Mensonges et Trahisons : critique d'une imposture bidon sur Netflix

L'ARGENT NE FAIT PAS LE MALHEUR...

Le rêve américain se fonde sur une valeur basique et efficace : l'argent. Réussir dans la vie revient à avoir une belle maison et un compte en banque fourni, et on ne va pas se mentir, personne ne cracherait sur la fortune. Les deux protagonistes, Katie Franklin (Camila Mendes) et Adam Kettner (Jessie T. Usher) mènent une existence sans le sou, ils sont couverts de dettes, renoncent à leurs études, accumulent les petits jobs et attendent d'être sauvés du tourment financier. Leur idylle est amoindrie par le problème pragmatique et foutrement important de leurs revenus, fil rouge de leur relation, objet de disputes et de désaccord éthique.

Passionnant sur le papier, la narration s'empare de cet état de fait, commun et violent, et le détourne par l'artifice scandaleusement redondant de l'héritage. Les misérables ne deviennent intriguants que lorsqu'on leur octroie une partition avec un gros magot et leur gestion de celui-ci. Katie est le fer de lance de l'intégrité, vendue comme moralement impeccable alors qu'elle ne cesse d'être à côté de la plaque.

Le film veut démontrer plan par plan que sa relation au fric est très saine alors qu'elle se complaît dans une bêtise hypocrite. Cosette des temps modernes, on nous la sert sur un plateau de vertu qui donne froid dans le dos et soutient qu'un bon coeur doit croire en sa chance. Frileuse et mère la morale, Katie est l'incarnation du perdant dans le jeu social, qu'une loterie pipée vient sortir de sa condition et confirmer dans sa probité aliénante.

Jessie T. Usher et Camila Mendes : regarder le problème en face, ou non

... MAIS IL Y CONTRIBUE

L'héroïne ne cesse de questionner son droit au pactole et s'arrache les cheveux sur une casuistique ennuyeuse : le vieux monsieur voulait nous donner de l'argent mais on l'a un peu chipé avant de savoir que c'était à nous, est-ce qu'on des sales voleurs (c'est une Chidi bas de gamme cf The Good Place) ? Au lieu de profiter de son ascension sociale et de jardiner, elle sermonne à longueur de temps son partenaire, avec des "Adam !" incessants comme s'il était un gosse.

Loin d'être aussi scrupuleux que son épouse, Adam estime qu'il n'y a aucune raison de s'asseoir sur l'aubaine. Personnage qui joue (gentiment) avec le feu, il est filmé comme un rigolo téméraire, arriviste et inconséquent. Pourtant, c'est bien lui le personnage le plus intéressant, celui qui agit au lieu de tergiverser. La fin lui rend un tout petit hommage en montrant qu'il n'était pas si méchant que ça - la vérité a triomphé, le bien a vaincu, les pauvres sont gentils, au secours.

Alors que l'argent devait sauver leur relation, il l'a déteriorée et les a envoyés droit au drame. Dans un happy ending d'une malhonnêteté crasse, le film renonce à trancher et conclut sur la métaphore de la nature et du cycle de la vie. On l'aura compris, si Katie est riche, elle l'est surtout à l'intérieur. Au secours.

"Adam ! Tu as encore dépensé tout ton argent de poche !"

DANGEREUX MENSONGES

Dangerous Lies en version originale, Mensonges et Trahisons en français, est un titre tout à fait pertinent. Le scénario n'arrête pas mentir sur le programme fixé et nous prend pour des bleus. Les "dangereux mensonges" ne sont pas présents dans la diégétique, plus proche du crime et de la manigance, mais résument le sentiment du spectateur.

Les incohérences et problèmes de crédibilité jalonnent la réalisation, au point d'en devenir parfois comiques. L'installation du jeune couple dans la maison du défunt n'a aucun sens : pourquoi Katie et Adam iraient-ils s'encroûter dans cette baraque ? Katie est-elle prise de surdité quand Adam dévoile où il a caché les diamants, ou a-t-elle cru que "garden" ("jardin") voulait dire "j'aimerais faire une Garden Party" ? Pourquoi l'ex-boss de Katie se fait-il buter alors qu'on ne lui avait rien demandé ? Comment le cadavre dans le grenier est-il arrivé là sans que personne ne s'aperçoive, rien qu'à l'odeur, de sa présence ? A quoi sert l'intrigue initiale du braquage de resto ?

L'un des seuls passages réussis est le plan fixe sur les protagonistes qui trinquent à leur ascension. Pour leur première soirée en tant que propriétaires, ils sortent les flûtes à champagne... et les remplissent de bière. Geste de classe social en transition, ce mélange de chic et de trivialité condense la thématique du film et lui donne de l'intérêt - maigre pitance pour 1h36 de salades visuelles.

Que diable allait-il faire dans cette galère ?