Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait : critique beau et bobo

Geoffrey Crété | 14 septembre 2022
Geoffrey Crété | 14 septembre 2022

Les Choses qu'on dit, les choses qu'on fait est ce soir à 20h55 sur Arte.

Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait : derrière ce long et beau titre évocateur, il y a la nouvelle fantaisie amoureuse et sexuelle d'Emmanuel Mouret, l'acteur, réalisateur et scénariste de Changement d'adresse, Un baiser s’il vous plaît ou encore Mademoiselle de Joncquières. Autour de Niels Schneider, Camélia Jordana, Vincent Macaigne, Jenna Thiam, Émilie Dequenne ou encore Julia Piaton, il raconte ce qu'il comprend le mieux : les doux tremblements du cœur et du corps.

LA DÉLICATESSE

Des gens qui se rencontrent, se regardent, se parlent, s'aiment, se touchent, se déshabillent, se quittent, se retrouvent. Sur le papier, un film d'Emmanuel Mouret ressemble à un résumé de quelques épisodes de Plus belle la vie. Mais comme un visage familier aperçu au loin dans une foule, il faut s'en approcher pour en distinguer les traits, et en avoir le cœur net. Car la réalité est bien plus riche, étonnante et séduisante.

Malgré son casting qui donnerait une crise d'eczéma à tout utilisateur intempestif du terme bobo, Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait n'a rien d'un machin bêtement calibré dans le mauvais sens. Au contraire, c'est une entière harmonie qui mène cette danse amoureuse douce-amère, qui bénéficie d'une certaine liberté dans la narration, et se traverse comme une parenthèse enchantée, presque rêvée. À mesure que ce petit cirque sentimental se dévoile et s'étend, Emmanuel Mouret transcende discrètement ces chassés-croisés qui, entre d'autres mains, auraient été synonymes de banales horreurs. Mais entre les siennes, c'est d'une douceur et délicatesse exquises.

 

photo, Camélia JordanaÉtreintes brisées

 

LA DOUCEUR

En premier lieu, Emmanuel Mouret a l'intelligence de ne pas s'enfermer dans une narration droite et rigide. Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait est l'histoire d'histoires racontées par un homme et une femme qui doivent tuer le temps et éventuellement se lier d'amitié, par la force des choses. Libre comme l'air, le réalisateur et scénariste n'a plus qu'à piocher dans les moments les plus amusants, tendres et importants de ces relations, pour en chercher l'essence.

Une rencontre en soirée, une discussion au saut du lit, un emménagement étrange, des retrouvailles inattendues, une sortie entre amis et amants, un déjeuner a priori ordinaire, une confession terrible : Emmanuel Mouret met en scène la simplicité triviale avec une légèreté euphorisante, et un plaisir irrésistible. Toujours aussi adepte des malaises amusants et des décalages charmants, il joue avec ces personnages, leurs joies et leurs turpitudes.

Il entraîne ses acteurs avec lui, tous accordés dans cette mélodie. Camélia Jordana et Niels Schneider sont d'une douceur extrême, et Jenna Thiam et Guillaume Gouix, de parfaites tornades de sensualité. Émilie Dequenne brille pour peu à peu sortir du décor, tandis que Julia Piaton rappelle qu'elle a un petit grain de douce folie qui ne demande qu'à être illuminé dans un beau premier rôle. Seul Vincent Macaigne est plus attendu et neutre, dans ce ballet coloré. Emmanuel Mouret est un grand directeur d'acteur, et il le démontre encore une fois, avec un tempo bien particulier, reconnaissable entre mille.

 

photo, Niels Schneider, Julia Piaton, Jenna ThiamEmbrassez qui vous voudrez

 

LA DOULEUR

Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait est néanmoins un récit de douleur, derrière ses apparentes légèretés assumées et soignées. Les sentiments et le désir apparaissent comme d'innombrables impasses, où chacun fonce et se perd, avant de se relever et recommencer. Séparation, relation, vérité, aveu, timing : tout semble finalement impossible dans le je(u) de l'amour et du hasard.

La petite magie d'Emmanuel Mouret consiste à entremêler la tristesse et le bonheur dans un grand mouvement mi-léger mi-amer, qui empêche de simplement se réfugier dans le rire ou les larmes. Mais c'est aussi parce que la joie des protagonistes semble toujours condamnée par avance, et que tout éclat sentimental a une date de péremption plus ou moins claire, que le film gagne scène après scène une discrète gravité.

L'issue a beau être très vite évidente, le film happe, et captive. Mouret cache l'extraordinaire (des sentiments, des coups de foudre, des coups de détresse) dans l'ordinaire (des situations, des interactions, des clichés), prenant tendrement le spectateur par la main pour le surprendre, et le laisser aller.

 photoÀ trois, on y va

 

Emmanuel Mouret a souvent été comparé à Woody Allen, pour d'évidentes raisons - il est acteur et réalisateur, aime les dialogues et le faux naturel, se délecte des personnages décalés et rongés par les angoisses. Mais plus que jamais, il y a quelque chose de Claude Sautet dans Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait, et sa manière de raconter la vie dans tout ce qu'elle a de plus simple et fou.

Après quelques films qui ont penché plus lourdement dans la balance de la comédie et du drame, comme une Une autre vie ou Caprice, le cinéaste se recentre, avec une maîtrise douce et formidable.

 

Affiche

Résumé

Ceux qui hésitent face au titre, au pitch et au casting, devraient se laisser tenter. Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait est une histoire d'amours douce, douloureuse, infiniment délicate et belle, comme une petite bulle de magie sentimentale.

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Lecteurs

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commentaires
Guéguette
16/09/2022 à 08:14

Sur le papier, j'ai tout pour détester Mouret...et pourtant j'adore à chaque fois. Y'a une franchise dans sa désuétude. C'est pareil qu'un film d'action qui assume sa beaufritude, ça fait plaiz.

KULEM
15/09/2022 à 21:17

Camelia Jordana ....

Rene Cassin
15/09/2022 à 07:21

Film qui ne peut toucher que les ultras citadins sans soucis, les bobos donc, et attention le meilleurs pour la fin c'est un cinéma inutile

danie
14/12/2020 à 00:35

Un film de toute beauté, expression très subtile des sentiments; on ne veut pas qu'il s'arrête.

Flo
13/10/2020 à 17:19

...en l'occurrence, l'humour ne sert pas face à ceux qui se complaisent à prendre les choses au premier degré... Juste pour emmerder les autres.
Des fois, il ne faut pas rentrer dans ce jeu et ces pseudo modes.

Sus aux sceptiques
05/10/2020 à 10:21

Film chichi-pompon, dissertatif et théâtral... C'est MERVEILLEUX ! Très juste critique. Mouret ose la langue, youpi.

Pat 42
26/09/2020 à 00:00

C'est vrai qu'il n'est pas donné a tout le monde d'apprecier le film..mais ceux qui savent ce qui savent ce que veut dire aimer souffrir et aimer de nouveau ,avoir l'amour et les rapports humains comme centre de leur vie adoreront le film et les acteurs tous excellents..je suis de ceux la et au diable les pisse-froids!!

Geoffrey Crété - Rédaction
16/09/2020 à 12:36

@Flo

Pas sûr de savoir à qui vous vous adressez mais si on parle du terme "bobo", on peut vous dire qu'il est bien très, très utilisé par les lecteurs (contre un film, un acteur, un cinéma... ou notre équipe, pour un oui ou pour un non). C'est pour cette raison qu'on l'a utilisé avec humour dans le titre de la critique, pour défendre ce film contre ce coup facile et hors de propos, selon nous.

Flo
16/09/2020 à 12:31

Voilà, comme ça on arrête de faire de la pub à des néologismes stupides qui font "branchouille" dans un article... Est-ce que les personnages de "Milou en Mai" se font qualifier de la même manière par le public d'aujourd'hui ? Non. Car ça en diminuerait la qualité du film.

laferme
16/09/2020 à 09:18

Je suis un inconditionnel de ces deux mecs là.

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