Light of my Life : critique post-patriarcat

Simon Riaux | 11 août 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 11 août 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Après une pandémie qui a provoqué la mort de presque toutes les femmes, un homme tente de protéger sa fille. Dans ce monde où elle est devenue un objet de convoitises, Casey Affleck imagine un conte post-apocalyptique noir et déchirant.

UNE FIN SOUS INFLUENCE 

Au cours des quinze dernières années, la fin du monde a pris une forme nouvelle au sein du cinéma américain, considérablement influencée par La Route de Cormac McCarthy, et un renouveau européen du cinéma de l’infection, porté de prime abord par 28 jours plus tard. Autant de motifs qui ont amené le genre du grand-spectacle paradoxal d’un Je suis une légende jusqu’à l’idée d’un cataclysme à bas bruit, d’une catastrophe assourdie. 

Pour son premier long-métrage de fiction, Casey Affleck adopte cette tendance et la fait sienne, avec un certain talent. On pouvait redouter que cette chronique de la fuite en avant d’une enfant et son père se borne à digérer mollement les œuvres précitées, tout en les mâtinant d’un peu de Last of Us, évènement vidéoludique dont l’impact se fait encore régulièrement sentir au sein de la production US. Mais il n’en est rien, tant le metteur en scène et comédien agence ses influences avec élégance. 

 

photo, Casey AffleckIkéa après les soldes

 

Sans doute fort de l’expérience engrangée auprès de David Lowery sur A Ghost StoryAffleck en reprend le goût pour la dilatation des scènes, pas tant pour tendre vers la contemplation que toujours dévoiler le malaise qui affleure. Dès sa longue ouverture, au cours de laquelle un père tente de conjurer l’horreur du quotidien en racontant une histoire à sa fille, alors qu’inexorablement, le poids des non-dits s’insinue entre eux, on constate avec quelle maîtrise le cinéaste aborde son sujet. Qu’il explore avec sa caméra un monde aux abois où les hommes sont devenus autant de prédateurs, ou dresse le portrait de deux bouleversants parias, il impressionne de sensibilité et de tenue. 

 

photo, Anna Pniowsky, Casey Affleck"Le casting de The Last of us, c'est par où ?"

 

NOT TALL MEN 

Souvent Light of My Life impressionne, non pas par son originalité, mais par la maturité et l’économie de moyens dont il fait preuve. Une intelligence qui lui permet non seulement de tirer le meilleur parti de chaque conflit ou situation, jusqu’à son inexorable conclusion, toute en violence et en abandon. Mais au-delà du découpage, de la photo et du montage, ce qui permet à Casey Affleck d’insuffler une si belle gravité à ce récit désenchanté, c’est le mélange de lucidité et d’ambiguïté qui lui servent de moteur. 

Accusé de harcèlement sexuel par deux techniciennes pendant la production de son précédent film (I'm Still Here - The Lost Year of Joaquin Phoenix), avec lesquelles il a fini par trouver un accord financier, l’acteur et réalisateur a vu l’affaire ressurgir lors de la campagne pour les Oscars du film Manchester by the Sea, en plein mouvement #MeToo. Dès lors, le voir réaliser un récit post-apocalyptique dans lequel il interprète un père faisant tout pour sauver sa petite fille (et la femme ? Et le salut du monde ?), avait de quoi générer autant de curiosité que de malaise.  C'est là que le film étonne et intéresse, tout en prenant frontalement le risque de l'inconfort. Son écriture ménage à son protagoniste suffisamment d'échecs et de ratages pour pouvoir servir de tremplin à la réflexion.

 

photoBonne ou mauvaise rencontre ?

 

Choisissant de se présenter en paternel concerné mais faillible, résolu mais régulièrement dépassé par les évènements, Casey Affleck permet à Light of my Life de troubler. Ni plaidoyer de son auteur pour son auteur, ni auto-flagellation hypocrite, le film raconte avec des pointes de poésie souvent touchantes les tentatives vouées à l’échec d’un pauvre type pour être à la hauteur. Mais, comme il n’y a pas de héros dans ce monde en proie aux loups, c’est à une enfant que reviendra finalement la tâche de mener à bien son propre récit et de porter celui-ci à son point d'incandescence.

 

Affiche française

Résumé

En artisan inquiet, Casey Affleck propose une errance apocalyptique sur fond d'introspection. Touchant, incisif et parfois dérangeant, son premier long-métrage de fiction impressionne la rétine.

Autre avis Geoffrey Crété
C'est beau, nappé dans une atmosphère ténébreuse du plus bel effet, et filmé avec soin et savoir-faire. Mais Light of my Life s'étire un peu trop pour son propre bien, et s'englue dans une posture un peu forcée de film arty, grave et sec.
Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(3.5)

Votre note ?

commentaires
Marc
15/08/2020 à 21:57

Malheureusement je l'ai vu en VO au début le père raconte une une histoire à sa fille et c'est trop long le film prend son temps ! J'ai décroché du film plusieurs fois en plus il parlait d'un virus qui a décimé les Femmes ils n'en reste très peux. Mais quel idée j'ai eu de voir ce film ? nous somme en pleine pandémie et il passe ce film !? tout le film j'y ai pensé forcement. Ce film n'est pas nécessaire même si l'interprétation des acteurs est réussi et nous fait croire à cette histoire.

WeRLine
13/08/2020 à 23:15

J'adore les pleins séquences, et le film en fait plein, j'aurai voulu voir le film en VO mais le faciès de la p'tite suffit à séduire, c'est très bien monté et c'est flippant, j'ai beaucoup aimé.

Newt23
11/08/2020 à 16:08

Je trouve la critique plutôt généreuse même si le film ne manque pas de qualité. Je recopie mon petit avis :

Ici, on a un film aux ambitions cinématographiques très limitées ; Affleck se contente de raconter sa petite histoire en usant de plans fixes sans réellement chercher à dire quelque chose à travers sa mise en scène. C'est sobre mais c'est franchement pas loin d'être simpliste. Heureusement qu'il peut compter sur le chef op' de la saison 1 de True Detective pour embellir ses décors.
D'un point de vue purement narratif, il est clair que "Light of my Life" n'apportera pas grand chose au Post-apo : on reste sur les mêmes codes que d'habitude et la pandémie uniquement féminine n'est pas exploitée de manière très ambitieuse, Affleck resserrant au maximum son récit sur ses personnages.
Mais là où le film fonctionne, c'est qu'il a de véritables personnages et un propos bien précis, aussi modeste soit-il. La relation père-fille est donc assez réussie, les quelques scènes de tension aux parti-pris anti-spectaculaires sont efficaces et la métaphore sur la pression constante qui étreint les femmes est plutôt bien vue.
C'est un tout petit film mais un tout petit film plutôt chouette, qui sait où il va. Sympathique, à défaut d'être marquant.

alulu
11/08/2020 à 15:50

En gros, c'est le premier film #Post-MeToo :)

votre commentaire