The Climb : critique ascenseur émotionnel

Mathias Penguilly | 5 août 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Mathias Penguilly | 5 août 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

L'ascension vertigineuse des deux protagonistes dure à peine quelques minutes en ouverture du film, et vu la fréquentation des salles de cinéma ces derniers temps, l'ascension du film au box-office risque de connaître un destin semblable. C'est dommage parce que The Climb est une comédie vraiment originale, délicate et absurde, qui mérite certainement un coup d'œil. Elle est d'autant plus remarquable qu'il s'agit d'un tout premier long-métrage pour Michael Angelo Covino, qui signe à la fois la réalisation et l'écriture, en duo avec son partenaire de jeu Kyle Marvin. Attention quelques spoilers !

SOMMET CRITIQUE

Présenté pour la première fois à Cannes en 2019 - dans la catégorie Un certain regard qui met en avant des cinéastes peu connus - The Climb n'est diffusé dans les salles obscures que depuis le 29 juillet 2020. Il met en scène un duo d'amis d'enfance, Kevin et Mike (du nom des deux scénaristes) dont la relation se tend, se détend et se distend au fil du temps qui passe.

Comme souvent, c'est l'amour qui vient s'immiscer entre les deux amis : dès la première scène, l'ascension d'une côte à vélo dans la région niçoise, Mike avoue à Kyle qu'il a déjà couché avec sa fiancée. Rapidement, on s'aperçoit que Mike l'épouse à la place de son ami, provoquant une première rupture brutale de leur amitié. Pourtant, de drame en fêtes de famille, les routes de chacun deux hommes se croisent et se recroisent à nouveau.

The Climb fonctionne comme une comédie de potes, un buddy-movie dépourvu de potacherie et porté par la personnalité lumineuse de ses deux interprètes. Avec pudeur, Covino y multiplie les scènes comiques tendres et décalées, basée sur la passivité et la gêne des personnages. C'est un film extrêmement lent et doux qui repose beaucoup sur les dialogues d'apparence triviaux entre ses protagonistes, un peu à la manière d'un Noah Baumbach moins new-yorkais, finalement.

 

photo, Michael Angelo Covino, Kyle Marvin, Gayle RankinHuis clos comique culte, mais moins potache que chez les Bronzés

 

PLUS VITE QUE LA MUSIQUE

Au son d'une excellente bande originale, tout en kitsch et en douceur (on y trouve notamment du Jacqueline Taieb et du Gilbert Bécaud), le cinéaste trouve la note juste pour accompagner son film tourné principalement en plan-séquence. C'est un parti-pris original pour une comédie de ce genre, la technique étant plus souvent l'apanage de films d'action plus brutaux et moins bavards.

Le travers de ce choix de réalisation, c'est que Covino se retrouve régulièrement à filmer des décors vides de personnages - magnifiques ceci étant dit - voire des protagonistes de dos. Difficile de lui en tenir rigueur cependant, tant les mouvements de caméra sont maîtrisés. Jamais un écart brutal, jamais une faute de goût, les plans-séquences s'enchaînent comme autant de scènes de vie tragicomiques qui alimentent une amitié longue de plusieurs (dizaines) d'années.

 

photo, Michael Angelo Covino, Judith GodrècheBros before Hoes ?

 

La colorisation de chaque plan est également à noter. Le cinéaste joue avec des teintes souvent ternes ou monochromes pour les fonds (le gris du bitume, le blanc de la neige, le vert du cimetière, le brun de la maison à Noël, le bleu pastel de la banlieue pavillonnaire...) et des touches colorées plus vives qui font ressortir chaque personnage et leurs émotions, à chacune des tranches de vie illustrées. 

On possède tous cet ami d'enfance un peu perdu de vue, qu'on recroise souvent et vers lequel on revient toujours, malgré les difficultés. C'est à ce genre de relations, à ces amitiés qui triomphent de tout, y compris des sales coups les plus sordides, que ce film est dédié. Et c'est très bien fait.

 

photo, Gayle RankinMarriage Story

 

VERTIGINEUSE REDESCENTE

Bien sûr, on pourra reprocher à Michael Angelo Covino, un petit "excédent d'auteurisme", comme si tout était étudié pour que le film soit lisse et parfaitement calibré pour s'attirer les faveurs de la presse spécialisée. Dans un sens, c'est très réussi tant la critique est dithyrambique. Cela peut aussi froisser quelques esprits, lassés de cette caméra qui tourne et roule sans arrêt, évoluant très doucement entre les personnages. On ressent d'ailleurs l'intérêt que porte le cinéaste au cinéma d'auteur français. De la musique au lieu de tournage, Covino multiplie ainsi les références à la France sans qu'on ne sache vraiment trop pourquoi, sinon à cause d'un certain fétichisme de cinéphile.

Certains pourront également être rebutés par les personnages secondaires féminins, plus antipathiques les uns que les autres : les sœurs de Kyle sont au moins aussi pénibles que Marissa, le personnage de Gayle Rankin, est castratrice et froide. Le métrage est écrit avec tellement de soin et de délicatesse cependant qu'on se prend même à apprécier ce personnage triste et désabusé en qui personne ne semble vraiment croire.

Le film culmine avec l'interruption ratée du mariage entre Kyle et Marissa, qui finit par une déclaration d'amour douloureuse, une déclaration des moins romantiques qui soient. Une fois cet étrange climax passé, le film s'achève sur une fin mélancolique, anti-hollywoodienne au possible. Difficile à dire si "tout est bien qui finit bien", on ne sait finalement rien de l'épanouissement personnel de Mike, de la situation professionnelle des deux amis, mais leur amitié survit et au fond, n'est-ce pas ça le happy ending tant attendu ?

 

Affiche officielle française

Résumé

The Climb est une tragicomédie entre potes qui détourne un genre gras et vachard pour proposer une copie beaucoup plus délicate et extrêmement bien maîtrisée en termes de cinématographie. De la salle de cinéma, on ressort satisfait, comme apaisé par le parcours attendrissant de ces deux amis d'enfance, pas vraiment préparés à ce que la vie adulte réserve à leur relation.

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Lecteurs

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commentaires
Marion b
22/08/2020 à 22:38

C'est bien vrai tout ça ! 4 grosses étoiles
Film canon
Bisous l'équipe

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