Boîte noire : critique parano activity

Geoffrey Crété | 18 mars 2022
Geoffrey Crété | 18 mars 2022

Boîte noire est diffusé ce soir à 21h10 sur Canal+.

Après Un homme idéal en 2015, Pierre Niney retrouve le réalisateur et scénariste Yann Gozlan pour un nouveau thriller : Boîte noire. Place cette fois à l'univers de l'aviation, avec un expert à l'oreille très fine qui enquête sur le crash d'un appareil et commence à démêler un potentiel complot. Assurément une petite réussite, à ne pas rater.

L'OUïE FILM

La dernière fois qu'une jeune et belle gueule française tendait l'oreille pour affronter l'angoisse, c'était François Civil dans Le Chant du loup en 2019. Pierre Niney lui emboîte le pas dans Boîte noire, avec lui aussi une ouïe extrêmement fine, mais pas que. Entre les deux films, ce même fil invisible d'ambition cinématographique, d'appétit de genre, et d'amour des rouages d'un suspense trop souvent (et bêtement) associé à Hollywood.

Dans Boîte noire, il est question d'un crash dans les Alpes. Il ne reste rien de l'avion, sinon une boîte noire évidemment intacte, et le mystère des raisons de cette catastrophe. Au sein du Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA), Mathieu Vasseur met l'oreille dans l'affaire et tire peu à peu le fil de l'enquête, qui se transforme en énigme, voire en complot.

Le refrain est bien connu, et sans surprise, le réalisateur Yann Gozlan cite Conversation secrète de Coppola et Blow Out de De Palma parmi ses références. Boîte noire rappelle à l'ordre le bon souvenir d'un certain cinéma parano des années 70, avec son héros solitaire et justicier, qui ouvre la boîte de Pandore avant d'être lentement avalé par une machinerie qui le dépasse. Et sous ses airs d'exercice de style (trop) appliqué, Boîte noire est une petite leçon de savoir-faire, qui impose pour de bon Yann Gozlan comme un réalisateur de premier ordre.

 

photo, Pierre NineyBlu-tous sur écoute

 

VOL AU-DESSUS D'UN NID DE COULEUVRES

Première démonstration : la force douce qui impose le héros pour que le public s'y accroche comme à une bouée dans la tempête. Le talent de Pierre Niney pèse bien sûr dans la balance, mais parce que l'acteur est un rouage dans la machinerie de Boîte noire. Du design sonore qui se raccroche constamment aux sens du héros, aux lents mouvements de caméra pour se réaligner sur le regard affûté du garçon, le film se traverse comme en apnée.

Entre le BEA, le milieu de la finance et celui de la presse avec Mediapart, le héros plonge de plus en plus profond dans les eaux troubles, rassemblant les pièces d'un puzzle qui semble inexorablement l'engloutir. La copine, le chef, le collègue, l'ami, l'inconnu : tout le monde devient suspect à mesure que son ouïe fine décode le monde et le transforme en océan de doutes. Jusqu'au point de rupture où son propre reflet devient l'ennemi. La mécanique des scénaristes Yann Gozlan, Simon Moutaïrou, Nicolas Bouvet et Jérémie Guez est simple, mais terriblement efficace, même dans ses moments les plus explicatifs - quasiment des pièges obligatoires dans un tel exercice, notamment dans la résolution.

Hormis Lou de Laâge en porte-à-faux, avec son allure presque artificielle qui dénote, le film impressionne ainsi par sa discrète maîtrise. Le plaisir de chercher la solution à cette énigme est énorme, et sert de carburant jusqu'à la dernière scène. Preuve qu'il n'y a pas d'espace perdu dans cette Boîte noire, avec deux bonnes heures rondement menées et palpitantes. 

 

photo, Pierre NineyDes phares dans la nuit

 

FAIRE GENRE

Zoe Felix kidnappée dans les Balkans par des fous furieux dans Captifs, Pierre Niney pris dans une spirale cauchemardesque de mensonges dans Un homme idéal, François Civil qui carbure en moto pour affronter des gangsters dans Burn Out : le réalisateur Yann Gozlan est mené par un évident appétit de cinéma dit de genre. Et si Boîte noire se présente comme son meilleur film, c'est parce qu'il semble avoir totalement digéré ses modèles. Non pas pour s'en affranchir, mais pour sérieusement s'amuser avec sa caméra et sa mise en scène.

Le plan-séquence de l'intro, qui manie les outils numériques et le hors-champ avec adresse, est le top départ d'un grand mouvement d'une efficacité et d'une fluidité redoutables. D'une reconstitution imaginaire des événements à un simple plan qui bascule pour accompagner le héros, Boîte noire témoigne à chaque scène d'un désir de cinéma. Un cinéma qui cherche à reproduire une recette certes familière, mais qui s'impose immédiatement comme un pur plaisir ; particulièrement en France, où trop peu de producteurs et distributeurs, et donc de réalisateurs et scénaristes, s'aventurent.

 

photo, Pierre NineyInterro(gatoire) surprise

 

Alors même qu'il filme les lieux communs du thriller urbain et contemporain (des bureaux éclairés par quelques néons et écrans, une forêt en pleine nuit, un sous-sol inquiétant), Yann Gozlan ne semble jamais s'y perdre. Par un mouvement de caméra ou un effet dans la photo de Pierre Cottereau (celui-là même qui éclairait les abysses du Chant du loup), il donne une dimension ludique à toute cette Boîte noire. Et ne se prive pas d'emballer quelques scènes de suspense et tension impeccables, jouant avec intelligence des silences et d'une peur invisible.

Impossible enfin de ne pas saluer le superbe travail du compositeur Philippe Rombi. Principalement connu pour sa collaboration avec François Ozon, il signe ici des mélodies entêtantes, qui rappellent les thèmes magiques de Michael Small dans les années 70 chez Alan J. Pakula (A cause d'un assassinat, Marathon Man, Klute). Associée au travail sur le son, sa musique est la dernière touche qui donne un éclat de cinéma à cette modeste, mais réjouissante Boîte noire.

 

affiche

Résumé

Boîte noire convoque le souvenir d'un certain cinéma parano des années 70 pour emballer un thriller d'une efficacité redoutable. La mécanique est simple, mais l'exécution tellement maîtrisée, que le plaisir est immédiat.

Autre avis Alexandre Janowiak
Même si l'ensemble flanche dans une deuxième partie trop classique, Boite Noire est une enquête passionnante se muant en véritable thriller paranoïaque dans les pas de Blow Out et The Ghost Writer.
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Lecteurs

(3.1)

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commentaires
Flo
21/11/2023 à 13:03

On voit très bien où veut en venir ce film, dont les références à Coppola, Pollack ou De Palma sont bien digérées, et qui est aussi une sorte de « cousin » du contemporain « Le Chant du loup » – protagoniste obsessionnel aux dons acoustiques, gros engins navigants, professionnels s’exprimant avec codes et verbiage particulier, éléments qui se retournent contre vous, investigation qui va sortir des huis clos pour devenir Polar mystérieux, récit d’un échec…
Le réalisateur Yann Gozlan retrouve Pierre Niney pour un film qui se veut être (indirectement ?) une variation de leur « Un homme idéal ». Jusqu’à réutiliser le nom de Matthieu Vasseur, dans les deux cas un anti-héros qu’on doit suivre et comprendre, malgré le fait qu’il soit naturellement irritant.
Dans les deux films il était question de réalités recréées, via une fiction pouvant apporter la gloire pour l’un, via une information devant apporter la justice pour l’autre. Les secrets (politico-industriels dans ce cas précis) qui les entourent étant si explosifs qu’ils peuvent mener à la mort, et plus précisément à un amer sacrifice.
Et comme dans l’un, l’élément crucial est le couple central, où Niney apparaît comme le « faible », celui qui a volé sa place et ferait mieux de laisser les fruits de la victoire à sa compagne.

Seulement ici ce duo évolue surtout dans un milieu professionnel, lointains collègues au sein d’une entreprise où elle est celle qui domine par son statut social, acquis par une maîtrise et une froideur dont est dépourvu son compagnon – elle est méthodique, fière, stricte (une des rares fois où on voit Lou de Laâge avec des cheveux courts) et possiblement une antagoniste… jusqu’à ce que ses apparitions à l’écran se fassent plus rapprochées et nous donne enfin son point de vue.
Lui (notamment dans une scène où un grand patron se trouve entre eux deux), est maladivement méticuleux, baisse la tête, embête tout le monde, ne se fait jamais respecter et ne génère aucune confiance, même pour les spectateurs… a priori.
Plus que la résolution de cette affaire, vrai Thriller parano émaillé de scènes virtuoses en cockpit, sur terre ou sur l’eau, aussi bien visuelles (et muettes) que sonores, certaines figurant l’espace mental de Vasseur… la question sera à un moment donné de savoir si ce couple de jeunes ambitieux avait lui aussi quelque chose de réel. Se sont-ils vraiment aimés, et est-il trop tard ?
La scène introductive du film, un long plan-séquence, ayant pour objet de donner la note d’intention : Jusqu’où ça va aller ? Quand est-ce que ça va s’arrêter (au crash bien sûr) ?
Rebondissant sur ça, la dernière séquence avec Niney commencera puis finira par un plan rapproché sur son oreille, hypersensible et détectant le danger à venir…
Et la conclusion, bien qu’abrupte, est un pacte de confiance avec le spectateur : il suffit d’un acte publique, il suffit de montrer des émotions sur un visage résigné, pour comprendre tout ce qui s’est passé sans rien en dire. Bouleversant !

Rico
20/03/2022 à 22:18

Je viens de le voir, c’est pas mal, au-dessus de ce que qui se fait dans le cinéma français.
Niney est bien mais pas transcendant, la réal et la lumière sont assez plate quand même, à l’exception du plan séquence d’intro correct sans être malin et le plan ou la caméra se tourne sur l’axe z rien le reste c’est bof bof.
Ce film aurait pu être génial si il ne retenait pas ses coups, du cinéma qui vous emporte en somme mais la je reste sur le tarmac.

Byron
20/03/2022 à 13:19

Film d'un bon niveau à l'intrigue bien ficelée. Fin un peu sèche et l'on reste un peu sur sa faim.

le chiant du loup
20/03/2022 à 10:31

Long, prévisible, manichéens, proprer, Nineyiste.
Rien de nouveau pour ce film de genre à la française.

ZakmacK
19/03/2022 à 22:05

Très sympa comme film. Pierre. Niney est excellent, et son ouïe est quasiment un super pouvoir ! Ca change des comédies avec Christian Clavier :)

Fitamine
19/03/2022 à 09:19

Super film ,super bien réalisé,une vrais baffe

x-or
15/02/2022 à 08:10

La note de 3,5 me semble dure.
Film parfaitement maitrisé, on pense au chant du loup mais on s'évite la tare de ce dernier c'est à dire son casting.
Dussolier a toujours cette présence, Niney très bien aussi et tout le reste.
Très très bon.

Jajatte
13/01/2022 à 23:09

Je confirme c'est un excellent film, sa femme est hypnotique, magnifique !

Kyle Reese
17/12/2021 à 00:21

Très bonne surprise vraiment. Ambiance froide, mais correspondant surement à ce milieu très particulier. Un très bon thriller. Et je découvre le talent de Pierre Niney très bon dans ce film et épatant aussi, totalement transformé dans OSS117, film que j'ai bien moins apprécié, amusant mais sans plus. Bref ça fait plaisir de voir films de genre français de qualité après Bac Nord.

MoiLeVrai
08/11/2021 à 15:50

Enfin vu hier. Très bien, classique mais efficace. C'était un très bon moment de cinéma et je souhaite sincèrement que le cinéma Français continue à produire des films de genre de ce type pour qu'à l'avenir il commence à prendre encore plus de risques.

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