Host : critique du film d'horreur sur Zoom

Mathieu Jaborska | 14 janvier 2021 - MAJ : 14/04/2021 18:06
Mathieu Jaborska | 14 janvier 2021 - MAJ : 14/04/2021 18:06

Host, ce soir à 20h50 sur Canal+ Cinéma.

Ces dernières années, les films d'épouvante exploitant les écrans d'ordinateur se sont multipliés comme des petits pains, suivant logiquement les évolutions du found-footage. Évidemment, le confinement était l'occasion d'en rajouter encore une couche, et c'est Rob Savage qui s'y est collé, armé d'une flopée de webcams, de quelques jeunes comédiennes et comédiens et surtout de l'application Zoom, la grande gagnante de la pandémie. Accueilli avec les honneurs lors de sa diffusion sur Shudder, Host fait partie de la programmation du festival de Gérardmer, ironiquement lui aussi 100% numérique.

La base virale VPS n'a pas été mise à jour

Depuis Le Projet Blair Witch et surtout le coup de poker Paranormal Activity, l’épouvante dite « technologique » (traduisez fauchée et pleine de pixels) court après le moindre progrès avec une obsession épuisante pour qui s’y intéresse de près. Si singulier qu’il aurait pu paraître il y a quelques années, Host s’inscrit déjà dans un sous-sous-genre qui n’a pu rester original que le temps de quelques films. Open WindowsUnfriended et sa suite, ou même toute la gamme « screen life » de Timur Bekmambetov sont autant de déclinaisons d’un concept particulier. Le cadre n’est rien d’autre qu’un écran d’ordinateur, souvent de Mac, pour être précis.

Difficile donc de faire preuve d’originalité, alors que le principe a déjà été décliné à toutes les sauces, et qu’il a même connu quelques vrais bons films (Searching - Portée disparue, un des seuls qui ne joue pas la carte de l’horreur). On ne peut s’empêcher de lever les yeux au ciel à la découverte de ce Host, qui ne fait au fond que l'adapter au confinement, postulat bien pratique au moment où tous les tournages sont à l’arrêt. Comme tous ses congénères - encore plus même - il risque de vite s'exposer à l’obsolescence, tant il s’inspire de codes sociaux éphémères (du moins, on l’espère). Si vous lisez cette critique après 2021, préparez-vous donc à un saut dans le passé.

 

photoD'habitude, on fait des jeux de mots...

 

La particularité de Host est donc de se dérouler intégralement sur Zoom, cette plateforme de communication par vidéo dont les actions se sont probablement envolées dans la stratosphère lors des confinements américains et européens. Et en soi, il faut reconnaître que l’application est particulièrement adaptée au cinéma d’épouvante, faisant office de split-screen autorisant la navigation entre ses vignettes. Le montage s’amuse ainsi à privilégier tel ou tel personnage, sans cependant complètement se débarrasser de son procédé, puisqu’il est le plus souvent incapable d’accorder plus de quelques secondes à une scène de tension sans retourner à la mosaïque de fenêtres.

C’est souvent le problème de ces productions : dépendantes du principe qui a présidé à leur conception, elles tuent généralement dans l’œuf toute scène d’anthologie pour toujours y revenir. La star de Host, ce n’est pas son antagoniste mystérieux, ni même sa troupe d’actrices et d’acteurs. C’est Zoom, et rien d’autre. Le genre est véritablement obsédé par sa propre technique, pour la simple et bonne raison que c’est la seule façon de se démarquer de la concurrence. La réputation des films qui s'en revendiquent ne tient en fait qu’à leur capacité à innover avec les nouveaux outils dont ils disposent, pour traquer la « bonne idée », qui tirera le meilleur des gadgets dont s’amuse la génération Z.

 

photo... mais là c'est compliqué...

 

Malheureusement, la bonne idée en question ne peut fonctionner qu’une fois, afin de ne pas perdre l’effet de surprise. Pas de bol : Le très récent Come Play, inédit en France, créait déjà des visages flippants avec des filtres il y a quelques mois. Ouf, il reste les arrière-plans personnalisés, pas encore utilisés par l'épouvante contemporaine, enfin pas à notre connaissance.

Et quand le film ne fait pas joujou avec les technologies de divertissement, il s’appuie sur les mécaniques qui dominent actuellement l'horreur mainstream. En ligne de mire, les jump-scares et les manifestations paranormales classiques, toujours conçues pour surprendre plutôt que pour réellement distiller le malaise, grâce à un sound design qui tend vers l’agressivité de ses modèles. Rien de trop insupportable, mais rien de bien surprenant non plus.

 

photo...avec ces fenêtres Zoom.

 

Tik tok, qui est là ?

Pourtant, l’expérience n’a rien de désagréable. Et pour cause : Rob Savage et ses deux co-scénaristes, Gemma Hurley et Jed Shepherd, sont bien conscients des limites de leur œuvre et assument son manque d’ambition flagrant. Finalement, Host n’est qu’un bricolage amusant confectionné en pleine pandémie, avec rien d’autre que quelques ordinateurs, un budget microscopique et une envie du faire du cinéma pendant une période très difficile.

Et ça se ressent. Loin de l’opportunisme d’un Unfriended ou d’un Friend Request, le long-métrage n’a d’autre but que d’effrayer gentiment une population coincée chez elle, sans trop lui mentir sur la marchandise. La situation initiale tient du prétexte (il ne faut décidément pas grand-chose à un esprit démoniaque pour venir emmerder son monde), aucune pseudo-mythologie quasi-religieuse n’est évoquée, personne ne vient conjurer le sort, et c’est tant mieux.

 

photoNous quand on a compris qu'on allait devoir illustrer cette critique

 

Clairement pensé comme un phénomène succinct, Host s’inspire principalement des creepy-pasta et autres montages grossiers très populaires sur les réseaux sociaux, dans lesquels la façon dont se manifeste l’entité compte bien plus que l’entité elle-même, où la fin importe moins que les moyens. Certes, le résultat est sans réel intérêt à long terme, mais il accepte de se savourer comme une story Instagram, un post Facebook ou une session Zoom.

D’où l’idée la plus osée du film : sa durée, n’excédant pas l’heure. Le timing idéal pour ce type d’exercice, rapidement distrayant. Si Host se démarque sur un point, c’est celui-ci : bien que les ficelles soient connues et grossières, on ne s’y ennuie jamais. Rythmé, il fait la nique aux plus mercantiles des essais du genre, multipliant les sous-intrigues ineptes pour atteindre la barre des 1h20 et le statut traditionnel de long-métrage.

Le film de Savage se consomme plutôt qu’il ne se savoure et sied donc particulièrement au système de distribution tel qu’il est obligé de perdurer aujourd’hui. Peu étonnant donc qu’il ait trouvé refuge sur le bien nommé Shudder, plateforme américaine qui n’a pas peur du moyen-métrage (elle diffuse aussi Blood Machines). Car dans un monde confiné, où la diffusion d’art se mêle à la diffusion de contenu, le format ne peut être que fonctionnel.

 

Affiche

Résumé

Malgré son usage intéressant de Zoom, Host arrive un peu après la bataille, avec des armes émoussées. Mais sa modestie et sa courte durée nous empêchent de le détester pour ça. Et finalement, l'heure qu'on lui consacre n'est pas perdue.

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commentaires
durdur
30/01/2021 à 13:18

Pas d'accord j'ai passé 1 très bon moment sur Unfriended et Host, et j'en mate pas mal des films du genre.
Mais suis ptetre pas trop difficile ????

Mokuren
30/01/2021 à 09:58

De toute façon, la meilleure appli, c'est Teams.

TofVW
29/01/2021 à 23:06

C'est déjà l'horreur d'utiliser Zoom, pas la peine d'en faire un film…

zidus
29/01/2021 à 15:35

@Jired

Je l'ai vu hier au Festival Gerardmer.
Je trouve EL très très très généreux sur ce coup-là.
Le film est d'un ennui mortel. Toutes les ficelles du genre grossièrement mises bout à bout, des jump scare en carton pâte et en plus c'est plutôt moche à l'écran...
En comparaison Unfriended (qui était déjà une belle fumisterie en effet) fait office de réussite.
Le seul truc bien : la purge dure moins d'1h, générique compris.
J'aurai mis une étoile pour la copie, et encore...très décevant

Jired
29/01/2021 à 14:43

@EL » Est-ce que vous pouvez confirmer qu'il est mieux que Unfriended (le premier, je n'ai pas vu le second), qui était une arnaque sans nom ? Merci

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