PAS DE BRAS
Les premières minutes de Yomeddine impressionnent. Baigné dans une lumière dorée, nous découvrons le corps et le visage de Rady Gamal, vulnérable, grêlé de cicatrices, il constitue un paysage tourmenté, exploré pour la première fois par une caméra de cinéma. Expérience inédite, immersion radicale.
L’effet est d’autant plus saisissant qu’il déjoue dans un premier temps les attendus du drame de festival édifiant et doloriste. Extrêmement rythmé, enchaînant les rebondissements et ne surjouant jamais le catalogue de souffrances, le périple de Beshay parvient à nous emmener et à divertir avec une facilité déconcertante.
Un bien curieux et émouvant attelage
Le sentiment d’assister à chaque séquence à un dévoilement inédit, certes pas toujours plastiquement abouti, mais émotionnellement ravageur, grandit durant le premier tiers du film et fait beaucoup pour l’investissement du spectateur. Cette troublante découverte du quotidien d’un homme, que la société a tout fait pour tenir éloigné d’elle, se double de l’exploration de l’Egypte contemporaine, dont peu de films sont exploités dans l’Hexagone, et rarement avec cette ambition de capturer le hors-champ du monde.
Et contre toute attente, Yomeddine déploie sa carte des bannis avec un humour parfois rafraîchissant, comme lors d’une invraisemblable séquence d’évasion, où le métrage tance tour à tour l’attitude intolérante des forces de l’ordre, la bêtise des religieux intégristes, comme l’absurdité générale d’une société qui ne sait plus vraiment quoi faire de ses règles morales. Autant de raisons de se laisser porter par cette narration initialement bouleversante et cahotante.
L’impossible survie de deux exclus
PAS DE CHOCOLAT
Mais ces réelles qualités sont progressivement balayées par deux écueils majeurs. Le premier vient tout simplement de la mise en scène, ou plutôt de son absence. Abu Bakr Shawky ne parvient jamais à chorégraphier, découper, ordonner son action et les mouvements qu’elle génère.
Réduit à scruter le visage de son épatant comédien, il révèle en creux que sous ses airs de quête de dignité, son projet de cinéma se limite finalement à enregistrer le martyr lumineux d’un damné de la terre, immortaliser la condition de lépreux. Son discours est si lâche, parfois si inconséquent, qu’il oscille finalement entre putasserie et pathos à peu de frais.
« Non non je ne regarderai pas ta critique Ecran Large »
L’épilogue vient confirmer la fragilité de l’édifice et les contradictions qui le minent quand, en une poignée de séquences, le scénario vient non seulement justifier le sort fait à Beshay, transformant l’inhumanité de ses bourreaux en compassion, et sa léproserie carcérale en ultime refuge.
Ainsi, par maladresse et pour clore un récit qui semble à bout de souffle, le cinéaste justifie totalement la mise au ban, l’exclusion et in fine le sort terrible réservé aux exclus, sous prétexte que le monde extérieur constituerait une inaltérable source d’horreurs. Yomeddine se mue alors précisément en ce qu’il se devait d’éviter, à savoir une carte postale destinée aux festivaliers occidentaux désireux de sortir de projection les yeux humides. Humides et propres.
« critique pour les preux »
Même moi je n’aurais pas osé.