La France est Notre Patrie : critique décoloniale

Simon Riaux | 23 novembre 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 23 novembre 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Artisan indispensable du devoir de mémoire cambodgien, Rithy Panh a proposé avec S21, la machine de mort Khmère rouge, Duch, le maître des forges de l'enfer et L'Image manquante, une série de documentaires aussi ahurissants que passionnants. Leur acuité humaine, leur nécessité historique en font des œuvres inoubliables. Et c’est donc avec autant d’intérêt que de curiosité que nous nous penchons aujourd’hui sur La France est Notre Patrie, qui aborde un tout autre domaine.

MEMORY LANE

Après la mémoire du génocide cambodgien, Panh explore les relations entre la France, ses citoyens, et les habitants du Cambodge, ex-Indochine française. C’est une des premières images du film. Une femme aux traits asiatiques, sans doute cambodgienne, avance vers la caméra, et donc le spectateur, manifestement fascinée. Derrière elle, se tiennent deux occidentaux, hilares, qui semblent se moquer, ou à tout le moins s’amuser franchement de l’étonnement de leur semblable.

 

photoDe rares images d'archive

 

Dans cette courte séquence tient tout le projet du film, qui entend interroger les rapports et l’histoire commune de deux peuples, leurs liens de domination, mais aussi ce qui peut faire d’eux une forme de communauté. Souvent réunis au sein d’une même image, ils ne sont jamais purement antagonistes, et Rithy Panh a plus intéressant à proposer qu’un réquisitoire anticolonialiste.

Et s’il parsème son film de citations ou mise en exergue de grands principes de l’époque, irrémédiablement datés ou toxiques, c’est pour mieux constater comment la captation du réel les dépasse, alors que Français et Cambodgien, réunis au sein de l’unité éternelle du plan de cinéma, interagissent.

 

photoUne séquence étonnante

 

SE SOUVENIR DES GRANDES CHOSES

À l’heure où les questionnements identitaires redoublent, La France est Notre Patrie de Rithy Panh affiche une subtilité salvatrice. Montage d’images d’archives, souvent issues de collections privées, peu ou jamais projetées, ici rassemblées sans commentaire, seulement connectées esthétiquement et musicalement.

C’est donc « seulement » dans le choix des archives et dans leur montage que réside l’art de Panh. Et force est de constater qu’il se montre d’une précision et d’un sens de la poésie souvent renversant. L’enchaînement de deux séquences, la perspective provoquée par un soudain contraste de texture, tout concourt à faire de La France est Notre Patrie un des plus beaux documents récents sur la France et son rapport au corps social complexe qui la compose.

 

photoSaynètes du quotidien

 

Cette approche faussement minimaliste, permet au spectateur de se laisser imprégner de ce qu’il voit et de ne pas être assailli par un discours préfabriqué, se laissant progressivement atteindre par cette capsule temporelle passionnante. Comment les humains s’entrechoquent-ils, pour s’affronter, s’allier ou se mêler ? Voilà les questions que pose le cinéaste, avec une intelligence et une douceur qui imposent le respect.

 

Affiche

Résumé

Avec une intelligence et une sensibilité admirables, Rithy Panh ausculte l'histoire mêlée des Français et des Cambodgiens, dans un documentaire poétique sur deux cultures s'entrechoquant.

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commentaires
Fox McCloud
23/11/2018 à 21:22

C'est en noir et blanc, ça m'intéresse pas.

Kouak
23/11/2018 à 14:08

Bonjour Mister Riaux,
"Critique"n'est pas le terme pour cet article...
Analyse serait plus adaptée...Et ayant vu "S21, la machine de mort Khmère rouge" , cette analyse ne peut être tronquée.
Rithy Panh et une personne que , nous européens, pourrions qualifier d'étrange...
Dans le doc' précité, le fait d'aller à la rencontre de "ses" anciens bourreaux , sans montrer la moindre amertume, rancoeur,sans vociférer le moindre propos vindicatif ,de sa part, me subjugue.
Je devine (car heureusement je n'ai jamais connu telle situation et je ne la souhaite à personne)
Je devine donc, que ces personnes qui ont subies ces atrocités, ressentent le besoin d'expurger leur haine par le devoir de mémoire.
Mais MÔssieur Panh le fait d'une manière fort admirable !
Pour rappel je parle de "S21"...
Mais celui-ci...Ce doc'...Je le mets d'office dans ma musette...
Bref...

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