Les Mitchell contre les machines : critique qui termine (à tort) sur Netflix

Antoine Desrues | 30 avril 2021 - MAJ : 30/04/2021 11:13
Antoine Desrues | 30 avril 2021 - MAJ : 30/04/2021 11:13

Avec la crise sanitaire, certains studios se voient contraints de revendre leurs films à des plateformes de streaming. Si on comprend bien évidemment la démarche, on sait à quel point Netflix peut facilement bazarder une œuvre prometteuse dans la fosse aux lions sans trop chercher à la mettre en avant. Du coup, pour le dire de but en blanc, il serait criminel de passer à côté des Mitchell contre les machines, le dernier film d’animation de Sony, directement hérité des prouesses de Spider-Man : New Generation.

RoboTop

Du sympathique Tempête de boulettes géantes à La Grande Aventure LEGO et son brio insoupçonné, le cinéma de Phil Lord et Chris Miller s'impose comme un déchaînement geek revigorant. Il porte en son sein un véritable amour de la créativité, mis en avant par des personnages touchants et une animation pensée comme portail démocratique pour les crossovers les plus improbables. Depuis, le duo s'affirme en tant que producteurs essentiels d'un renouveau de l’animation, avec pour étendard le chef-d'œuvre pop-art Spider-Man : New Generation.

Maintenant que Sony s’est libéré du joug de l'ultra-réalisme qui gangrène et normalise l’animation, on ne peut qu’être heureux de voir le studio prolonger sa démarche avec Les Mitchell contre les machines (anciennement connu sous le titre Déconnectés). Il s’agit même d’un sacré pas en avant qui s’émancipe du carcan des propriétés intellectuelles définies pour s’attarder sur le récit étonnamment prégnant et banal d’une famille dysfonctionnelle.

 

photo#RéunionDeFamille

 

Pour son premier long-métrage, le réalisateur Michael Rianda (surtout connu pour son travail sur Souvenirs de Gravity Falls) a non seulement la bonne idée de se baser sur sa propre expérience d’enfant et de père, mais croque surtout avec justesse un amour inconditionnel menacé par l’incompréhension de l’autre. Le character design de sa troupe de misfits, sublimé par un cel-shading (ombrage du celluloïd en français) du plus bel effet, n’est en cela que le premier coup de génie d’une œuvre "bigger than life", et pourtant si profondément humaine.

Alors qu’elle prépare son départ pour une fac de cinéma, la jeune Katie (Abbi Jacobson en VO) se voit embarquée dans un road trip familial indésiré, du moins jusqu'à ce qu’un soulèvement des machines oblige la bande à se souder pour sauver le monde. De ce pitch volontairement simpliste et enfantin, le long-métrage tisse pourtant un choc esthétique on ne peut plus logique.

Grâce à son héroïne, et sa passion pour la création de films suédés sur Internet, Les Mitchell contre les machines arbore avec ferveur une culture du mashup, et s’approprie le langage des mèmes et de YouTube pour en tirer une grammaire comique revigorante. Dès son introduction joyeusement chaotique, des effets de superposition d’images, des incrustations d’éléments 2D et des freeze-frame viennent imposer un tempo gaguesque imparable.

 

photoCeci est bien un plan du film

 

Sillicon Valley de la mort

À vrai dire, le métrage parvient avec un talent tout particulier à jouer sur ses ruptures de ton, notamment au travers de raccords brutaux, qui atteignent leur apogée lors d’une vidéo de présentation du plan des robots absolument parfaite. À partir de cette note d’intention formelle, le film s'emballe, et se lance dans une course effrénée vers l’absurde le plus total, ornant chaque minute une nouvelle idée improbable.

Dès lors, ce jusqu'au-boutisme permet aisément au long-métrage de transcender ses passages obligés. Tandis que la mascotte du film, le chien Mochi, est bien mieux implémentée qu’à l’accoutumée, Michael Rianda et ses équipes créent un ping-pong verbal et situationnel permanent avec toutes leurs cartes en main, qu’il s’agisse de deux robots défectueux (les sidekicks de la narration), ou de la méchante intelligence artificielle coincée dans un téléphone portable, et génialement doublée par Olivia Colman.

 

photoVous prendrez bien une louche de japanim ?

 

L’air de rien, cette pétaradante folie brouillonne ne pouvait pas mieux rendre justice à la bizarrerie de sa famille, entre un père quelque peu passéiste, une mère exprimant maladroitement son amour, et un fils timide obsédé par les dinosaures. Derrière sa dimension a priori caricaturale, le film se montre bien plus insidieux et parvient à chaque instant à creuser ses personnages, à refléter leurs doutes et les souvenirs qui semblent leur échapper. Au-delà d’être un merveilleux récit sur la parenté et l’adolescence, Les Mitchell contre les machines touche du doigt une mélancolie insoupçonnée, notamment contenue dans une simple sculpture en bois, qui porte en elle une révélation dévastatrice.

Et c’est peut-être là que réside la véritable réussite de la nouvelle production de Sony Animation. Alors qu’on baisse volontiers notre garde devant son énergie désopilante, le film de Michael Rianda en profite pour nous balancer un uppercut dans la mâchoire, qui nous laisse à peine le temps de comprendre pourquoi nos yeux se sont humidifiés.

Si le studio avait jusque-là peiné à s’imposer face à la concurrence, il semble qu’elle a su trouver sa propre identité en combinant le meilleur des deux mondes : l’humour délirant de Dreamworks (mais bien mieux dosé) et le génie mélodramatique des plus grands Pixar. C'est bien simple, au-delà d’imposer Sony dans la cour des grands, Les Mitchell contre les machines s’affirme avant tout comme une merveilleuse déclaration d’amour à un septième art fou et varié, symbolisé par sa touchante héroïne.

Les Mitchell contre les machines est disponible sur Netflix depuis le 30 avril 2021 en France

 

affiche

Résumé

Si l'on est déjà bien content d’avoir pu découvrir Les Mitchell contre les machines sur Netflix, il faudrait clairement un grand écran pour rendre justice à ce film d’animation hilarant, inventif et bouleversant.

Autre avis Simon Riaux
Malgré une direction artistique parfois un peu légère et quelques développements un peu lourdingues, le film emporte tout sur son passage grâce à une vélocité qui en décuple l'humour comme l'émotion.
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Lecteurs

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commentaires
Le chat machine
10/01/2023 à 07:30

Lebelin, excuses moi mais on dirait que tu décris un film du mcu, évidemment que l'on sait ce qui va se passer mais ça n'empêche pas le spectacle d'être réussi malgré un cruel manque de rythme.

Issam
14/03/2022 à 21:20

Une petite pépite d'animation pleine d'émotions et d'humour

Lebelin
08/07/2021 à 23:10

Film nullissime,avis partagé par ma fille pourtant versée dans toutes les références du film. Tout est grotesque et convenu, on peut deviner le déroulement de chaque scène dès les premières secondes. Aucune surprise, de la grosse ficelle tout le temps. Énorme déception

Pat Rick
11/05/2021 à 16:36

Sans être forcément génial, j'ai été agréablement surpris par ce film divertissant.

ailaile
09/05/2021 à 20:12

pour tous les ages

Sascha
02/05/2021 à 23:22

J ai adoré.
Le côté hystérique (qui me rappelle beaucoup La grande aventure Lego), la famille dysfonctionnelle, la méchante très méchante et qui se fout bien de vouloir changer d avis sur les humains (même quand elle leur demande), le running gag du chien qui est loin d être accessoire.
Le gros hommage à Tron (et même à Kill Bill) aussi qui est vraiment bien fait et qui en fait pas des caisses. L humour aussi fait mouche constamment et oscille entre l absurde, le burlesque, le foutraque et le 2.0.
Bref, j ai vraiment passé un excellent moment, je me suis marré comme un môme de 10 ans devant mon écran.

Le seul regret : ne pas pouvoir le voir au cinéma car il a tout pour nous en mettre plein les yeux.

Tonto
02/05/2021 à 22:59

Moui, assez sympa, mais alors, j'ai trouvé aucune forme d'émotion... Parler du "génie mélodramatique des plus grands Pixar", quand on a en face les deux volets des Indestructibles qui ont traité le même sujet mais avec une subtilité mille fois plus grande, ça me paraît un peu gros.
Pour moi, là, on est plus sur un niveau "Les Croods" mais sans l'univers grandiose. Donc un film hystérique relativement plaisant à regarder, mais enfin, il y a encore du boulot pour réussir à sortir du tout-venant mainstream...

Sascha
02/05/2021 à 22:17

Excellent.
Je veux un crossover : Kong VS Godzilla contre Furby

Kyle Reese
02/05/2021 à 17:25

J"ai ADORé ! J'en sors hyper enthousiaste et je ne suis pas le seul. Pas autant apprécié un dessin animé depuis ... Spider-Man : New Generation justement ! Un scénario mixant très habilement plusieurs thèmes et situations assez classiques mais de façon très maline (Terminator Genesys en prend pour son grade) et surtout avec un sacré travail sur la caractérisation des personnages vraiment très attachant. L'histoire évolue bien, tout comme l'intensité dramatique qui va crescendo et fini en apothéose. C'est drôle, intelligent, émouvant et ça fourmillent d'idées barges et méta avec des tas de références bienvenues. Tout l'aspect technique est plutôt génial, en adéquation avec le fond, ça fait du bien de s'éloigner des standards de Disney/Pixar, et la plupart des gags font mouche. (Rah ce chien !) La musique est vraiment top aussi avec une évolution vers de l'électronique réussi sur la fin ainsi qu'un doublage français, avec Valérie "A taaaable" Bonneton parfaite pour la maman. Les thèmes du films très actuels plutôt finement traités questionnant nos nouvelles habitudes "modernes" au sein de la famille sans moralisme. Vraiment une grande réussite, une grosse production faite avec grande sincérité je pense (A voir le générique de fin, on sent les créateurs concernés).
Un conseil pour ceux qui sont tentés, ne regardez pas la BA ils en montrent beaucoup trop niveau gags. Bref gros coup de cœur. Un film qui fait du bien.

Ninja
02/05/2021 à 12:34

Bon moment en famille, on a bien ri.

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