Tenet : critique mindfuck

Simon Riaux | 1 juin 2023 - MAJ : 02/06/2023 09:20
Simon Riaux | 1 juin 2023 - MAJ : 02/06/2023 09:20

Comparé dès le dévoilement de ses premières images et de son synopsis à Inception, précédent film de Christopher Nolan qui entrelaçait un certain cinéma d’action avec les obsessions spatio-temporelles de son auteur, Tenet a suscité une immense attente. Alors qu’il est arrivé en salles en août 2021 à l’issue d’une saison estivale marquée par une pandémie qui aura poussé les salles de cinéma au bord du gouffre, le film était-il le messie annoncé ?

INDECEPTION  

Pour qui supporte mal certains tropismes du cinéaste, Tenet risque d’agacer tant Christopher Nolan donne parfois le sentiment d’avoir laissé libre cours à certains de ses tics les moins intéressants, notamment lors des dialogues qui lardent le récit. Sans doute désireux de bien nous faire comprendre combien son concept l’autorise une nouvelle fois à manipuler les notions de temps, de cause, de conséquence et donc à décortiquer ce qui fait la matière première d’une histoire, le réalisateur, ici seul crédité à l’écriture, n’y est pas allé de main morte. 

 

 

Échanges faussement cryptiques, semi-explications sibyllines et sentences incroyablement pompeuses abondent, et quand nos héros débattent à coup d’allégories bien épaisses, on se demande parfois si on assiste à la naissance du rejeton monstrueux de Vincent Lagaf et Stephen Hawking. Un procédé d’autant plus problématique que Nolan appuyant le moindre de ses effets de manche, il grille souvent ses cartes, et amenuise d’autant les nombreux rebondissements que voudrait nous ménager le récit. 

 

photo, John David WashingtonUn héros presque aussi perdu que le public

 

Un sentiment d’autant plus handicapant que le film est inutilement long, ses 2h30 cherchant vainement à maquiller ce qui est, en essence, un simple buddy movie d’action tombé amoureux de Mission : Impossible. Et entre deux morceaux de bravoure ou allers-retours géographiques, le temps paraît parfois long, notamment quand on sent le cinéaste placer sans finesse tous ses fusils de Tchékov (éléments voués à ne révéler leur sens que bien après leur introduction dans le dispositif).  

Ces faiblesses, parfois criantes, menacent de devenir assourdissantes quand le compositeur Ludwig Göransson s’oublie sur son clavier. Abandonnant parfois des lignes mélodiques intéressantes et puissamment immersives pour singer les plages sonores qui ont fait la réputation du choucroutier électronique Hans Zimmer, il souligne chaque intention, plus qu’il ne les transcende, sans aucun égard pour les tympans des spectateurs. 

 

photo, John David Washington, Robert PattinsonUne rencontre qui va faire des étincelles

 

TRÈS STELLAR 

Pourtant, on aurait tort de bouder son plaisir tant  Tenet  marque également une avancée notable dans le cinéma de Christopher Nolan. On sait l’artiste amateur de cinéma d’action et de la franchise James Bond, et plus que jamais, il lâche ici les chiens, pour nous amener jusqu’à un climax tonitruant en mode Retour vers le Futur de Call of Duty.

Sa caméra profite des jeux temporels pour redéfinir les mouvements des personnages et déjouer ainsi la gestion de l’espace traditionnelle, qui mit si souvent sa mise en scène en défaut. Et dans les joutes très physiques qui parsèment le film, on la sent enfin en mesure de nous asséner quelques jolis coups de boule. 

 

photo, John David WashingtonRespirez à fond

 

Il peut donc s’autoriser une créativité bienvenue sitôt que le récit s’emballe, jusqu’à nous embarquer dans une danse improbable, quasi expérimentale, où cohabitent à l’intérieur de chaque plan des temporalités contraires, qui se soutiennent, se contredisent ou s’affrontent. Le ballet est improbable, singulier, et nous offre plus d’un moment de vertige, de pur spectacle suspendu, où toute recherche de cohérence et d’efficacité narrative s’efface devant un spectacle purement sensoriel.

Et c’est peut-être la première fois que le réalisateur trouve un point d’équilibre entre l’émerveillement qu’ambitionne le cinéma de divertissement grand public et sa fascination pour un espace urbain ultra-contemporain. Des coques fuselées de catamarans lancés à pleine vitesse en passant par les coursives anxiogènes d’un port-franc, son langage s’est considérablement affiné. 

 

photo, John David Washington"Et ça, c'est de la balle"

 

LE PRESSE TIGE 

Et si Christopher Nolan caractérise toujours ses personnages féminins avec la grâce d’un lamantin en descente de white spirit, la liberté avec laquelle il appréhende ici l’action se retrouve dans celle avec laquelle il aborde la tonalité de son récit. Il parvient à alterner entre de réels moments d’angoisse quand les événements donnent le sentiment de se précipiter et que son héros nage à contre-courant d’un flux générateur d’une angoisse sourde, et de vrais moments de légèreté.  

Il doit cette apesanteur bien sûr à John David Washington qui, à défaut d’avoir un personnage à interpréter, peut éclabousser l'écran de tout le charisme dont il dispose. Et s’il en a à repeindre des kilomètres de pellicule 70mm, force est de constater que Robert Pattinson lui tient la dragée haute. Charmeur et ombrageux, il injecte dans le récit une malice inhabituelle chez Nolan. Signe que le metteur en scène a peut-être trouvé avec  Tenet  un nouvel équilibre, laissant plus de place à ses comédiens, on notera que Kenneth Branagh est par intermittence, presque bon.

 

Tenet : affiche officielle

Résumé

Pour qui passera outre les habituels tics d'écriture et lourdeurs stylistiques chères à l'auteur, le film réserve de beaux moments d'action quelques plaisantes trouvailles visuelles.

Autre avis Lino Cassinat
Tenet est spectaculaire. Tenet est surtout brillamment angoissant. Tenet est indéniablement un bon moment, un vrai gros plaisir. Mais Tenet est aussi la pire écriture de Christopher Nolan, qui y discourt comme un gourou Wacoan sous LSD généreux en aphorismes techno-mystico-mongoloïdes. Heureusement que ses images parlent pour lui. Tenet mais Tebet.
Autre avis Mathieu Jaborska
Nolan aime les scènes d'action-concept. Il étale donc le procédé sur 2h40 et tartine le tout d'une grosse dose d'espionnage et de baston bourrin qui va assurément laisser ses détracteurs sur le carreau. D'autant plus qu'il replonge sans remords dans ses travers froids et mécaniques. Le plus nolanien des films de Nolan.
Autre avis Alexandre Janowiak
Son début est trop bavard, mais Tenet est un sacré thriller SF inventif et spectaculaire à l'action virtuose, un peu comme s'il mixait l'idée narrative de Memento et le high-concept d'Inception. Reste un sentiment d'incomplétude et mystère, Nolan gardant réflexion et interprétation en maîtres-mots.
Autre avis Geoffrey Crété
Naufrage clinquant et douloureux pour Christopher Nolan qui signe son film le plus fade et bancal, comme un best of du pire de son cinéma. L'idée amusante et très ambitieuse d'une guerre du temps ne peut masquer les problèmes d'écriture, de montage, et la banalité des ficelles narratives (nucléaire, organisation secrète et demoiselle à sauver).
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Lecteurs

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commentaires
Flash
03/09/2023 à 16:39

Enfin vu : imbitable !

zetagundam
02/06/2023 à 12:45

@Pieuvre
C'est clair qu'il n'est pas au niveau de son père

Pieuvre
02/06/2023 à 00:54

Le charisme de l’acteur principal…
Qu’est-ce qu’il ne faut pas lire

Mathilde T
07/11/2022 à 14:32

J'ai apprécié : le charisme de l'acteur principal
certains passages (les vingt premières minutes et le dernier quart d'heure, passages dans lesquels les personnages semblent plus troubles, l'idée de combat de doubles)
le thème de temporalité inversée et ses conséquences.
le scénario, les symboles ne prémâchent pas tout au public

Je n'aime pas : les dialogues de personnages autour de la technologie sonnent plus pompeux que dans l'idée d'intéresser le spectateur.
L'intrigue autour de l'épouse malheureuse ne sert à rien
certains personnages pas très caractérisés et mono-expressifs (femme = victime en puissance, héros = "chevalier" quasi sans reproche, méchants = brutes mal élevées au premier abord)
les décors et les costumes ultra-sophistiqués qui donnent l'impression de publicité de luxe un brin prétentieuse

Snake
07/11/2022 à 00:32

@X-Or

Merci de mettre les bons mots sur mon sentiment sur le film. Quelle déception en tant que fan de Nolan ! C'est plat, bavard, et brouillon, seuls le sympathique Pattinson et une ou deux scènes sauvent le film. Et cette musique assourdissante, quelle horreur !

kikette Branagh
06/11/2022 à 20:37

Film totalement gâché par Branagh.

Dr.Zaius
06/11/2022 à 19:46

J'aime beaucoup ce film, je ne le trouve pas aussi compliqué qu'on veut bien le dire. Par contre pour moi son principal défaut ce situe au niveau émotionnel, c'est un film trop froid. On ne s'attache pas aux personnages. Cela reste quand même une proposition de cinéma passionnante.

Andarioch1
06/11/2022 à 19:13

Faudrait quand même que je songe à le finir un jour...

The Poulpix
06/11/2022 à 18:32

Une erreur cinématographique.

X-or
06/09/2021 à 13:42

Les commentaires qui défendent le film sont d'une mauvaise foi........

L'intrigue n'est pas compliquée, mais elle l'est rendue par une narration bancale et confuse.

Revoir le film une seconde fois c'est pouvoir profiter des dialogues absurdes et de situations qui n'ont aucun sens :

- Quand Clémence P. expose de manière claire l'imminence d'un conflit mais qu'elle ne sait même pas la provenance des munitions après l'avoir pourtant énoncé quelques instants avant. Elles viennent du futur. Ah non si vous les avez déjà vues en effet.....
Cet exemple, comique tellement c'est absurde, n'est qu'une illustration parmi bcp d'autres.

- Autre point : l'interprétation de Washington. S'il fait parler sa puissance lors des confrontations physiques, son jeu est mono-expressif et son personnage univoque.
"Serre la mâchoire et roule des épaules pour faire viril."
La confrontation avec Pattinson est cruelle. Il est plus grand, plus beau et arrive en une scène (la première rencontre) à avoir plus de relief que lui.

- Dire que le film est spectaculaire est également absurde. La scène de l'Avion ? Aucun enjeu, aucune tension.
- Idem pour la scène avec le camion de pompier,
La bagarre dans la cuisine, ok pas mal mais la concurrence fait mieux (ex : la castagne de fall out à Paris ?) et c'est tellement vu et revu surtout.

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