Toy Story 4 : critique qui rempile

Simon Riaux | 4 avril 2023 - MAJ : 05/04/2023 09:11
Simon Riaux | 4 avril 2023 - MAJ : 05/04/2023 09:11

Une réelle pression repose sur les épaules de Toy Story 4. Franchise la plus prolifique de Pixar, Toy Story est aussi celle sur laquelle la firme à la lampe a bâti son image de marque, faite de créativité, d’exigence artistique et d’innovation technique. De bien beaux principes que la saga honore depuis ses origines et qui ont culminé avec un chef d’œuvre, le bouleversant Toy Story 3. Après ce chapitre qui sonnait comme une conclusion embuée de larmes, comment échapper au syndrome du film de trop et maintenir la qualité de la saga ? Réponse avec Toy Story 4 de Josh Cooley.

FINI DE JOUER

Défi sériel et créatif, Toy Story 4 a également fait face à de sévères secousses en coulisses. Alors qu'il avait été initialement confié à Rashida Jones (toujours créditée comme créatrice de l’histoire), la comédienne, productrice, réalisatrice et scénariste a quitté le navire en évoquant des « différences philosophiques », poussant Pixar à minorer l’apport créatif des femmes. Un chambardement narratif qui n’aura pas été sans conséquence et qui se sent à l’écran.

Après une introduction épique et débordante d’émotion, évoquant avec un panache incroyable Rivière sans retour, le réalisateur Josh Cooley doit se débattre avec un scénario qui lance quantité de pistes, initie plusieurs thématiques, mais a bien du mal à retrouver ses petits. Ainsi, en moins de 40 minutes, l’intrigue tente de revisiter la chambre d’enfants, le concept de hiérarchie des jouets, l’acceptation au sein du groupe d’un nouveau venu, la caractérisation d’un personnage foncièrement différent des autres… avant d’abandonner purement et simplement ces sous-intrigues à la faveur d’un saut dans le vide, qui aurait presque des airs de suicide narratif.

 

photoFourchette, nouveau venu de cet épisode

 

La première demi-heure s’avère incertaine jusque dans son découpage, bien moins assuré et stylisé que lors de l’ouverture du métrage. Bien sûr, l’ensemble demeure très au-dessus du lot de la production actuelle, la plupart des gags font mouche, mais la légendaire fluidité de la saga et son remarquable sens de l’équilibre paraissent grippés.

Difficile de saisir le point de vue, de s’impliquer dans le récit, tant Josh Cooley paraît progressivement se désintéresser des héros traditionnels de la franchise, à commencer par Buzz, réduit au rang de comic relief pataud. La fresque joueuse aurait-elle atteint son point de rupture ?

 

photoUn sacré bâton de bergère

 

DANS DE BO DRAPS

Et soudain, le miracle s’accomplit, alors que Woody retrouve Bo la bergère. On se souvient que le film fut initialement annoncé comme une comédie romantique, avant que ses problèmes de développement ne voient cette orientation un peu oubliée. Alors que le scénario dévoile enfin ses véritables enjeux, Toy Story 4 se risque à avancer plusieurs questionnements profonds et à les traduire à l'image avec une limpidité stupéfiante.

Sommé d’interroger sa nature de jouet, et tout simplement sa volonté de servir les enfants envers et contre tout, notre cowboy fait soudain face à une impeccable allégorie de la lassitude dont est frappé le spectateur après 4 épisodes. Il est sommé de choisir entre un renouveau existentiel passionnant, mais risqué avec Bo, ou la continuation d’une routine noble, mais qui le sape intérieurement avec ses camarades. Alors, Toy Story 4 se fait conte de la dépression, du renoncement, quête de la survie et du renouveau.

 

photoUne ambiance absolument rassurante

 

L’intelligence de l’œuvre est d’insérer ces thèmes lourds et complexes au sein d’un formidable film d’aventures, qui passe ses 50 dernières minutes à se réinventer constamment. Il jongle avec les tropes de James Wan, ses citations traditionnelles de Shining pour embrayer sur un peu de Mad Max en confiant les clefs du scénario à une Furiosa de porcelaine. Tout cela sans oublier le film de braquage pour s’achever sur une course-poursuite déchirante, qui retourne brillamment le concept des antagonistes traditionnels de la série, le métrage laisse le spectateur à genoux à force de morceaux de bravoure.

C’est dans cette accélération finale que la mise en scène retrouve toutes ses couleurs, parvient avec une précision démoniaque à décocher ses flèches, mêlant avec acuité hommages cinéphiliques, usage libéré de sa caméra virtuelle et une puissance évocatrice presque opératrice par endroits. Peu importe que le script ait sacrifié le personnage de Fourchette et piétiné une bonne partie des personnages de la saga, quand la caméra de Cooley capture ses scènes d’action échevelées, qu’elle scrute les yeux peints ou les articulations tremblantes de ses héros de plastique, elle touche encore en plein cœur.

 

Toy Story 4 : Affiche française

Résumé

Malgré un premier acte qui se traîne, se contredit et a bien du mal à dégager des enjeux clairs, le récit prend son envol pour proposer une cinquantaine de minutes aventureuses et mélancoliques, conclues par un épilogue bouleversant.

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Lecteurs

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commentaires
Flo
30/05/2023 à 13:12

La franchise phare du studio, depuis le début (et Au Delà !).
Pourtant, que des films qui racontent toujours la même chose : l'angoisse de l'abandon, des héros qui existent à travers un conflit de points de vue (les autres personnages étant pris en étau au milieu), la nécessité de faire évoluer sa personnalité... Et de grosses courses poursuites (incognito) pour rentrer à bon port dans un temps imparti.

Certes, c'est aussi commun à tous les Pixar, et leur fausse simplicité symbolisée par des titres de films en un à trois mots, maxi.
Mais dans le cas des Toy Story, il y a quelque chose de très particulier : car le but des jouets, c'est d'être au service de ceux qui les utilisent, les enfants.
Une logique un peu policièro-militaire, où le devoir envers son propriétaire n'est pas qu'affectif. C'est une règle non expliquée, immuable et honorable, tout comme le fait de devoir se montrer inanimé lorsque l'on entre dans le champ de vision d'un humain (là dessus, ils seront rarement hors-la-loi).
Quoi de mieux qu'un shérif et un ranger, chacun venu d'un genre fictionnel différent, pour s'opposer sur la façon de faire la loi dans la chambre d'enfant ?
Ça sera toujours Woody, puis Buzz...
Le cow-boy en particulier, premier de Andy, devra tour à tour apprendre à accepter de partager les responsabilités...
Puis de refuser l'idolâtrie, et préparer sa fin avec son enfant...
Puis de l'entériner, et passer à une autre, Bonnie. Jusqu'à laisser la vedette à d'autres dans une série de courts-métrages très cools, jouant avec d'autres genres cinématographiques (Rex fait une grosse Party, on chasse les "tueurs" dans un motel, on refait la Planète des singes avec des dinosaures...).

Le quatrième film est encore plus dévolu que les autres à Woody, créant un tout nouveau duo avec un jouet fabriqué, au potentiel inédit lorsqu'il cesse d'être calamiteux - Fourchette, présenté au groupe comme s'il était sorti d'un ventre (!)
Ce qui apparaît alors comme une ultime tentative désespérée de se rendre utile pour sa propriétaire, devient l'instrument d'une nouvelle remise en question de Woody, associée à quelques mystifiants tours du Destin... très féminins.
Car c'est un film qui, malgré la présence d'un réalisateur homme plutôt joyeux drille (Josh Cooley), a une identité féminine bien cruciale, via ses scénaristes femmes. Comme s'il fallait que ça colle avec Bonnie - mais ce n'est pas vraiment le cas.
Ainsi Woody se trouve pris entre une (fausse) antagoniste, assez complexe, qui représente ce qu'il était avant... Et le retour d'une Bo façon aventurière intrépide, qui représente un avenir tout nouveau pour lui. Avenir romantique aussi, ce qui devait d'ailleurs être plus central au début, avant de devenir finalement un but.

Bref le héros se sent prêt à tourner la page pour enfin vivre une vie rien qu'à lui, et en couple... La même année de sortie que "Avengers : Endgame", qui contient également ces préoccupations chez Steve Rogers et Tony Stark.
Ça n'a néanmoins pas été facile à concevoir, les diverses parties en présence n'ayant pas toujours trouvé d'accord sur le scénario... À ça s'est ajouté le décès de Don Rickles/Mr Patate, pour lequel ils ont utilisé des enregistrements précédents - ce qui a incidemment fait baisser le temps d'exposition du groupe de jouets historique.
Tandis que la nouvelle galerie de personnages se limite à des faire-valoirs gaguesques, survoltés (le duo Key et Peele reformé) ou insolite (Keanu Reeves et ses racines canadiennes).
Quant à Buzz, il a toujours été dans une logique régressive à chaque film, car c'est comme ça qu'on l'a initialement connu et aimé... Comme cet espèce de doux-dingue avec ses plans alambiqués - suffi alors de le remplacer par un double, ou bien de réinitialiser sa mémoire (deux fois, dont une en espagnol).
Même s'il est encore amusant dans son nouveau délire de voix intérieure, il n'empêche qu'il sera le premier à comprendre quel va être le dernier cheminement de Woody. Que même s'il est fou, Buzz a bien une intelligence émotionnelle.

Tout ce côté intimiste fait qu'on a pour la première fois un Toy Story qui ne se termine pas par une course-poursuite échevelée en guise de climax formidable, qui soit capable d'être à la hauteur des trois précédentes. Et même les séquences dans la boutique d'antiquités n'essaient pas d'injecter plus de plans flippants, à la Shinning par exemple (malgré les conseils de l'expert en la matière, Lee Unkrich).
Comme si c'était le signal de la fin des enfantillages, du repos ultra émouvant d'au moins un des guerriers... manque toutefois, comme dans "Cars 3", la présence de John Lasseter en guise de passeur.
So long, cowboy !

Faurefrc
05/04/2023 à 10:53

Pas aussi génial que les 3 premiers, mais pas déméritant non plus (bref, c’est pas Indiana Jones 4)
Espérons que le 5ème opus qui vient d’être annoncé soit au minimum du même niveau… voire même un peu mieux. Il y a sûrement des thématiques intéressantes à traiter sur le couple (ce qu’avait si bien réussir à faire les Indestructibles) vs l’amitié

KEVIN DIOLES
31/07/2019 à 12:26

je ne me suis jamais intéressé à la série TOY STORY, Je n'ai pas été déçu par ce 4. Très bon film pour les enfants. Très belle animation. Personnages sympas, même les méchants.MA NOTE 7.5/10

ceciloule
14/07/2019 à 17:14

Pour ma part, un peu déçue du scénario qui ne décolle pas vraiment et n'a pas grand chose d'original. Cela dit, il est largement rattrapé par les décors, qui sont juste fabuleux (plus d'infos ici : https://pamolico.wordpress.com/2019/07/14/le-monde-merveilleux-des-jouets-toy-story-4-josh-cooley/)

David caron
02/07/2019 à 12:07

Salut les passionnés de cinéma enfaite j'attends la sortit les 4 toy story parce que je suis passé à côté donc j'attends à la vente et c'est sur je vais être content de revoir ce bon monde

jango56700
01/07/2019 à 11:34

Vu hier soir, je suis un grand fan des 3 premiers épisodes.
Je dois dire que le résultat est bon, mais en dessous de mes espérances....
l'épisode 4 est le moin bon des 4. Très compliqué de faire mieux que le 3 qui était magnifique.
L'humour est moin bon.... il manque quelque chose pour en faire un très bon dessin animée !!.

Elvis
26/06/2019 à 21:35

1001 pattes est génial. Très inventif. Des milliers d idees qui se télescopent. En étant un Pixar de 1999 soit le deuxième. Chef d œuvre.

tbib76
24/06/2019 à 09:08

@Simon Riaux, Totalement d'accord avec votre critique, à partir du moment ou on voit Bo, le film change clairement de dimension. Et le personnage de Bo, mais quel personnage ! La photographie vers la fin est juste magnifique, et laisse une empreinte indélébile sur la rétine. Moins bon que le 3 (c'est dur de faire mieux), mais le niveau de Pixar est juste ahurissant, et à chaque fois j'en suis étonné.

Baneath88
23/06/2019 à 23:12

Vu aujourd'hui en avant-première.
Et je dirais que si la légitimité de ce numéro 4 ne se justifie pas, le film ne fait pas tâche par rapport aux précédents.
Clairement, il se situe deux crans en dessous.
- La réalisation de Josh Cooley est bonne, l'animation est somptueuse. Mais on reste quand même loin de la maestria démente d'un John Lasseter, Pete Docter ou Andrew Stanton.
- L'écriture est moins adroite : moins de répliques qui font mouche, les gags aléatoirement réussis, beaucoup de personnages historiques délaissés, la première partie un peu chaotique.
Néanmoins, l'ensemble est plutôt bien troussé. Buzz L'éclair me parait plus intéressant que dans le troisième (qui répétait sans inspiration le deuxième). Et le propos demeure Pixarien dans cet équilibre entre le divertissement récréatif et la réflexion introspective.

Il parait plus qu'évident que ce quatrième volet (et deuxième point final) n'est pas dû à une volonté des pères du studios Pixar (il suffit de voir la gestation très compliqué).
Pourtant, ce post-scriptum n'a rien de déshonorant.

Number6
23/06/2019 à 14:36

@simon

Merci pour la réponse. A voir sur le tas alors. Je trouve cette suite bizarre. 2e fin ? Suite du 3? Nouvelle trilogie ? On va bien voir.

Sinon, d'accord avec Geoffrey. Les Pixar jusque là, c'est vraiment devenu, bah du Disney. Les face palm qu'ont été dory, cars, arlo... Je sauve Vice versa des récentes prod. Et c'est tout. Même incredible 2 ne m'a pas enthousiasmé.

Faut dire que DreamWorks avec Dragons, les studio laika, les animés japonais. Y a de quoi se faire la fraise en dehors des Disney et autres.

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