Brand New Cherry Flavor : critique de la cerise sur le gâteau Netflix

Mathieu Jaborska | 18 août 2021 - MAJ : 10/09/2021 15:22
Mathieu Jaborska | 18 août 2021 - MAJ : 10/09/2021 15:22

Adaptée de l'auteur Todd Grimson, créée par les Nick Antosca et Lenore Zion de Channel Zero, la mini-série Brand New Cherry Flavor vient de s'inviter discrètement sur Netflix. La trop rare Rosa Salazar y affronte un Hollywood plein à craquer de pervers, de sorcières, de démons, de secrets bien enfouis et de chatons.

Les David et les Goliath

Dès le deuxième plan, le ton de Brand New Cherry Flavor est donné. La caméra rase le bitume, semble suivre la ligne jaune typique des routes californiennes, éclairée de phares qui tailladent la nuit chaude. Un emprunt assumé au célèbrissime fil rouge visuel de Lost Highway. L'ombre de David Lynch plane évidemment sur ce premier épisode, et, de manière plus diffuse, sur les suivants. Outre les citations directes, la série s'emploie à répliquer le Los Angeles des années 1990 : halluciné, vaporeux, hanté par des subconscients à rebours des artificiels gazons et piscines d'Hollywood.

Lynchiens en diable, drapés dans des passés mystiques et des arrières pensées libidineuses, les personnages s'égarent dans cet univers à cheval entre cauchemar et réalité, s'entrechoquent avec violence. Il y a l'héroïne, bien sûr, Lisa Nova (Rosa Salazar), charismatique aspirante réalisatrice qui va s'empétrer dans les troubles tractations du milieu, Lou Burke (Eric Lange), archétype du producteur qui simule un erstaz de pouvoir en multipliant les métaphores bancales, Roy Hardaway (Jeff Ward), superstar jamais en phase avec l'idéal qu'il représente et bien sûr Boro, dont la première apparition rappelle la femme à la bûche de Twin Peaks, énigme qui va emmener tout le monde dans une descente aux enfers de plus en plus irréelle.

 

photo, Catherine KeenerKeener pingui

 

Un voyage dans la face cachée d'Hollywood qui a donc l'audace de se démarquer des approches récentes (Hollywood, par exemple) en convoquant directement les méandres fantasmagoriques de l'auteur de Mulholland Drive. Le culot est indéniablement à saluer, et fait tâche dans le catalogue propret de la plateforme au N rouge, peu coutumière d'une image aussi granuleuse, texturée. Logiquement, cette référence constitue à la fois la force et la faiblesse de la chose. D'une part, cela lui permet de traiter de sujets divers avec un jusqu'au-boutisme rare (c'est parfois assez gore). D'autre part, elle se heurte aux canevas de la mini-série.

Si la mise en scène évolue bien en symbiose avec ses ambitions esthétiques, elle reste trop rivée aux impératifs de son moule pour dépasser la simple déclaration d'amour à un certain pan du cinéma américain. On a rarement l'impression de s'éloigner du devoir bien fait, ce qui ne fera pas beaucoup pour la longévité de la proposition. C'est encore plus marquant lorsqu'elle s'attaque à l'autre grand David du cinéma fantastique, Cronenberg. L'épisode 4 n'est qu'une occasion de réciter sagement les débordements charnels du maître, sans pour autant restituer ses obsessions. Un insert qui en rajoute à l'ambiance générale, mais qui peine à réellement lui façonner une identité.

 

photo, Eric Lange, Jeff WardDeux réactions possibles

 

Battle Angel

Heureusement, la série peut compter sur une alliée de choix pour guider l'intrigue: Rosa Salazar. Trop souvent cantonnée aux rôles secondaires de teen movies, occultée par un armada technologique pour son premier grand rôle populaire (Alita : Battle Angel), elle trouve enfin un personnage à la hauteur de son talent. Elle s'implique énormément et apporte toutes les nuances nécessaires à ce complexe protagoniste. À elle seule, elle emmène l'intrigue du récit post-Me Too vers une exploration profonde de la psyché des artistes et faussaires qui trainent à Los Angeles.

L'onirisme de la série lui doit beaucoup. À travers elle, on se balade dans un univers où l'art et l'artisanat passent par la destruction, celle des autres (Lou), de soi (Roy), ou des deux (Lisa). Relents lynchéens et cronenbergiens entrent donc en raisonnance avec la progression fascinante du jeu de Salazar pour orchestrer sa mue et faire sombrer tout ce petit monde dans une spirale mortifère hypnotisante, initiée par la trouble Boro, sorcière parfaitement à sa place au milieu de cette bande de psychotiques.

 

photo, Rosa SalazarSur tous les fronts

 

Les actes les plus dérangés sont tous des actes productifs (amoureux des félins, préparez vous à passer soit un très bon, soit un très mauvais moment), bien qu'ils finissent paradoxalement par tout détruire : espoirs, famille, naïveté, vie. Une vision de la création qui hantait déjà le récent Bliss. Plus factice, peinant à s'affirmer quand il doit dépasser ses références dans son dernier acte, Brand New Cherry Flavor a toutefois le mérite d'échapper aux raisonnements simples et de s'éloigner du manichéisme qu'on lui prête après le premier épisode.

Toute artificielle soit-elle, la descente aux enfers qu'elle met en sène a indéniablement quelque chose de rafraichissant, comme une glace au parfum inédit, acidulé, comme un tout nouveau goût cerise.

 

Affiche

Résumé

La performance de Rosa Salazar permet à la mini-série de s'extirper de ses références audacieuses, mais aliénantes. Reste alors une sympathique plongée dans un Hollywood autodestructeur.

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commentaires
Ah la la cette série !
07/06/2022 à 03:36

Une perfection inégale et tellement envoutante...!

andarioch1
20/12/2021 à 12:56

bon gros kiff meta que ne regarderons malheureusement jamais ceux qui pensent que Netflix se limite à son top ten

Brosdabid
21/08/2021 à 10:43

Franchement prenant, je découvre l actrice, vraiment charismatique
Regardé suite à votre critique
Merki

Trac
21/08/2021 à 01:42

C'était pas si mal ... Étrange de voir une telle proposition sur Netflix . Seul bémol pour moi la fin qui est moisi alors on verra s'il y a une saison 2 sinon c'est une fin bâclé

Natouille
20/08/2021 à 08:26

Je viens de voir cette série que j ai adoré mélangeant le surnaturel et l humour et le côté gore ! Je recommande cette série.

Chandler Jarell
18/08/2021 à 17:08

Salazar est également géniale dans la malheureusement trop méconnue mini série Undone sur amazon.

Tom’s
18/08/2021 à 17:06

Keener Pinguin :)mis en pause à l’épisode 4, ok avec vous, Salazar porte la série.

Kyle Reese
18/08/2021 à 16:38

Le concept de cette affiche est bien fichu. Troublante en fait.

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