The Nest : critique d'une descente aux enfers sur Canal+

Alexandre Janowiak | 9 février 2021 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Alexandre Janowiak | 9 février 2021 - MAJ : 09/03/2021 15:58

L'Irlandais Sean Durkin avait épaté son monde en 2011 avec Martha Marcy May Marlenealors porté par une toute jeune Elizabeth Olsen. Dix ans plus tard, pendant que l'actrice s'impose sur Disney+ avec WandaVisionle cinéaste a enfin réalisé son second film : The Nest. Après un passage doucement salué à Sundance début 2020, il a été auréolé de prix à Deauville (Grand Prix du Jury, Prix de la critique internationale et prix de la Révélation). Mais pas de chance, SND a décidé de ne pas sortir le film au cinéma... et de vendre les droits de diffusion à Canal+, pour une sortie uniquement sur petit écran. Rien qui ne lui enlève toutefois sa grandeur à bien des niveaux.

LA FOLIE DES GRANDEURS

La caméra fixe une maison depuis l'extérieur avant de s'y plonger. À l'intérieur, Rory O'Hara semble stresser avant un coup de fil, jusqu'au moment où son interlocuteur, Arthur Davis, décroche. Le père de famille, incarné par Jude Law, dépasse alors ses craintes et se montre plus confiant, riant aux vannes de son vieil ami. La caméra ressort, s'éloignant, avec un long dézoom, du personnage à travers la baie vitrée pour mieux l'encercler autour d'une nature calme et apaisée.

Ainsi débute The Nest et dès sa séquence d'ouverture, le film déploie une certaine tension et ce qui propulsera ses personnages dans leurs tréfonds. Rory est un père de famille aimant, courtier britannique qui a fait sa fortune à New York, et il décide du jour au lendemain de quitter les États-Unis avec sa famille pour s'installer dans un vieux manoir anglais proche de Londres. L'objectif ? S'enrichir dans son pays natal à coups d'opérations financières dont lui seul semble connaître le secret.

Sauf que derrière cette confiance et cette course après l'argent, il y a surtout de nombreuses apparences. À l'image du coup de fil faussement assuré d'ouverture et le calme apparent de la situation, Rory va rapidement tomber dans une spirale infernale en multipliant les échecs, en s'endettant dans le dos de son épouse, en jouant les beaux parleurs et en finissant par perdre totalement le contrôle de la situation.

 

Photo Jude LawDoubt Law

 

OUT OF CONTROL

Sean Durkin avait déjà profondément étudié la manière dont le contrôle, l'emprise sur les autres, pouvait détruire l'humain et, in extenso, les liens entre chacun dans son premier métrage, Martha Marcy May Marlene, voire sa mini-série Southcliffe. Sans surprise, sa deuxième réalisation, dont il est également le scénariste, continue à en explorer les tenants et les aboutissants. Mieux encore, c'est à travers ce prisme du contrôle que Sean Durkin va venir complètement bousculer les codes narratifs de The Nest.

Au premier abord, le long-métrage semble raconter la descente aux enfers d'une famille via le personnage de Jude Law. Outre le mari et son incapacité à mener à bien ses projets, c'est en effet toute la petite famille qui voit ses repères s'évanouir à cause de ses déconvenues : le cadet est harcelé à l'école (la plus prestigieuse de la région pourtant), l'ainée (Oona Roche à suivre de près) est en pleine crise d'adolescence quand Allison, la mère de famille, voit le monde autour d'elle s'écrouler (notamment sa passion pour l'équitation).

Avec une mise en scène au cordeau, le réalisateur enferme alors ses personnages dans des cadres plus resserrées, eux qui sont à la recherche d'un air salvateur. Mieux, il les transforme finalement en simples silhouettes, perdues dans les méandres de cette demeure bien trop grande pour leur propre bien, en jouant énormément des jeux de lumière (grâce au travail de Mátyás Erdély) pour les voir se dissiper, se hanter elles-mêmes.

 

Photo Charlie Shotwell, Jude Law, Carrie CoonDes sourires de façades

 

Alors que Martha Marcy May Marlene construisait sa narration sur une alternance de flashbacks et présent pour mieux cerner l'état psychologique de son héroïne, The Nest a l'allure d'une longue ligne droite interminable, dont les embûches s'accumulent lentement (trop peut-être). C'est à la fois la force naturelle du long-métrage et l'une de ses plus grandes faiblesses : ses enjeux sont dissimulés derrière une narration âpre et une mise en scène particulièrement exigeante.

Bien évidemment, des indices émanent du récit, à l'instar du cheval d'Allison, Richmond, quasi-symbole de la fracture familiale que connaissent les personnages. L'animal est malade, sauf que personne ne s'en rend compte, soit l'incarnation même de l'effondrement en cours dont personne ne semble véritablement conscient. Une symbolique puissante, mais probablement trop sourde pour se faire entendre (dans les deux sens du terme) et qui pourra mener le long-métrage à sa perte chez bien des spectateurs.

 

Photo Carrie Coon, Jude LawUn duo d'enfer

 

TAKE CARRIE OF THEM

Toutefois, Sean Durkin n'en reste pas moins un excellent conteur d'histoires, capable de mener à bien sa barque sans trop expliciter son récit. Au gré des obstacles et d'une avancée laborieuse (pour la famille), l'ensemble va littéralement imploser dans un dernier tiers ahurissant de maîtrise. Et ainsi, lorsque les inquiétudes et les doutes deviennent pure tragédie, la brisure familiale éclot au grand jour et prend une tout autre envergure. Dans un geste d'une sobriété déconcertante (un dernier plan obsédant), Sean Durkin déploie alors ses véritables intentions : déconstruire son postulat de départ.

Le vrai meneur naturel de cette famille en perdition n'est autre qu'Allison, elle qui n'a pas de masque et existe loin des faux-semblants de son mari. Face aux déboires et à la chute, seule elle est capable de tenir bon, s'accrocher pour mieux faire rebondir sa famille et finalement prendre les commandes, que Rory n'a jamais réussi à tenir. Plus que le portrait d'une famille, le cinéaste irlandais délivre le portrait puissant d'une femme de poigne, venant défaire tout un pan du patriarcat toxique des années 80 (et du capitalisme outrancier de l'époque en pleine ère Reagan).

 

Photo Carrie CoonCarrie Coon, la prestance, l'élégance, la maestria

 

Une critique acerbe subtilement amenée (ce qui est sa force tout autant que sa faiblesse donc) et surtout magnifiée par la prestation de l'excellente Carrie Coon. Après avoir incarné des personnages à la fois courageux et dévasté dans The Leftovers et Fargoelle continue à jongler entre les émotions dans The Nest, tout en illuminant le métrage de son élégance. Assurément une des meilleures actrices de sa génération, malheureusement encore trop rare à l'écran.

The Nest est disponible sur MyCanal en France

 

Affiche US

Résumé

Sean Durkin confirme son talent de conteur et de metteur en scène avec son deuxième long-métrage The Nest, dont la puissance sourde du récit résonne durablement après le film. Reste toutefois le sentiment que la force de The Nest est aussi sa grande faiblesse tant il est rude, âpre et exigeant.

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Lecteurs

(2.2)

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commentaires
Marc
07/03/2021 à 19:50

Un film fort porté par des acteurs au sommet de leur art.

Doum
27/02/2021 à 23:44

Film sans aucun intérêt, bourré de clichés entre l’homme ambitieux qui n’est qu’un raté et la femme a priori soumise qui passe son temps à fumer des clopes. Pathétique fête des jeunes qui se shootent mais où rien ne se passe et le summum du cliché c’est la dernière scène au restau où la femme dénigre son mari. Rarement vu un film aussi creux. À éviter !

Kyle Reese
26/02/2021 à 00:21

Film avec une ambiance assez froide très particulière malgré une photo plutôt chaude. J’ai du mal à comprendre que l’on ne puisse pas comprendre ce qui s’y passe, c’est pourtant assez limpide et la critique l’a bien cerné.
L’illusion du control, du pouvoir, du « game ». Le boulot du père c’est trader, ou l’on joue avec l’argent des autres pour gagner le sien. Un coup on gagne un coup on perd, mais on ne maîtrise guère.
La déconstruction des fausses valeurs, tout est dit dans la discution entre Jude Law et le chauffeur de taxi. Et effectivement le cheval qui ne va pas bien dès son arrivé voir son départ est l’indice que rien ne va se passer comme prévu. Les acteurs sont vraiment très bon.
Un film assez atypique, j’aî bien aimé la subtilité de la mise en scène et la progression de l’histoire. Ça se passe dans les années 80, mais pas grand chose n’a changer.
Tyler Durden avait raison: la télévision nous a appris à croire qu'un jour on serait tous des millionnaires , des dieux du cinéma ou des rockstar mais c'est faux ...

Lou
16/02/2021 à 23:37

Nul, tout le long du film on attend qu'il se passe quelque chose...

Cazil
15/02/2021 à 15:29

Euuuuh j’attends encore qu’il se passe quelque chose ! Très déçue par l’intrigue même si les acteurs sont très bons ...

Bl
13/02/2021 à 19:29

c est un genre particulier , qui demande de la patience pour entrevoir une fin inéluctable.......un jeu de rôle ou tout de même la vie d une famille est en jeu ça donne a réfléchir à tout niveaux social auquel on appartient. j ai beaucoup aimé ce couple ils ont joué à la perfection.

Esmeralda
13/02/2021 à 05:39

En fait de thriller, ce film est plat, sans âme, on ne s'attache pas aux personnages qui n'ont aucune épaisseur, exception faite de Ben, peut être. Je me suis endormie et je suis arrivée péniblement au bout en espérant une révélation. Mais, rien ! C'est décousu et plat de bout en bout. Une série de petits moments qui ne sont jamais creusés, qui sont mis bout à bout sans lien aucun. On n'éprouve donc aucun attachement pour les personnages qui ne sont pas construits. Grosse déception.

Crys de Nice
12/02/2021 à 15:35

Je m'attendais à un thriller mais il n'en est rien... Film insipide à mon goût, dommage car il y avait quelques bons ingrédients...

xdomi
12/02/2021 à 13:33

Nullissime, il n y a que le réalisateur qui comprends quelque choses
De bon acteurs ne suffisent, le scénario est creux incohérent.

Marie
11/02/2021 à 23:12

Vraiment très très bizarre.. outre le jeu d’acteur qui est très bon on ne comprend rien!

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