Charlie's Angels : critique des enfers

Geoffrey Crété | 11 mai 2023 - MAJ : 12/05/2023 10:10
Geoffrey Crété | 11 mai 2023 - MAJ : 12/05/2023 10:10

Après une série Drôles de dames qui a duré 5 saisons dans les années 70-80, deux films Charlie et ses drôles de dames avec Cameron Diaz, Drew Barrymore et Lucy Liu, et une série Charlie's Angels annulée très vite, les increvables anges reviennent au cinéma dans un film réalisé par Elizabeth Banks. Menée par Kristen StewartElla Balinska et Naomi Scott, cette suite et soft-reboot est l'un des ultimes flops de 2019, qui a engendré l'inévitable lot de débats houleux. Pas sûr qu'il mérite pourtant toute cette attention et haine.

WOMEN IN BLACK : INTERNATIONAL

Charlie's Angels est-il un bon film ? Non. Est-il pire que la moyenne des blockbusters pilotés sans grande idée ou vision, et qui se contentent d'appliquer des recettes faciles ? Non plus. Il est même moins pire que quantité d'exemples de 2019. Par exemple Men in Black : International qui, avec la même idée de réanimer une marque en ouvrant les frontières, et un budget double, était dix fois plus fade et oubliable. Ou Hellboy, qui se vautrait dans la mare post-Deadpool pour devenir un parfait exemple d'échec.

 

Charlie's Angels : Les anges se déchaînent : photo, Cameron Diaz, Drew Barrymore, Lucy Liu"C'était mieux avant"

 

Si ce nouveau Charlie's Angels affiche bien la continuité avec les précédents (la série et les deux films, avec l'étrange choix de gommer les précédents interprètes de Bosley pour réécrire l'histoire), c'est pour néanmoins emprunter un chemin sensiblement différent. Les Drôles de dames 2019 sont notamment très loin de celles incarnées par Cameron Diaz, Drew Barrymore et Lucy Liu. Le cartoon absurde, extrême et 100% kung-fu cablé des années 2000 laisse place à un spectacle un peu plus sérieux, où l'intrigue est mise au premier plan tandis que l'action plus terre-à-terre ne rejette plus les armes à feu.

Il y a le même goût pour le gag de situation, les bastons décalées et la légèreté des anges, mais Elizabeth Banks essaye de rééquilibrer les forces, pour lorgner vers une comédie d'action tendance thriller d'espionnage. Le résultat n'a absolument rien de fameux, recycle tout l'arsenal du genre (plusieurs scènes rappellent même bien les films de McG), n'a peur d'aucun stétéotype. Et avec son budget limité (dans les 50 millions), difficile d'aller très loin dans le spectacle. Mais le résultat est plus innocent et ordinaire que médiocre et exaspérant, donnant plus l'envie de poliment bâiller que hurler à l'écran.

 

photo, Ella Balinska, Naomi Scott, Kristen StewartSi ça fait fake, c'est parce que c'est même pas dans le film

 

CHARLIE ET SES BOF DE DAMES  

Bien sûr, inutile d'attendre la moindre finesse dans ce film estampillé féministe. Dès le premier plan, Kristen Stewart et sa perruque fixent la caméra, pour déclarer que les femmes peuvent tout faire. Il y aura plusieurs mises en scène du sexisme ordinaire, plusieurs moments dédiés à la force et l'intelligence des héroïnes, et à la bêtise et la méchanceté de quelques hommes. Mais inutile de crier au scandale : tous les mâles ne sont pas des ennemis, les héroïnes sont loin d'être parfaites, et la non-finesse de ce Charlie's Angels n'est rien de plus qu'une autre facette de l'intelligence superficielle et paresse profonde des produits hollywoodiens. Ni plus, ni moins.

Le film est un symptôme, et le traiter autrement serait pure diversion. Ce n'est pas le premier à reprendre la formule du film d'espionnage, avec ses habituels petits twists et tromperies et apparences trompeuses. Ce n'est pas le premier à sortir l'argument d'une technologie fantastique qui pourrait devenir une arme dans de mauvaises mains (oui, comme dans Charlie et ses drôles de dames). Ce n'est pas le premier à multiplier les voyages pour masquer le manque d'action et d'ambition. Ce n'est pas le premier à ressembler à un verre d'eau un peu trop cher et étincellant.

Réalisatrice, co-scénariste et actrice, Elizabeth Banks déroule le programme sans génie ni audace, mais s'applique. Et une fois accepté que ce Charlie's Angels n'a pas un millième de la personnalité des films de McG, et a été conçu dans une entreprise de lissage extrême à tous les niveaux, il se consomme comme n'importe quel produit de studio.

 

photo, Patrick Stewart, Elizabeth BanksUn Bosley peut en cacher un autre

 

GIRL POWDER

Il y a même une étonnante sensation proche d'une bonne surprise à ne pas être exaspéré à outrance. L'idée de ne pas avoir d'emblée le trio d'anges formé et établi, puisque la troisième est une novice à protéger, permet de créer un peu d'énergie dans la bande. L'humour est nul mais pas étalé, ce qui évite une gêne omniprésente. Et si Elizabeth Banks manie l'action sans vision, avec les défauts habituels (un surdécoupage des bastons, et des chorégraphiques pas bien folles, qui n'utilisent pas réellement la rapidité et la personnalité des héroïnes), elle s'amuse avec une grosse mitraillette sortie du bolide d'un bad guy, un homme de main qui finit dans un hachoir à pierre, ou un autre qui finit empalé.

Un peu comme les films de McG, la réalisatrice a conscience de la connerie profonde de cette histoire. La dose de sérieux est ainsi limitée, afin de simplement tenir une intrigue et des personnages, et sans tirer le spectacle vers un premier degré qui aurait été tragique.

Les héroïnes avancent donc pour sauver le monde comme sur un podium, avec des tenues qui défient le bon sens voire le bon goût, mais rappellent constamment que tout ça n'est qu'une farce. Que deux anges s'arrêtent en pleine mission pour rejoindre une chorégraphie, qui rappelle le bon temps ridicule des Elle est trop bien, en dit long à ce niveau.

 

photo, Ella Balinska, Kristen StewartCampagne Gucci 2020 ou navet de 2019 ?

 

Tout ça reste malheureusement très, très en marge, et le film manque terriblement d'esprit, d'humour, d'énergie, de folie. Ni assez bête pour être charmant, ni assez sérieux pour être palpitant, ni assez spectaculaire pour être entraînant, ni assez malin pour avoir quelque chose à raconter : Charlie's Angels reste sur la ligne de départ, sans aucun carburant pour aller quelque part. Il n'y a même pas de fausse note réelle, puisqu'il n'y a aucune mélodie à jouer.

Si aucune n'a le charisme dévastateur de Drew Barrymore, Cameron Diaz ou Lucy Liu, qui déployaient un formidable sens de la comédie grâce à des dialogues et situations absurdes à l'extrême, le trio 2019 se défend pas trop mal. Kristen Stewart a le rôle le plus loufoque, et s'en tire bien, même si le scénario ne lui donne rien à faire. Naomi Scott (vue dans Power Rangers avec Elizabeth Banks, ou plus récemment Aladdin) est la plus efficace, et a la meilleure énergie dans une partition plus évidente. Et l'inconnue Ella Balinska est solide en espionne qui veut tabasser.

Ces trois actrices et personnages représentent bien la non horreur et vraie inutilité douce de ce film. Elles ne donnent envie de rien, ni de les aimer, ni de les détester, ni de les suivre. Ainsi, ce Charlie's Angels disparaît dans le silence adapté à ce vide hollywoodien, qui préfère penser à une grille de business pur qu'à une raison d'être.

 

Affiche française

Résumé

Charlie's Angels n'est pas un bon film, mais ne mérite ni haine ni passion, surtout face à quantité de blockbusters bien plus vides et débiles. Simple symptôme d'une industrie paresseuse, cette fade et scolaire comédie d'action se suit d'un œil semi-distrait et rappelle simplement que les films avec Cameron Diaz, Drew Barrymore et Lucy Liu restent des modèles du genre.

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commentaires
John Spartan
13/05/2023 à 09:10

@Sanchee

A bon ?
T'es pas difficile toi.

Pulsion
12/05/2023 à 20:07

rectif ( shame on me...) : "où on regardait avec plaisir des femmes sûres d'elles",
Qui savaient se faire respecter en étant elles-mêmes,

Pulsion
12/05/2023 à 13:54

Comme dit il y a 2 ans, un film 1er degré, tout sauf sexy, au féminisme primaire, casting sans saveur, loin de l'ambiance fun, musicale et très agréable des 2 films de McG où on regardaient avec plaisir des femmes sûres d'elle, bien dans leur peau ( important de souligner ça surtout aujourd'hui) mais ne se prenant pas trop au sérieux, mais parfois il faut le reconnaître assez hystériques.....mais c'était dans la bonne humeur alors ça va ! ^^

Sanchee
12/05/2023 à 02:43

Juste pour se branler un coup

Utr
03/10/2022 à 10:07

Je me suis refait les deux premiers avec Diaz Liu et Barrymore et seigneur que ça a mal vieilli, c'était fun à l'époque mais déjà un peu naze et ridicule mais on regarder quand même , mais avec 20 ans de recule maintenant on peu le dire à part le casting c'est une horreur a regarder c'est kitsch de dingue . En ce qui concerne cette nouvelle version elle n'est pas nul elle ce rapproche plus de la série originale c'est plus terre à terre mais ça reste un produit sans âme qui ce laisse regarder mais s'oublie aussi vite contrairement à son grand frère.

Chris11
02/10/2022 à 22:30

"Le plus gros point faible du film c'est son casting. Les nouvelles actrices sont nazes et n'ont aucune alchimie entre elles contrairement à l'ancien trio."
On peut reprocher beaucoup de choses à ce film mais pas son casting trio ni un manque d'alchimie entre les actrices. Au contraire des films précédents et des nombreux ragots sur l'ambiance de tournage (Bill Murray n'aidant pas).

Méchant mâle
02/10/2022 à 20:42

Le plus gros point faible du film c'est son casting. Les nouvelles actrices sont nazes et n'ont aucune alchimie entre elles contrairement à l'ancien trio.

zetagundam
02/10/2022 à 19:49

C'est amusant, pile au moment où Elizabeth Banks déclare que son film n'est pas un film féministe

TO²
10/12/2021 à 19:23

Le problème avec ce film (autre que sa qualité purement filmique), c'est qu'il part avec une balle dans le pied. Balle que s'est tiré elle-même Elisabeth Banks en axant la promotion sur le fait que ce film était un film de femme fait par des femmes et joué par des femmes, en plein mouvement metoo, ça sonnait hyper opportuniste (je dis pas qu'elle n'était pas sincère) et elle sous-entendait limite que ceux qui n'aimeraient pas le film serait misogynes.

Au niveau du film en lui même, c'est de la pâtisserie industrielle, c'est lisse et sa manque de saveur contrairement aux deux films précédents qui étaient fun, décomplexés à l'image de leur personnages principaux, des meufs sexy, faussement cruche, extraverties, assumant de jouer de leurs charmes et cassant des gueules au kilomètre sans revendiquer quoi que ce soit . Malgré son côté comic book, ce film avait de moins gros sabot et n'était pas donneur de leçon.

TofVW
09/10/2021 à 14:06

@Missmayinoctober: attends, tu es qui toi, pour dire que c'est bien ? Tu pourras faire l'éloge de ce film quand on parlera de toi, c'est-à-dire jamais !
Hollywood n'a pas besoin d'une amatrice pour enjoliver ses films.

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