Synchronic : critique toxicosmique sur Netflix

Antoine Desrues | 3 mars 2023 - MAJ : 03/03/2023 17:25
Antoine Desrues | 3 mars 2023 - MAJ : 03/03/2023 17:25

Depuis le succès mérité de The Endless (mais aussi de Resolution et Spring), les réalisateurs Aaron Moorhead et Justin Benson s'imposent comme une nouvelle valeur sûre du cinéma fantastique indépendant. Avec peu de moyens, mais beaucoup d’envies, le duo sait façonner un regard passionnant et savant sur le genre, en partie inspiré par l’horreur cosmique lovecraftienne (pourtant si dure à retranscrire à l’écran). Alors forcément, quand ils s’offrent Anthony Mackie et Jamie Dornan pour Synchronic, leur nouveau délire à base de drogues et de voyages dans le temps, on ne peut que foncer tête baissée.

Love The Craft

Du blockbuster au micro-budget fauché, le plan-séquence devient de plus en plus une performance forcée, effet m’as-tu-vu et souvent raté qui finit par totalement se déconnecter du reste de l’œuvre. À vrai dire, la réussite (ou l’échec) de ce tour de force est régulièrement révélatrice de la qualité globale d’un film, comme c’est le cas pour Synchronic.

Conscients de leurs limites budgétaires sans jamais qu’elles ne se perçoivent à l’écran, Aaron Moorhead et Justin Benson ont la bonne idée d’utiliser leur one-shot comme note d’intention, mais surtout comme introduction à l’efficacité redoutable. Si la caméra commence par suivre Steve (Anthony Mackie) et Dennis (Jamie Dornan), deux ambulanciers de La Nouvelle-Orléans, la peinture de leur amitié laisse très vite place à leur dynamique professionnelle, alors que l'objectif navigue entre les corps de junkies qu’ils essaient de sauver dans une maison décrépie.

 

photo, Jamie Dornan, Anthony MackieEn train d'écouter les arguments d'Ecran Large

 

Maline et virtuose sans souffrir de la frime habituelle du plan-séquence, cette entrée en matière a pour elle l’épure et le souci économe de cinéastes exigeants, scannant les divers détails de leur étrange scène de crime. Mais plus encore, Moorhead et Benson déploient une rythmique anxiogène, autant dans leurs dialogues que dans leur suite d’actions chaotiques. L'air de rien, ils pointent déjà du doigt certaines thématiques de leur long-métrage, à l'instar d’un racisme larvé lorsque Steve est temporairement pris pour un criminel par les forces de l’ordre.

Autrement dit, Synchronic démarre sous les meilleurs auspices, et prouve une nouvelle fois le savoir-faire de deux petits génies biberonnés à la série B et au “do it yourself”. Avec intelligence, le film pose simplement son duo de protagonistes, aux vies forcément opposées (l’un est marié et père, l’autre est un loup solitaire atteint d'un cancer). Néanmoins, la réalisation désaturée des réalisateurs les relie dans un mal-être existentiel, dans une peur du néant qui les ronge de l’intérieur.

 

photo, Jamie Dornan, Anthony MackieLe fun : définition

 

Toujours passionnés par les écrits de Lovecraft et son rapport à l’indifférence du cosmos, Moorhead et Benson ont l’idée inspirée de ne plus la tacler de front, mais au travers d’un drame intime et social vrillant progressivement vers le fantastique, lorsque leurs héros découvrent une drogue synthétique aux étranges propriétés...

Pour autant, les cinéastes ne se contentent pas de simples gros plans sur des visages concernés par leur tristesse, mais jouent au contraire avec brio sur de géniales transitions, des raccords francs ou même des jeux de miroirs pour dépeindre des êtres à la dérive, perdus et explosés dans un espace-temps oppressant. Un parti-pris ludique qui permet au film de prendre corps lorsque son élément surnaturel (à base de voyages temporels donc, mais on n’en dira pas plus) éclot.

 

photoEncore une sauce piquante de pizza pas utilisée entièrement

 

Un petit budget implique de grandes responsabilités

S'il perd un peu l'effet de surprise de The Endless, Synchronic parvient néanmoins à approfondir certaines réflexions de ses auteurs. Comme son prédécesseur, il en vient par son concept à théoriser le pouvoir du montage, et la connexion entre des dimensions a priori immiscibles. Mais ici, Moorhead et Benson ont l’occasion de pousser les potards encore plus loin, grâce à des effets spéciaux numériques étonnamment habiles pour ce type de budgets. Sans tomber dans le grand guignol, le duo manipule quelques belles images surréalistes, mais surtout des superpositions de mondes assez fascinantes.

Ce n’est cependant pas tant cette idée qui assoit la réussite de Synchronic que le choix malin de son contexte. En imposant le paysage d’une Nouvelle-Orléans ravagée par la pauvreté (et mise en contraste par un horizon bardé de buildings modernes), le film retrace fatalement les origines de l’Amérique comme réceptacle perpétuel de la violence et de la peur de l’autre.

 

photo, Anthony MackieEt soudain, le carnaval de Dunkerque

 

Malheureusement, Synchronic finit par flancher sous le poids de toutes ces idées, alors que le déroulé limpide du récit se voit déséquilibré par un deuxième acte contraint d’explorer les règles de son concept. L’ossature de la narration s’en retrouve fragilisée, au point de frustrer lors d’un climax précipité, où l’émotion aurait pourtant dû tout emporter sur son passage. Cette note finale est d’autant plus décevante au vu de la tenue globale d’un projet casse-gueule, dont le postulat aurait pu franchement vriller vers la série Z en un claquement de doigts.

En réalité, la générosité évidente d’Aaron Moorhead et de Justin Benson aide sans nul doute à défendre leur nouveau bébé plus que de raison. Leur gourmandise s’accorde avec une foi salvatrice dans le premier degré, soutenue d’ailleurs par le jeu concerné de Mackie et Dornan. Les stars de Marvel et de Cinquante nuances de Grey embrassent ici avec joie des rôles assez différents de leurs succès hollywoodiens. Ils soulignent d’ailleurs le talent de cinéastes portés par un amour de la prise de risques, et par l'envie de délivrer des univers foisonnants, viscéraux, et joyeusement improbables.

Synchronic est disponible en DVD, Blu-Ray et VOD en France depuis le 3 mars 2021. Le film est également disponible sur Netflix depuis le 3 mars 2023 en France.

 

affiche

Résumé

Si Synchronic pêche parfois par excès de zèle, le nouveau film d’Aaron Moorhead et de Justin Benson exploite intelligemment son concept fantastique, et développe avec malice une mise en scène aussi économe que virtuose. Foncez, c’est de la bonne !

Autre avis Geoffrey Crété
Aaron Moorhead et Justin Benson confirment leur appétit d'anormal, de récits ténébreux et d'images sensationnelles. Dommage que le film semble rapidement trop petit pour accueillir un univers si ambitieux, et que le troisième acte confirme cette ultime frontière.
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Lecteurs

(2.4)

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commentaires
Boddicker
06/03/2023 à 14:12

Un sujet excitant et casse gueule qui à mon avis méritais mieux que le traitement qui lui à été donné ici, à savoir comme un gentillet épisode de la quatrième dimension beaucoup trop long...
Dommage, je préfère re-re-re voir Altered states avec qui il partage quelques similitudes.

Flash
05/03/2023 à 17:12

Pas mal du tout cette série B.
Comme quoi pas besoin d’avoir un gros budget pour proposer un spectacle intéressant et en plus Mackie n’est pas mauvais.

Neji
05/03/2023 à 01:12

La photo et la musique font la plupart du truc , pour le reste c'est Mal joué, le truc se prend trop au sérieux, un pétard mouillé clairement.
C'est oublié rapidement.

fan fufu
04/03/2023 à 18:49

jai u un proble me deso

Kyle Reese
26/09/2021 à 00:11

Bien aimé cette petite série b fantastique des familles. Certes le perso tombe toujours à un moment ou il y a quelqu'un, c'est un peu facile mais cela rejoins ce qu'il dit à son pote à un moment sur ce qui ce différencie: "Les éléments aléatoires, le hasard et la chance" (perso je dirais juste le déterminisme)
J'ai surtout beaucoup aimé l'ambiance très particulière limite un peu de fin du monde, un temps suspendu, un présent parfois irréel. Un petit coté Effet papillon. La musique y fait aussi beaucoup et les acteurs sont investis. Le film en montre peu, faute de budget, mais c'est bien suffisant et ça laisse de la place à l'imagination.


14/03/2021 à 09:34

J’avais adoré The Endless mais celui ci est un beau navet. Enjeux dramatiques inexistants, théories medico-métaphysique bancale, personnages clichés, extrêmement mal joué/dirigé.

jonibigood
09/03/2021 à 23:41

ZZZzzzzzz...

rientintinchti
09/03/2021 à 17:19

Film qui ne m'inspirait pas. Puis j'ai vu que c'était fait par l'équipe de endless. Vais mater ça.

alulu
09/03/2021 à 16:49

Pareil dans ma liste, j'avais bien aimé Endless.

Flash
09/03/2021 à 16:11

J'adore tout ce qui traite de voyage temporel, ce film rejoint ma liste .

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