Tous en scène 2 : critique sans applaudissements

Déborah Lechner | 24 décembre 2022 - MAJ : 24/02/2024 02:40
Déborah Lechner | 24 décembre 2022 - MAJ : 24/02/2024 02:40

Après le succès inattendu de Tous en scène, un film d'animation musical sans prétention d'Illumination (Moi, moche et méchant, Comme des bêtes), la troupe de Buster Moon revient sans surprise sous les projecteurs avec Tous en scène 2, mais elle aurait mieux fait de rester en loges. 

comédie musiC-râle

Cette critique ne va pas chanter les louanges de ce second volet, alors autant commencer directement par ses deux qualités difficilement contestables : sa plastique plus travaillée, notamment au niveau des couleurs et des textures, et son doublage original toujours juste et convaincant (Matthew McConaugheyScarlett Johansson, Reese WitherspoonTaron EgertonTori Kelly). Mais le fait que la réalisation et les musiques soient aussi plates et peu inspirées rend ces aspects plus frustrants que satisfaisants. 

Si Tous en scène assurait un show entrainant en dépit d'une histoire conventionnelle, le scénario de Tous en scène 2 avait tout pour offrir au public un grand spectacle musical digne de ce nom. Le film quitte en effet la scène miteuse du petit théâtre en faillite et abandonne le concours de chant amateur pour jouer une comédie musicale de science-fiction démesurée sur une scène professionnelle huppée de Las Vegas (ou tout comme). 

 

Tous en scène 2 : photoLe cirque du sommeil 

 

Mais après une reprise scénique un poil délurée d'Alice au pays des merveilles en ouverture, le long-métrage se transforme vite en banale playlist TikTok de presque deux heures. La bande-son du film, bien moins ambitieuse que Buster Moon, ne propose ainsi aucune musique originale, alors que l'intrigue s'y prêtait volontiers. Elle brasse simplement de nombreux genres et époques - de quoi s'assurer d'avoir l'attention d'un maximum de spectateurs le temps de 30 secondes - et fait défiler aléatoirement des dizaines d'extraits de tubes à succès dont l'intérêt narratif est souvent proche du néant.

La pièce Out of the World a beau impliquer des décors vertigineux et l'imagerie excentrique d'un space opera rétro, la composition des plans et les mouvements de caméra n'offrent aucune idée visuelle vraiment marquante et ne parviennent pas à exploiter pleinement l'extravagance de la comédie musicale qui se joue pour servir la mise en scène, beaucoup trop sage.

 

Tous en scène 2 : photoPlus d'idées pour les costumes que la réalisation

 

Pire, le montage saccadé tente de pallier le manque de dynamisme de l'ensemble, ce qui ne permet pas d'apprécier les différentes saynètes (en particulier les numéros de danse). Plus globalement, le film s'attarde trop peu sur la représentation de la pièce, pourtant au coeur du récit et présenté comme son point d'orgue.

Contrairement au final explosif de Tous en scène (dont une reprise de Taylor Swift par Rosita assez mémorable), les numéros sont beaucoup trop courts et décousus les uns des autres. Le plus décevant est certainement l'arrivée sur scène de Clay Calloway, doublé par Bono. Il n'a le droit qu'à un bref couplet et refrain en duo avec Scarlett Johansson, alors que la séquence - un des rares moments d'émotions - aurait mérité une prestation entière pour donner aux spectateurs (humains) ce qu'ils étaient principalement venus chercher en salles : un film musical.

  

Tous en scène 2 : photoJuste le temps de rappeler que Scarlett Johansson est une super chanteuse

 

zoophobie

Tous en scène 2 ! n'est donc pas la comédie musicale attendue, et n'est même pas un film satisfaisant, en premier lieu parce que le précédent volet n'appelait aucune suite. Mais le box-office mondial à plus de 634 millions de dollars laissait peu de doute quant au retour de la troupe au cinéma. Dans cette logique essentiellement mercantile, le plus surprenant est surement d'avoir "attendu" pendant cinq ans pour un résultat qui semble aussi inabouti et bâclé.

Avec une paresse évidente, l'histoire confronte plus ou moins les personnages aux mêmes problématiques que dans le premier volet (le manque de reconnaissance de Johnny, le manque de confiance de Rosita ; la timidité maladive de Meena) quand d'autres font carrément du surplace dans leur caractérisation, à l'instar d'Ash, Gunter ou Buster Moon qui ne sont là que pour dérouler mécaniquement le scénario et ses sous-intrigues encombrantes.

 

Tous en scène 2 : photoOui, c'est à peu près le genre de tête à faire 

 

Comme le premier film, le second opus souffre d'une distribution trop dense, mais décide quand même de se tirer une deuxième balle dans le pied en agrandissant un peu plus son casting. Si le scénario a déjà du mal à accorder de la place aux anciens, les nouveaux - Porsha, Nooshy, Darius et l'éléphant dont il est facile d'oublier le prénom alors qu'il est doublé par Pharrell Williams - n'ont aucune ampleur.

De la même façon qu'il ne chante presque pas, Clay Calloway n'apparaît qu'une vingtaine de minutes à l'écran, alors qu'il s'agit du personnage le plus intéressant, qui porte avec lui tous les enjeux émotionnels de l'histoire, en particulier avec le deuil de sa femme, son incapacité à remonter sur scène et sa solitude. Des enjeux émotionnels que l'intrigue effleure et balaye sans scrupule, à l'image de tout ce qui a un peu de fond.

 

Tous en scène 2 : photoM. Crystal

 

Que ce soient l'envers du décor et les aspects les moins reluisants du show-business, la déception personnelle ou les réalités cyniques du star-system,  le film ne parvient jamais à laisser ses gags de côté pour traiter ses thématiques avec un minimum de maturité et de sensibilité. Enfin, parce qu'il fallait aussi le souligner, l'intérêt de l'anthropomorphisme déjà peu évident dans le premier film est totalement inexistant dans le second, si ce n'est pour confirmer dès le premier coup d'oeil que M. Crystal sera bien le méchant de cette histoire rapiécée à temps pour Noël. 

Tous en scène 2 se confronte finalement aux mêmes enjeux que ses personnages principaux : faire mieux et aller plus loin pour enfin passer dans la cour des grands. Sauf que sur un malentendu, les personnages y arrivent, mais certainement pas le film.

 

Tous en scène 2 : affiche

Résumé

Tous en scène 2 aurait mieux fait de rester en coulisses. Le nouveau film d'animation d'Illumination n'apporte aucun développement à ses personnages trop nombreux, n'exploite jamais ses enjeux émotionnels et n'assure même pas le spectacle en tant que divertissement musical. 

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Lecteurs

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commentaires
Flo 1
29/02/2024 à 18:12

Pareil que le premier, Garth Jennings nous fait retrouver la bande de performers sympathique et attachante, en passant de l’ambiance à la Chorus Line vers le show à la Las Vegas.
Il y a moins de personnages qui vont devoir faire face à un défi personnel ardu (Johnny devant cette fois retravailler son expression corporelle, Meena devant apprendre l’intimité), il y aura encore une sous-intrigue criminelle (plus dangereuse) prétexte à montrer les artistes comme des hors-la-loi prêts à pirater une scène pour faire exister leur art, et montrer leur talent…
Heureusement que dans ce déferlement de scènes hystériques mais virtuoses, typiques des prods Illumination (super mouvements de caméra, couleurs partout, BO intempestive, Mlle Crawly qui parodie de John Ford), on a de beaux instants calmes avec une Rockstar en deuil, dont le retour représente un enjeu final.
Une jolie touche d’émotions (la reprise de U2 par le public, le chemin de retour dans le car), bien entendu réservée aux plus jeunes, qui ont moins de patience. Avec juste un peu de réflexions sur le statut des artistes, dont une scène emblématique où Ash/Scarlett Johansson dénonce le fait qu’on ne lui ait pas payé ce qu’on lui devait… la même année que lors de la sortie de « Black Widow ».
Coïncidence, ou ajout tardif, en tout cas c’est l’une des rares fois où le film se montre plus incisif que clipesque.

Rhalain
30/01/2023 à 15:18

Je ne comprend rien à cette critique, sauf si on me dit que l’auteur de ce brûlot admet que Matrix 4 est une réussite. En ces temps de la chute de l’Age de Fer, je me dis qu’un film que je peux regarder avec mes enfants sans craindre le pire est déjà une réussite. Pour ma part je reste très vintage, mais j’ai apprécié ce film, et je le recommande chaudement. Pour ce qui est de l’analyse profonde du synopsis et de la taille des pixels’ je laisse les professionnels du cinéma en débattre entre eux. Moi, il faut que j aille couper du bois dans ma campagne profonde. The Winter is here.

Helsa
26/12/2022 à 22:02

Les goûts et les couleurs .. je trouve cette critique exagérée . Pas aussi bien que le premier , mais tout de même un très bon film d’animation :)

Emynoduesp
25/12/2022 à 10:15

Je trouve cette critique dure.
J ai vu le film il y a quelques semaines, et j ai passe un tres bon moment.

Calloway est inexploite et Crystal sous exploite meme si ca mechancete m a surpris quand il voulait en arriver au meurtre.
Malgre un déroulement classique du scenario, j ai ete pris au jeu et compare a d autres films, comme Sonic 2 que j avais vu la veille ou certains blockbusters, il n a pas a rougir.

Je regarderai ce film a nouveau avec grand plaisir.

Geoffrey Crété - Rédaction
24/12/2022 à 21:40

@Leviathan75

Regardez les dates des commentaires.
Simon n'est plus dans l'équipe, mais évidemment et naturellement qu'il restera sur le site avec tous ses articles et autres preuves de son passage.

Zay
13/10/2022 à 23:40

Certainement le pire avis qu'il m'est été donné de lire
Histoire de pas vous conforter dans votre illusion cher rédacteurs , lire votre avis a bien plus été une perte de temps pour moi que voir "Tous en scène 2" (comme vous le sous entendiez)
Peut être serait t'il temps de VOUS vous recycler

Simon Riaux
02/05/2022 à 16:29

@Guilhem

Je ne me souviens pas bien, c'est quoi le trait qu'on prête volontiers aux habitants de Paris déjà.

La condescendance ?

Simon Riaux
02/05/2022 à 16:23

@Guilhem

Je crains que Paris ne vous déçoive grandement si vous pensez que ceux qui y vivent (ou en île de France en général) bénéficient uniformément d'un contexte globalement favorisé.

Tout comme je me demande donc qui sont mes amis et camarades utilisant le point médian hors de Paris. Des grands-remplacistes venus remplacer les habitants de nos régions ? Des parisiens incognito ? Des islamo-wokistes.

Le mystère est total.

Belle soirée !

Guilhem
02/05/2022 à 16:14

En fait, si, dernier petit message, pour que vous puissiez comprendre où je veux en venir. J'essaye de bien me relire à chaque fois, mais je suis dys, et je galère beaucoup parfois. En particulier avec les points médians (et je suis très pro-écriture inclusive, j'utilise au maximum les accords de proximités et les tournures épicènes).

Je pense que vous savez très bien que de nombreuses personnes dys comme moi galèrent avec les points médians. Pourtant, dans vos tweets, vous les utilisez.

C'est ça que je veux dire par regard parisien. La volonté de faire le bien (ce qui est très bien), de vouloir un monde meilleur (ce qui est très bien), mais ne le faire qu'avec un regard d'une personne privilégiée (car être parisien, en France, c'est être privilégié, niveau emploi, niveau culture). Ce qui est moins bien. Et pour moi, Tous en Scènes 2, c'est un film qui parle de petites gens qui font ce qu'ils peuvent pour essayer de briller dans un monde privilégié. Et c'est peut-être pour ça que ça a parlé à autant d'entre nous.

Allez, c'était vraiment mon dernier message, motivé par votre dernier tweet.

Une très bonne semaine ! ^^ Et merci pour vos retours que j'apprécie la plupart du temps ! :-p

Simon Riaux
02/05/2022 à 16:11

@Guilhem

Je dois vous avouer être un peu scié, dans le sens où vous appliquez précisément ce que vous me soupçonnez de faire (et qui n'était, encore une fois, qu'une réponse au vocable que vous avez le premier utilisé).

Je ne vous ferai donc pas l'affront de vous apprendre que le terme "parisien" est également idiot, tant il recoupe de réalités différentes, pour l'écrasante majorité aux antipodes de celle, privilégiée, que vous évoquez dans votre message.

Les concours que nous organisons ?
Nous n'en organisons pas.
Les évènements ?
Nous n'en avons pas encore organisé à ce jour.

Quant à Sens Critique, pour connaître quelques membres de l'équipe, je ne doute pas que s'il leur était économiquement possible de mener des actions hors de Paris, ils le feraient, tant ce serait dans leur intérêt.

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