Killer Game : critique qui préfère le mille bornes sur Netflix

Raphaël Iggui | 6 octobre 2021 - MAJ : 06/10/2021 14:59
Raphaël Iggui | 6 octobre 2021 - MAJ : 06/10/2021 14:59

Netflix a parfaitement compris que l'adolescence n'est plus seulement un paquet de barbaque à la merci de la première silhouette menaçante : c'est aussi un segment important en termes de consommation de contenus. Netflix propose donc des programmes ciblés dans tous les genres, dont l'horreur. Alors que la trilogie Fear Street s'est achevée le 16 juillet dernier, la plateforme à l'iconique Tudum revient avec Killer Game, inspiré du roman There's Someone Inside Your House de Stephanie Perkins. Le résultat ne casse pas trois pattes à un canard, mais lui laisse au moins une entorse

Tuer n'est pas jouer

Dans une petite ville du Nebraska, le lycée Osborne High va connaître une vague de révélations compromettantes sur les secrets les plus inavouables de certains de ses élèves. En parallèle, un mystérieux tueur assassine ces mêmes élèves en portant à chaque fois un masque à l’effigie de ses victimes. Fraîchement débarquée d’Hawaï, Makani, aidée de sa bande d’amis marginaux du lycée, va tout faire pour arrêter ce massacre alors qu’elle-même cache un terrible secret…

L'implosion progressive d'une communauté sous le poids de révélations de plus en plus lourdes, la tension entre l'individu et le collectif, le rapport à la norme : le postulat de Killer Game repose sur un scénario classique, mais au potentiel inépuisable, en termes de fond comme de forme. Mais si le film remplit correctement sa mission, il ne dévie jamais des rails ultra-prévisibles sur lesquels il est confortablement installé. 

 

Photo, Burkely Duffield, Sydney Park, Asjha Cooper, Jesse LaTourette,  Dale WhibleyLe casse-croûte club

 

L'intrigue de Killer Game repose sur deux axes majeurs : la culpabilité de l'héroïne et la quête de l'identité du tueur, les deux se télescopant et dialoguant tout au long du film, pour finir par aboutir au dénouement logique, avec la rédemption et la résolution du mystère. Une voie toute tracée, déjà parcourue par quantités d'oeuvres avant Killer Game, qui offre néanmoins une structure solide, efficace, voire amusante.

Hélas, l'enfer est pavé de bonnes intentions et Killer Game est clairement une autoroute 8 voies d'évidences scénaristiques. Le programme se déroule confortablement et paresseusement sous nos yeux ébahis par autant de facilité. Jusqu'à la fin, on a donc le droit au classique petit jeu de "c'est lui / c'est pas lui" avec des suspects potentiels disséminés parmi les personnages grâce à une caractérisation aussi subtile qu'un Guy Pearce en fonctionnaire d'État méchant

 

Photo, Sydney Park, Theodore PellerinLes enfants du maïs

 

Le twist a au moins l'avantage de surprendre (un petit peu), mais malheureusement, on a la même sensation qu'à la dernière descente de montagnes russes : on la connait par coeur et on devient décidément trop vieux pour ces conneries. À la manière de Fear Street, Killer Game s'adresse avant tout à un public peu familier des canons du genre. 

Les mécaniques du scénario semblent avoir trente ans de retard, comme si les années 1990 n'avaient jamais existé, recyclant des codes que Scream moquait déjà en 1996. L'ensemble se révèle bien trop sage, et trop aseptisé, même dans sa manière d'aborder ses thématiques plus sociétales. 

 

PhotoCarnival Lecter

 

 

Euphoria of the sex education

En 2018, Assassination Nation de Sam Levinson (le créateur de la série Euphoria) partait d'un postulat un peu similaire - le dévoilement de lourds secrets par un intermédiaire inconnu provoquait l'implosion d'une communauté. Mais il le sortait des portes du lycée pour l'ancrer dans le microcosme d'une ville américaine, se permettant un propos frontal sur la violence de la société américaine envers les femmes

Si Killer Game aspire avant tout à être un slasher, le film tente quand même d'aborder des thématiques sociétales et des préoccupations contemporaines : l'homosexualité, l'obsession viriliste et ses dérives, les discriminations liées aux origines ou à la couleur de peau, le racisme, le privilège blanc victimaire... Mais là encore, le résultat est plus que maladroit.

 

Photo, Sarah DugdaleMarion Maréchal-le Pen quand elle sort au métro Barbès

 

Jonglant entre teen movie, slasher et film à discours, Killer Game s'éparpille et ne mène rien à bon port. Ses thématiques perdent donc non seulement en puissance, mais aussi en cohérence. Prenons la question du racisme et des discriminations évoquées majoritairement au travers des personnages d'Alex (Asjha Cooper) et Rodrigo (Diego Josef) : si on sent que le thème se veut central dans le film, il ne dépasse jamais l'ébauche dessinée par quelques répliques lâchées à la cantonade

Idem pour la question du privilège blanc victimaire, son sujet-némésis qui s'incarne principalement dans deux scènes : le meurtre de Katie Koons (Sarah Dugdale) dans une église où le tueur diffuse son podcast raciste sur la suprématie de la race blanche, et le climax où Zack Sanford (Dale Whibley) révèle ses motivations profondes. Le thème n'est ainsi abordé qu'une fois dans le premier tiers pour ressurgir dans le climax final comme s'il ne nous avait jamais vraiment quittés.

 

PhotoUn SJW sauvage apparaît

 

L'attitude ultra-victimaire de Zack Sanford (Dale Whibley) sort de nulle part, et donne clairement le sentiment que le film tente de rattacher péniblement ses wagons pour se diriger en fanfare vers le générique. Au même titre que beaucoup d'éléments cités précédemment, le film pose ses thématiques au fur et à mesure pour mieux ne rien en faire, tel un fan de figurine Star Wars devant sa collection poussiéreuse jalousement défendue.

Killer Game se tire ainsi un missile dans chaque pied, voulant être un film imprégné d'un discours sérieux tout en étant léger, convoquant des thèmes forts, finalement traités de manière ultra superficielle. Un constat qui rappelle un peu trop Fear Street et la sensation d'une série de cases à cocher. 

 

Photo, Theodore PellerinLe degré de subtilité du film illustré

 

Il y a quelqu'un dans votre dernière maison sur la gauche

En effet, Killer Game partage quelques points communs avec la trilogie estivale de Netflix. On retrouve ce triste sentiment d'y suivre un déroulé très programmatique avec ses passages obligés. Sauf que, là où Fear Street avait trois volets pour installer et développer ses idées comme ses personnages, Killer Game n'a qu'une heure et demie. 

La présence de certains personnages ne tient ainsi parfois qu'à l'étiquette qui leur est accolée. Un phénomène particulièrement frappant quand on s'arrête sur le personnage de Caleb Greeley (Burkely Duffield), présenté comme un footballeur gay marginalisé, parce que soupçonné de meurtre, qui prononce deux répliques avant de se faire bêtement liquider. Une lampe de chevet avec un post-it faisant mention de ces faits aurait suffi à le remplacer

 

PhotoUne canne de golf avec plus de personnalité qu'une majorité des personnages

 

Le syndrome Netflix a-t-il encore frappé ? Le cahier des charges est rempli sans génie et sans surprises. Vous avez même le droit à la traditionnelle scène érotique aussi tiédasse qu'une grand-mère récemment décédée. La feuille de route est suivie avec un tel automatisme que Killer Game ne s'embarrasse même plus d'une caractérisation un peu recherchée, ce qui se perçoit dans les accomplissements comme dans les manquements du film.

Par exemple, afin de montrer à tout le monde que son père est un salaud profondément sans coeur, Zack va ainsi dévoiler sa collection d'objets nazis du IIIe Reich qu'il a transformé en.... bang. À l'inverse, on ne sait strictement rien de la rencontre ou de l'histoire entre Makani (Sydney Park), le personnage principal et Ollie (Theodore Pellerin), alors que le film y consacre une bonne partie de son développement. 

 

Photo, Sydney Park, Theodore PellerinDeux inconnus au bout du monde

 

Un constat un peu tristounet quand on voit l'investissement du casting (Park et Pellerin en tête), et les quelques élans dans la mise en scène de Patrick Brice (Creep, Creep 2). Rien de bien renversant ou de purement terrifiant non plus, le réalisateur reste dans des clous très téléfilmesques la majeure partie du temps. Mais parfois, au détour d'une scène de meurtre un peu inventive, Brice fait joujou avec sa caméra. 

En fait, chaque fois qu'on assiste à un des meurtres, le film perd un peu de son premier degré lénifiant pour s'offrir une distance un peu méta bienvenue. Pas de cassage du quatrième mur, mais une sorte de conscience de son statut d'énième slasher lycéen. Un esprit qu'on aurait aimé être la norme de Killer Game plutôt que son exception.

Killer Game est disponible sur Netflix en France depuis le 6 octobre 2021

 

Affiche officielle

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Résumé

Malgré un postulat de départ ludique et un discours embryonnaire intéressant, Killer Game reste sagement dans sa zone de confort, et propose à la fois un slasher banal et un teen movie basique. Un produit de consommation supplémentaire pour Netflix, et une heure et demie en moins de votre vie : le calcul est vite fait, vous feriez mieux de faire un Puissance 4.

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Lecteurs

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commentaires
Omegaton
07/10/2021 à 18:59

un moins de 18 sur netflix alors qu'il y'a bien plus trash a -16 voir même 13...aucune logique leur pegi. sinon le film ça se regarde mais ça vise un public d'ados et c'est quoi cette réplique à la noix 'qui fume de nos jours? des psychopathes!...ok...rien que cette réplique, elle à tué 50% de la niardise du film...14/20 ans ça vous plaira, perso ça manquait de maturité et de sérieux pour ce Scream genre.

Maski masK
07/10/2021 à 10:06

@Cytral en tout quand James wan avais dit que malignant allait diviser je n'était pas prêt à ceux que j'ai vu mais bon ça me rend quand même triste de voir que il n'a plus envie de faire de l'horreur, j'espère qu'il va bien s'amuser en réalisant Aquaman 2 car j'ai apprécié à ma grande surprise le premier film.

Cytral
06/10/2021 à 18:33

@Maski mask Malignant était son choix, pleinement assumé, avec sa femme à l'écriture. C'est justement parce qu'il veut faire autre chose que des superproductions qu'il a fait Malignant, en poussant tous les potards au max.

Pifpaf
06/10/2021 à 18:21

@ giro
Je ne comprends pas le terme victimaire accollé derrière mais ceci dit je ne comprends pas non plus comment il est possible de parler de privilège blanc tout court

Giro
06/10/2021 à 16:24

@Pifpaf

tu bugges sur le terme un peur a rallonge ou bien tu la joues SJW du bac a sable ouin ouin nous les pauvres blancs ah qu'on est les victimes maintenant ?

Maski mask
06/10/2021 à 15:58

James wan à la production c'est plus un argument de vente ou un gage de qualité lorsque que l'on voit les film qu'il a produit la majorité sont des infâme daube (la nonne, annabelle et quasiment tout les film du conjuring verses) et d'autre plus qualitative comme la série SWAMP THING OU DANS LE NOIR, après avoir vu malignant je l'ai vraiment compris je crois qu'il n'a plus envie de faire des film d'horreur depuis fast 7 et aquaman on sent qu'il veux faire autre chose et franchemt après aquaman 2 je sais pas où il va aller mais j'ai peur pour la suite...

Pifpaf
06/10/2021 à 15:22

Faudra m expliquer ce que vous entendez par privilège blanc victimaire parce que c est pas clair là

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