The Dig : critique qui roule des pelles pour creuser sa tombe sur Netflix
À la demande d'une riche veuve, un archéologue autodidacte entreprend des excavations au coeur d'un possible site funéraire médiéval, alors que le Royaume-Uni s'apprête à déclarer la guerre à l'Allemagne nazie. Netflix a-t-il déterré un brillant mélo ou mis à jour un énième cadavre avec The Dig ?
TRISTE MONDE TRAGIQUE
Netflix a beau s’enorgueillir de produire ou d’acheter ici et là des créations prestigieuses d’auteurs reconnus, la plateforme aux 200 millions d’abonnés doit avant tout abreuver ses usagers de flux, quitte à privilégier la quantité sur la qualité. Sur le papier, avec sa dégaine de petit drame britannique au contexte usé et aux personnages archétypaux, The Dig avait tout pour passer inaperçu et s’inscrire dans le tout-venant des produits diffusés par le géant de la SVoD La surprise engendrée par le second long-métrage de Simon Stone n’en est que plus grande.
Dès son ouverture, le réalisateur Simon Stoneappose sa signature et nous immerge au cœur de l’action alors qu’un modeste excavateur traverse le Suffolk pour retrouver un bien étrange chantier de fouilles. Le montage se plaît à syncoper l’action, tandis qu’une caméra beaucoup plus fluide qu’attendu navigue entre les personnages. En quelques secondes à peine, les enjeux sont posés et un réseau de symboles cristallins, mais étonnamment justes s’installe sous nos yeux.
Alors que Basil Brown tient enfin l’occasion de s’accomplir, la bourgeoise madame Pretty revit et approche du tombeau dans un même mouvement. Il en ira ainsi de tous les protagonistes, portés par les élans de leur cœur, emportés par ceux de l’Histoire. Les yeux vissés vers les nuages et les bombardements à venir, les mains creusant un sol, abritant simultanément une antique chambre funéraire et le secret de leurs existences. Fatalisme et désirs se mêlent ainsi progressivement, alors que l’intrigue se noue, que le vernis d’un romantisme provincial faussement convenu se craquèle pour révéler autant de tragédies intimes.
Un des plus beaux plans du film
CREUSE, FIENNES, CREUSE
Stone a été à bonne école et a retenu aussi bien les enseignements de Malick ou Lubezki que la vigueur avec laquelle un Michael Mann a renouvelé l’imagerie du film historique. Et s’il ne vise pas ici le grand trip cosmogonique ni ne nous jette à la cornée de thriller post-moderne, il subvertit perpétuellement les identités remarquables du petit drame propre sur lui. Variant objectifs et angles, prenant toujours le pouls de ses personnages, il parvient toujours à dynamiser l’action, jusque dans la chronique faussement statique de longues fouilles archéologiques.
La célèbre recette de la tarte à la fougère
Le montage n’est pas en reste et use de techniques à priori éculées, étirant volontiers l’action d’un dialogue donné sur plusieurs séquences, mais use de ses effets avec une précision rare, et parvient plus d’une fois à subvertir les attentes du spectateur trop sûr de lui. Régulièrement, de ces assemblages combinés à la photographie somptueuse de Mike Eley naissent des plages de contemplation inattendue, des pointes de poésie lancinantes. Arrivé à mi-parcours, alors que le scénario renouvelle ses enjeux et injecte une tripotée de nouveaux personnages, l’ensemble du casting dévoile des trésors d’intensité.
Plutôt que de jouer le contre-emploi, le metteur en scène s’attache à la précision de ses interprètes, confiant à chacun un rôle idéalement calibré pour lui, qu’il finit par transcender. Carey Mulligan fascine au détour de chaque regard, redoublant d’intensité alors que sa vie lui échappe. Ralph Fiennes, lui, nous régale de son éternel éclat de beagle rejeté par la Royal Shakespeare Company, quant Lily James, elle, parvient à irradier malgré un rôle aussi bref que prévisible. Et ainsi, The Dig s’impose comme une des plus émouvantes surprises de ce début d’année.
The Dig est disponible sur Netflix depuis le 29 janvier en France
Lecteurs
(3.4)07/02/2021 à 10:20
Pour moi le film parle de la trace que l on laisse après sa mort, tant au plan individuel qu' au plan civilisationnel. Civilisationnel : on retrouve les vestiges de notre façon de vivre collectivement . Individuel : pas grand chose, si n est une médaille, comme le dit la jeune archeologue, ou son nom si on a un acte ou une oeuvre historique importantbe comme comme l archéologue qui a découvert le site.
03/02/2021 à 10:48
Un mélodrame qui émeut dans cette histoire où chacun est en quête de soi même... Magistrale interprétation de ce duo Carey Mulligan & Ralph Fiennes qui portent cette histoire de bout en bout.
03/02/2021 à 10:39
Très beau film avec une interprétation magistrale de Ralph Fiennes mais d'autres histoires qui se sont greffées à la sienne n'étaient pas nécessaire à mon sens. Je recommande toutefois de le voir
03/02/2021 à 01:03
Parfait de bout en bout. Rien à dire, chapeau bas !
Si ça, ça va pas aux Oscars, alors là...
En tout cas, Simon Stone a digéré bien comme il faut toute la dernière décennie de Terrence Malick. Il me fait penser à un digne héritier à la James Gray par rapport à son Coppola (la carrière encore en état d'ébauche, tout de même)...
Ok pour l'heure bleue, les contre-plongées, les décadrages assumés et autres travellings bien léchés. Mais contrairement à son maître, il a saisi que les grands angles et les montages elliptiques, ça va 2 secondes !
Heureux de voir Netflix faire le taf que d'autres majors du circuit plus traditionnel ne font plus.
Rien à foutre du support de diffusion tant que de bons films comme The Dig ou encore Pieces of a woman continuent d'être produits par un Netflix ou autre.
PS : côté séries pour les cinéphiles, Apple TV prend de l'avance avec Servant et surtout Losing Alice.
02/02/2021 à 10:01
La bonne surprise de ce début d'année... Regardee par hasard ! Acteurs super et caméra classique mais servant bien le sujet.
01/02/2021 à 01:23
Et quelle leçon de jeu... Les acteurs sont tous parfaits, magnifiquement castés, dirigés, et filmés. Ce metteur en scène a de l'avenir.
01/02/2021 à 01:20
Complètement raccord avec votre critique. Un film subtil, thématique ment fort, qui pose avec autant de justesse sa caméra sur des regards qui en disent longs, que pour composer des cadres magnifiques de sens et de poésie.
Je n'avais pas été soufflé par autant de maîtrise depuis 3 billboards.
31/01/2021 à 13:02
Vu, et bien c'est un très beau film, je ne connaissais pas Carey Muligan et j'ai eu un coup de cœur pour cette actrice.
30/01/2021 à 22:20
Il fallait soit faire un film de 3h et développer correctement tous les personnages. Soit raccourcir le film d’une bonne demi-heure et ne se focaliser que sur le couple Mulligan/Fiennes, tous deux magnifiques d’émotion retenue.
Malheureusement le film se perd dans l’amourette clichée et sans intérêt de deux autres personnages et dans une galerie de seconds rôles tous caricaturaux et dispensables.
Dommage car le duo central et leur ténacité et calme face à l’adversité est magnifique.
30/01/2021 à 10:56
En effet, joli film, très émouvant. Un peu trop de dialogues en off (ça vire au tic de réal), mais une belle sensibilité à la fois dans l'écriture et dans la mise en scène.
Enchaîner avec Promising Young Woman dans la même soirée, c'est faire un grand écart bien plaisant, et surprenant.
Les deux expériences révèlent une Carey Mulligan moins "petite chose fragile" qu'à l'époque Drive, voire même opposée à ce stéréotype qui lui a collé à la peau.
Les traits beaucoup plus tirés, elle a de sérieux airs d'Ellen Barkin (dans Promising Young Woman c'est à la limite du sosie). Pour moi elle est bien plus intéressante qu'à ses débuts.