C’est nous les héros : critique du Spy Kids Netflix
En cette fin d'année 2020, on nous a souvent reproché une certaine hostilité à l'encontre de Netflix. Il faut dire que la plateforme tend le bâton pour se faire battre : juste après avoir donné un chèque en blanc à George Clooney pour un Minuit dans l'univers qui s'est fait défoncer par la presse, elle a autorisé Robert Rodriguez à doter son traumatisant Les aventures de Shark Boy et Lava Girl d'une suite. Le résultat, C’est nous les héros, entâche avec application le premier de nos Noëls confinés.
Dissonance cognitive
C’était écrit : Pedro Pascal et Robert Rodriguez devaient se rencontrer. Le premier est parvenu à montrer sa trogne sur Netflix, Disney+ et HBO Max dans la même semaine, histoire de dépasser le Père Noël en notoriété dans les foyers américains. Le deuxième persiste dans son stakhanovisme décomplexé, passant d’un des blockbusters les plus ambitieux des années 2010 au film pour gosse décérébré, sans oublier une escale par la série la plus regardée du moment, pour laquelle il a composé une scène d’action géante quasiment intégralement improvisée.
Une rupture thématique permanente qui ne serait pas aussi absurde si elle ne s’accompagnait pas d’une irrégularité esthétique ahurissante. Déjà à la fin des années 1990, il avait glissé en 3 ans de The Faculty au bonbon rose un peu sucré Spy Kids. En 2005, il avait enchaîné Sin City et le cauchemar rétinophobe Shark Boy et Lava Girl. Ultime exemple en date de ses diptyques saugrenus : Alita : Battle Angel dernier grand chef-d’œuvre de la performance capture, multipliant les interactions entre une androïde ultra-réaliste et son environnement, et We Can Be Heroes, mélasse multicolore aux incrustations honteuses et éclairée comme un jeu télévisé Gulli.
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Non pas que la simplicité des CGI soit un problème en soi. D’ailleurs, les parti-pris visuels vantés par le matériel promotionnel, s’attardant particulièrement sur le combat des héros adultes, auraient pu laisser présager une sorte de naïveté provocatrice et dirigée, tranchant volontairement avec le pseudo-réalisme devant lequel les productions super-héroïques s’agenouillent régulièrement. Un antidote à la morosité faussement torturée de Justice League et consorts, en somme.
Mais un tel acte de résistance, même s’il assumait ses effets cartoonesques tous droits hérités des arcanes des années 2000, exigeait une certaine sobriété. Rien de tout ça dans We Can Be Heroes, s’inspirant consciemment de son prédécesseur Shark Boy et Lava Girl, penchant enfantin du climax de Mortal Kombat 2 : Destruction finale. De fait, cette suite n’est pas seulement laide : elle est indigeste, comme la bûche artisanale de votre mamie. Et l’hideux climax, indigne des pires bugs de la version minitel de Cyberpunk 2077 en est témoin.
Le cas Rodriguez, pour qui le soutien de Netflix n’a pas permis de se débarrasser des défauts de ses précédents essais à destination des enfants, reste un mystère entier. Un mystère dépassant même le cadre de son impénétrable filmographie, puisque le monteur de profession ruine les quelques rares bonnes idées visuelles (l’escalier de méchants) via un découpage cut hyperactif. À d’autres instants, de simples champs/contre-champs parviennent à convoquer une nausée immédiate.
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Une enfance volée
Les inconditionnels du cinéaste, dont le talent n’est ici pas remis en cause, pourraient sortir la fameuse carte piège : « oui, mais c’est pour les gosses ». Et certes, We Can Be Heroes légitime son aspect faussement peinturluré grâce à son public cible, peu rompu à l’exercice analytique. Mais reconnaître l’appétence des enfants pour tout ce qui est coloré et super-héroïque n’empêche pas de leur éviter un tel test de réaction à l’épilepsie. D’une part parce qu'il risque d'être positif. D’autre part parce que même eux méritent bien mieux.
En effet, non seulement le film confond dépouillement esthétique et choucroute niaise, mais il présume de la prétendue stupidité juvénile de ses spectateurs pour leur imposer les pires facilités. On suit une bande de fils et filles de super-héros, qui doivent s’unir pour libérer leurs illustres géniteurs, quelques super acteurs (Pedro Pascal, Christian Slater, Boyd Holbrook, Sung Kang) enfermés dans une boite en plastique pendant les 2/3 du film.
Les pouvoirs des gosses, a priori amusants, sont en fait au service de la très maigre intrigue, exception faite de quelques séquences de baston aussi peu chorégraphiées que mal mises en scène et une double reprise de David Bowie qui ne manquera pas de pousser les puristes au suicide. Outre la stupidité des pouvoirs en eux-mêmes (chanter bas soulève les objets, d’accord), ils sont en quelque sorte des deus ex-machina intégrés, arrangeant à peine un récit qui s’enfonce dans le laxisme narratif et une niaiserie qui est loin d’être seulement due au catastrophique mais attendu jeu des très jeunes acteurs.
Shark Boy et Lava Girl était déjà d’une lourdeur impressionnante. We Can Be Heroes parvient presque à le surpasser, partant une fois de plus du principe que les enfants ne sont pas capables de comprendre les sous-entendus. La thématique du vivre-ensemble et de la cohésion d’équipe, élevée au rang de mantra dès 15 minutes de métrage et exhibée à intervalles réguliers, est matraquée sans répit, toujours à travers des dialogues appesantis de mièvrerie, jusqu’à un double twist final évident, qui en rajoute encore une couche dans la subtilité.
Son super-pouvoir ? Etre déléguée de classe !
Tout dans le long-métrage participe de concert à une impression de gavage sans fin. Et les quelques bonnes idées logiquement issues de la loufoquerie initiale, notamment le personnage de Slow-mo, finissent avalées dans cette tarte à la crème avariée, qui épuisera les parents et dégoûtera les enfants.
Sortir un tel film en même temps que son antithèse absolue, à savoir le Soul de Pixar, était-il un sacrifice conscient ou un doigt d’honneur à la concurrence de la part du N rouge, alors que Robert Rodriguez vient de rejoindre l’équipe de production d’une des trouzaines de séries Disney Star Wars à venir ? On aimerait parfois se glisser dans les réunions des exécutifs de la firme, et goûter à leurs substances favorites.
Lecteurs
(2.5)05/01/2021 à 11:19
Vu avec mes enfants de 7 et 9 ans! Eux ils ont adoré cette histoire très bien ficelé pour des minots!
Et j'ai suivi avec eux sans déplaisir!
Un truc qui fait le job! Pas une honte non plus!
30/12/2020 à 12:21
J'ai vraiment apprécié ce film, c'est une grande histoire avec un grand casting.
J'ai vraiment apprécié ce film parce qu'il est heureux, un peu sérieux et excitant.
J'ai 53 ans.
Je suis un fanatique de cinéma.
J'ai apprécié ce film de façon logique.
30/12/2020 à 05:26
bON FILM POUR LES ENFANTS EN CE TEMPS DE PANDEMIE
29/12/2020 à 00:17
Prendre le film pour ce qu'il est : Un film pour gamin... Mon fils de 6 ans a bien kiffé et c'est là le but de ce type de film non ?
27/12/2020 à 13:30
En matière de productions Netflix, c'est vrai qu'il était beaucoup plus capital de commenter ce truc pour gosse qu'aucun de vos lecteurs ne regardera, plutôt que de chroniquer les deux séries asiatiques qui font le buzz en ce moment... ;-)
Désolée, la remarque est irrésistible vu que vous faites votre intro en cassant Netflix. Le leader du streaming fait aussi de belles productions qui sortent des sentiers battus, figurez-vous.
27/12/2020 à 11:06
Je n'arrive pas a comprendre comme un tel réalisateur trouve toujours le budget pour faire des merdes !
27/12/2020 à 10:04
Non Mathieu, non, pas cette conclusion... C'est interdit
27/12/2020 à 09:54
Critique bien amené pour les adultes mais mon fils de 6 ans a adoré, tout comme il avait adoré shark boy et lava girl et tous les spy kid. N'oublions que le but est de divertir en toute simplicité les enfants. Oui à regarder en famille c'est un peu de la torture il y a d'autres films /séries pour cela. Laissez la paroles aux enfants et voyons ce que les principaux intéressés en pense.
26/12/2020 à 18:32
ah ah la paronymie de la conclusion !
26/12/2020 à 18:23
Les photos à elles seules donnent la migraine! Il est vrai que le cas Rodriguez est un mystère complet quand on regarde sa carrière. Peut être fait il ce genre de films pour pouvoir financer des projets plus personnels et atypiques, comme les Machete par ex?