The Wife : critique femme à Oscar

Geoffrey Crété | 29 janvier 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 29 janvier 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Après Le Monde selon GarpLes Copains d'abordLe MeilleurLiaison fataleLes Liaisons dangereuses, et Albert NobbsGlenn Close est nommée pour la septième fois aux Oscars avec The Wife, un film dramatique de Björn Runge, parmi les premières attentes de ce début d'année. Un gros coup de projecteur bienvenu pour une sortie en e-cinema en France (disponible depuis le 24 janvier chez TF1 Studio).

 

FEMME DE

Que The Wife ait mis quatorze ans à voir le jour, comme l'a affirmé Glenn Close, est à la fois triste et parfait. Triste, vu qu'il n'a rien d'extraordinairement sulfureux ou difficile, qui aurait nécessité d'attendre 2019. Parfait, car c'est adapté à l'histoire qu'il raconte.

Adapté du livre de Meg Wolitzer par Jane Anderson, le scénariste derrière la très belle mini-série Olive Kitteridge avec Frances McDormandThe Wife est l'histoire d'une femme de. Femme de son mari écrivain à succès, femme de l'ombre, femme d'une époque révolue, qui reprend conscience après un long cauchemar qu'elle a elle-même aidé à mettre en scène. En chemin vers la Suède où son époux va recevoir le prix Nobel de littérature, Joan va rouvrir les yeux. Quitte à s'en aveugler.

Le film de Björn Runge est voué à être défini par la performance de Glenn Close, grande actrice qui pour d'obscures raisons semble vouée à être passionnément reconnue pour un rôle certes beau, mais pas plus remarquable qu'un tiers de sa filmographie. Reste qu'elle brille d'un feu discret dans ce portrait de femme juste et émouvant.

 

photo, Jonathan Pryce, Glenn Close Glenn Close et Jonathan Pryce

 

PORTRAIT DE F(L)EMME

La trajectoire de The Wife est aussi attendue qu'efficace : c'est celle d'une implosion. Joan et Joe forment un couple a priori idyllique, lié depuis des décennies par une sensibilité intellectuelle commune. Il était professeur de littérature et marié, elle était étudiante et impressionnée. Leur couple s'est construit sur cette passion et cette violence.

Cette façade qui leur permet de parader devant amis, inconnus et enfants, va se fissurer. Puis s'écrouler, alors que le poids des non-dits, des silences, des habitudes pèse sur Joan, et que l'honneur absolu du prix Nobel est la goutte d'eau fatale. 

Le scénario tombe dans la facilité des flashbacks pour expliciter les choses (avec Annie Starke, fille de Glenn Close, pour l'interpréter jeune), use de quelques grosses ficelles dans les seconds rôles (le fils aspirant écrivain très fragile, le biographe fouineur), et gère un élément majeur sans véritablement l'assumer comme une surprise ou une évidence. The Wife ne décolle donc pas en terme de tragédie, cloué au sol par ses maladresses et limites.

Et si la musique de Jocelyn Pook donne une belle ampleur à quelques moments-clés, la mise en scène de Björn Runge reste si discrète et même plate, qu'il manque un certain souffle de vie et de cinéma à l'écran.

 

photo, Glenn Close La famille, planche de salut et cage dorée

 

GLENN CLOSCAR

Mais le film se rattrape dans l'écriture nettement plus fine et précise du couple. Ce n'est pas une violence spectaculaire et malpolie à la Qui a peur de Virginia Woolf ?, mais une en sourdine, bien éduquée et donc d'autant plus terrible. Jonathan Pryce ne démérite pas et même s'il reste sous les radars, derrière Glenn Close, il est excellent dans la peau de ce vieux lâche. La manière dont il incarne ce personnage difficile, et glisse en une seconde de l'empathie d'usage à la violence la plus sournoise, est glaçante.

 

photo, Glenn Close Le titre c'est The Wife, donc l'Oscar est pour MOI

 

C'est dans deux scènes que The Wife touche droit au coeur, et marque des points pour s'élever au-dessus des rails dans lesquels il avance. La première est d'un silence glacial, et démontre en quelques minutes terrassantes le talent de Glenn Close. La cérémonie des Oscars pourrait sans mal illustrer sa performance avec des images tirées de cette scène, point d'orgue d'un crescendo de colère et dégoût qui fissure peu à peu le masque de cette femme, qui s'est elle-même créé son cauchemardesque costume. 

La deuxième est une très belle scène de dispute qui, sous ses airs classiques, témoigne des intentions très fortes du film. Tout le monde est coupable ici, et aucun mauvais rôle n'est distribué sur la scène du mariage déchiré en direct. L'intelligence du scénario réside dans sa capacité à dessiner des personnages ambigus et complexes, et à refuser de tracer une ligne claire entre victime et bourreau, entre amour et haine. C'est cette finesse dans le regard et la plume qui permette au final à The Wife de se trouver, et raconter une histoire de couple terrible et touchante.

 

Photo

Résumé

The Wife, ou le film voué à être défini par l'interprétation et le palmarès de Glenn Close. Le talent de l'actrice est indéniable, tout comme celui de Jonathan Pryce. Si le film vaut le détour, c'est grâce à eux deux, et quelques scènes fortes et finement écrites.

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commentaires
Satan LaTeube
30/01/2019 à 08:34

Il est enfin temps que l'Académie récompense Glenn Close, c'est pas trop tôt.
Quand on voit aussi que Jessica Lange ou Susan Sarandon ont dû attendre X nominations pour l'emporter, il est grand temps que cet oubli soit réparé.

Rudy Mako
29/01/2019 à 19:48

Remettez-lui sa statuettes. Elle le mérite, elle en a tant montré et tant donné à cette industrie. #Glenn oscar

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