Murali : Par le pouvoir de l'éclair : photo, Tovino ThomasIndian Fist

 

SHAOLIN THUNDER

Une des forces de Minnal Murali, c’est sa capacité à jongler entre les genres et les registres sans se prendre les pieds dans le tapis. Alors certes, 2h40 c’est long pour une origin story, et le spectateur devra supporter quelques longueurs ça et là - notamment un ventre mou en milieu de récit. Cependant, la capacité qu’a le film à constamment se renouveler rend la séance franchement ludique et divertissante.

Le personnage de Jaison illustre parfaitement cet équilibre : plus que crédible en loser désoeuvré au comportement un peu minable en début de récit, il a toujours juste ce qu’il faut de charisme pour ne jamais être une parodie ridicule. Son parcours initiatique semble être ce qui motive le plus le réalisateur. Sa transformation en super-héros n’est pas vraiment l’aboutissement du récit, mais plutôt le résultat de son évolution en tant que personne. Et voir un cinéma remettre un peu l’humain au milieu d’un genre ultra-codifié qui mise habituellement tout sur le spectacle et le fan-service, ça ne se refuse pas.

 

Minnal Murali : Par le pouvoir de l'éclair : photo, Tovino ThomasIl y a un homme derrière le super-héros

 

La partie comique du film est globalement efficace : des pulls de contrefaçon que porte notre héros (Abibas, Poma, et le meilleur : Lowcoste) aux fausses séquences de kung-fu menées par son amie « Bruce Lee », sans oublier ses tentatives ratées de provoquer des pouvoirs qu’il n’a pas façon Kick-Ass, tout y est.

Mais ce qui surprend encore plus (et qui fait la force majeure du cinéma indien en général), c’est la facilité avec laquelle Minnal Murali passe de la comédie au drame avec la sincérité la plus désarmante. La bascule dramatique menant au climax fait verser le récit dans un registre bien plus sombre, sans jamais perdre en cohérence. Un petit miracle pour un film qui s'ouvrait sur une scène d’action tout droit sortie d’un film pour enfants.

 

Minnal Murali : Par le pouvoir de l'éclair : photo, Tovino ThomasCaptain Covid

 

Bien évidemment, le film n’est pas exempt de défauts. Au-delà des quelques longueurs, on aura du mal à passer sur quelques séquences filmant avec une complaisance douteuse les violences faites aux personnages féminins. Et pour ce qui est censé être le clou du spectacle, le costume de notre super-héros laisse clairement à désirer, en particulier son masque qui le transforme en une sorte de Captain Covid dur à prendre au sérieux.

Malgré tout, la sincérité du projet et la qualité de l’écriture aident à fermer les yeux sur ces aspects, et à profiter d’un vrai bon film. Minnal Murali est loin d’être le premier super-héros indien, mais il est de loin le plus authentique, celui qui se réapproprie le mieux des codes étrangers pour faire un film à l’identité résolument locale et marquée.

Minnal Murali : Par le pouvoir de l'éclair, dsponible sur Netflix

 

Minnal Murali : Par le pouvoir de l'éclair : Affiche

Résumé

En jonglant intelligemment entre épopée naïve et divertissement plus fin qu’il n’y paraît, le film de super-héros Minnal Murali offre une relecture tendre et inattendue d’un genre dont on pensait déjà tout connaître. Pour le peu qu’on passe sur la durée et le choc des cultures, le film a tout pour faire partie des perles cachées du catalogue Netflix.

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(5.0)

Votre note ?

commentaires
MystereK
23/01/2022 à 09:46

Très bon film, et ne pas oublier sur Netflix l'autre film de super-héros indien : Bhavesh Joshi.

Brosdabid
14/01/2022 à 18:44

Connais pas du tout mais l article est intéressant

Kouak
11/01/2022 à 08:38

Hello!!
je ne sais si vous repasserez par ici...Simplement pour vous remercier du "tuyau" Baahubali...
J'ai regardé les deux opus ce week-end et j'ai beaucoup, énormément, aimé...
J'assume complètement...
Minnal Murali est tout aussi bon...Du nectar...
Merci pour cette découverte ! ;-)

Ysil
07/01/2022 à 18:49

Une écriture de Clément qui est toujours aussi agréable à lire qu'à entendre. Je pense me laisser tenter par ce film !

MoiLeVrai
07/01/2022 à 17:08

Merci de la suggestion ,je vais regarder ça. ayant scotché sur les Baahubali, je suis impatient de découvrir ça

Zedd
06/01/2022 à 19:11

Quoi c'est déjà sorti ? Mais j'en ai jamais entendu parler avant et je n'ai rien vu sur les RS/YouTube, c'est assez ouf quand même (merci de supprimer mon message précédent, j'ai pas fait exprès d'appuyer sur Entrée hahaha)

Kouak
06/01/2022 à 16:26

Bonjour,
Il est vrai que les prod' indienne prennent du poil de la bête...
J'ai beaucoup apprécié, dans un autre registre "Aranyak : Les secrets de la forêt"...
https://www.cinefilgood.com/t193-aranyak-les-secrets-de-la-foret-un-doux-plaisir
Merci pour le tuyau "Baahubali" dont les 2 parties sont disponibles sur Netflix...
Même si cela à l'air un peu "kitsh" je crois que je vais me laisser tenter... ;-)

Kolby
06/01/2022 à 16:20

Voilà au moins un film de super héros sans budget énorme ne prend ses spectateurs pour des.... Thomas njijol prends en de la graine avec sa légende du serpent noir qui était par contre jaune. Pourtant saurait été un super film s'il se prenait au sérieux

votre commentaire