K Contraire : critique sous kéta
Cela fait plusieurs années que nous le pressentons et que nous l'écrivons, une nouvelle génération d'auteurs et de réalisateurs prend peu à peu ses marques dans le cinéma français. Et quand on voit K Contraire, de Sarah Marx, on se dit que c'est probablement la meilleure nouvelle depuis longtemps.
RÉINSERTION DIFFICILE
Dès le début, le premier film de Sarah Marx annonce la couleur : authenticité et réalisme seront les maitres mots de K Contraire. Pourtant, qu'on ne s'y trompe pas, ces deux qualificatifs ne signifient pas que le film sera à l'image de nombreuses oeuvres françaises dites auteurisantes, naturalistes et dont le traitement fait, finalement, plus office de cache-misère que de véritable note d'intention.
Non, ici, rien de tout cela. Sarah Marx connait son sujet et l'univers qu'elle dépeint et cela se sent. En l'occurrence, il s'agit ici de la sortie de prison du jeune Ulysse, après 6 mois passés en cellule, et qui se retrouve dans le monde "libre" avec l'obligation de prendre en charge sa mère malade, tout autant qu'à construire sa propre réinsertion sociale. Dans une société qui tire la langue, pour jouer sur tous les fronts, le calcul est simple : se lancer dans le trafic de kétamine avec, pour couverture, un food-truck s'installant dans une rave-party semble la seule solution.
Partant de ce postulat somme toute assez classique, K Contraire ne tarde cependant pas à montrer son vrai visage. Le film ne sera qu'un prétexte pour nous parler de dépendance, d'enfermement (volontaire ou non) et des différentes manières qu'a l'humain pour se piéger dans ses propres schémas plutôt que d'affronter la réalité.
Des perspectives incertaines et dangereuses
MEGA TEUF
Un piège qui fonctionne à plusieurs niveaux, tel un entrelacs qui confinerait à l'inter-dépendance névrotique avec, au centre de tout, l'argent pour seul catalyseur. En effet, chaque personnage que rencontre Ulysse résonne avec sa propre problématique, mais Sarah Marx a la grande intelligence de ne jamais souligner son propos, de ne jamais le laisser envahir l'histoire qu'elle doit raconter, de toujours rester dans le domaine du subtil pour prendre son spectateur à revers.
Sandrine Bonnaire, magistrale
Et cela fonctionne particulièrement bien. Il faut dire aussi que le film est très bien rythmé, très bien mis en scène et surtout excellemment interprété. On pense évidemment à Sandrine Bonnaire, touchante tout autant qu'inquiétante dans ce rôle de mère dépressive qui lutte à son niveau, tour à tour pleine de candeur puis désespérément sombre. Là encore, une interprétation toute en subtilité qui représente pourtant le coeur du film (dans son rapport à son fils).
Sandor Funtek, renversant
ODYSSÉE COMPLIQUÉE
Mais la grande révélation, c'est bien sûr Sandor Funtek dans le rôle du jeune Ulysse. Un rôle percutant, extrêmement complexe et profond, cristallisant tous les enjeux et tout le propos du film, qui repose entièrement sur les épaules du comédien. Sandor Funtek explose littéralement l'écran dans une composition à plusieurs niveaux, tout en nuances et, là encore, d'une grande subtilité. Se dévouant corps et âme à son personnage, il s'inscrit immédiatement comme l'un des grands comédiens de la jeune génération actuelle et, assurément, un nom à retenir.
Le food-truck de tous les dangers
Si le film brille par son traitement, sa forme, son fond et son interprétation, on ne peut pas garder sous silence l'écriture de ses dialogues. Co-écrit avec Ekoué Labitey et Hamé Bourokba (du collectif La Rumeur), K Contraire impressionne par la véracité de ses répliques. Là où la plupart des films français singent le parler de la rue pour faire croire qu'ils savent ce qu'ils racontent (ce qui ne fonctionne jamais), K Contraire nous plonge dans cet univers avec une aisance et un naturel confondants. Tout sonne juste et tout sonne vrai (encore une fois ce souci du réel) sans pour autant verser dans le naturalisme de circonstance.
Lecteurs
(0.0)21/01/2020 à 15:53
Ça donne envie. Non je déconne.
21/01/2020 à 13:35
@captp : Je me suis fait exactement la même remarque, surtout que c'était plutôt visible avec l'affiche juste sous la phrase qu'elle cité.
21/01/2020 à 13:31
super merci Simon pour votre réponse :)
21/01/2020 à 13:28
@captp
Pour le coup, après chaque projo (et de manière encore plus évidente quand il s'agit d'un film présenté en Festival) les attachés de presse demandent aux journalistes ce qu'ils ont pensé du film. Pas une critique circonstanciée, juste un avis à chaud de sortie de salle. C'est assez important pour eux, ça leur permet d'ajuster les projos à venir pour cibler tel ou tel type de médias/journalistes, et surtout ça leur permet de travailler intelligemment avec leur client, un film, qui veut savoir à quelle sauce il va être mangé par la presse.
Du coup, quand vient le moment de promouvoir le dit film, les attachés de presse ont tendance à revenir vers les médias/journalistes qui ont aimé le film, afin d'obtenir une citation pour leur campagne d'affichage.
Le média sélectionne quelques citations du texte à paraître, et laisse l'attaché de presse en choisir une.
21/01/2020 à 13:21
aucune intention de ma part de chercher une quelconque bête ,mais comment le "tout sonne juste et vrai- écran large " se retrouve sur l'affiche du film au moment de la mise en ligne ?
21/01/2020 à 13:14
@captp
Non, jamais.
S'ils le souhaitent, on l'envoie après mise en ligne, mais comme on est assez fidèlement repris par Allociné, la requête n'a que rarement lieu d'être (et Google marche bien aussi).
21/01/2020 à 13:12
belle critique qui donne envie d'aller voir le film.
petite question, vous envoyez vos critiques/avis à la prod ou au distributeur avant de la mettre en ligne ?