Les Rues de feu : critique rock-à-bonnie

Lino Cassinat | 21 août 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Lino Cassinat | 21 août 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Quand Walter Hill sort Les Rues de feu en 1984, il est en passe de devenir un cinéaste important, à la fois apprécié de certains cercles critiques underground/branchés pour son génial Les Guerriers de la nuit , et auréolé de la gloire commerciale grâce au carton 48 heures, son dernier film en date.

COLORS BRIGHTER THAN THE SUN

En 1984, Walter Hill est donc le roi du pétrole et les studios lui donnent un contrôle artistique total et un budget conséquent pour son prochain film. Le cinéaste y voit, à juste titre, l’occasion de s’en donner à coeur joie et de créer un univers qui lui serait propre à 100%, un pur film de style avec « des voitures customisées, des baisers sous la pluie, des néons, des trains dans la nuit, des poursuites à grande vitesse, des bagarres, des rock stars, des motos, des blagues dans des situations dangereuses, des vestes en cuir et des enjeux d’honneur ».

Une gigantesque cour de récré pour Walter Hill, mais qui va très vite tourner court, pour lui comme pour son spectateur, car Les Rues de feu est un cinglant échec.

 

photoEt pourtant, qu'est ce que cette séquence tue



Pour autant, c’est aussi un film passionnant à de nombreux égards : l’univers créé par le réalisateur est follement amusant. Un téléscopage joyeusement chaotique entre les 50s et les 80s fourmillant de détails amusants, comme si L'Équipée sauvage avait été refait dans un espace-temps indistinct par un John Hughes vénère et qui viendrait de découvrir le rockabilly des Stray Cats et la grosse voix de Laurie Sargent.

Campy à souhait et plastiquement aussi rare que délicieux, surtout pour quiconque aime la pellicule sous-exposée et ultra-saturée (d'ailleurs Les Rues de feu a très largement sa place dans notre dossier sur l'esthétique néon), Les Rues de feu offre qui déborde d’une énergie anarchique et juvénile, celle de la nuit et du rock, et qui n’attend qu’une bonne histoire pour véritablement se transcender.

 

photoTout le film en une photo : une image belle à en crever pour une scène complètement nulle

 

BONNIE, T'AS L'HEURE ?

Malheureusement, l’aventure est très moyenne, presque mauvaise. Qu’elle tienne sur un timbre poste rongé (volontairement) par des clichés de cinéma parce que Walter Hill veut juste faire des images qui claquent, passe encore. Après tout, Les Guerriers de la nuit a lui aussi une ligne narratrice très chiche et pourtant c’est un film fantastique.

Le problème, c’est que de ce dernier, Les Rues de feu n’a ni le mystère taiseux, ni le frisson du danger. Il s’acharne à la place à essayer de nous faire avaler une demi-histoire molle et paresseuse, deux grosses scènes d’action étonnamment mal découpées et, le pire pour la fin, un humour complice complètement raté et des brouillons de personnages oscillants entre l’inintéressant et le repoussant.

 

photoOn précise : nos visuels ne rendent pas justice à la beauté photographique du film



S’il y a un enseignement à tirer d’ailleurs de ce côté là, c’est qu’avoir des personnages ancrés à fond dans leurs stéréotypes n’est pas un problème en soi si les acteurs livrent une interprétation au cordeau. A ce niveau-là, le tout jeune Willem Dafoe fait des merveilles en soulevant un rôle de méchant ultra-creux et cabotin, tout en rictus déments et en sadisme gratuit et faisant le mal pour le mal, grâce à la qualité de son jeu.

Et si l’on excepte également la très sympathique mais incomplète McCoy d'Amy Madigan, tout le reste peut partir dans le caniveau des clichés orduriers. De la poupée manipulatrice au manager pédant et pas drôle (Rick Moranis bon sang) en passant par les blacks qui font des blagues... mais surtout sans oublier le personnage principal.

 

photoAlors, c'est pas certain hein, mais il semblerait que Willem Dafoe soit le méchant du film.


I NEED A HERO

Quelle erreur fatale d’en avoir fait un personnage aussi lisse et antipathique, une espèce de Jack Burton au premier degré phagocytant tous les autres personnages et les réduisant au rang de simple faire-valoir inutiles. Et surtout quelle erreur d’avoir choisi Michael Paré pour l’incarner. Malgré le bon mélange d’innocence et de robustesse dans le visage, l’acteur est beaucoup trop vert et manque clairement de directions pour énoncer correctement des répliques déjà bien pourries par une psychologie macho-bourrine pénible.

 

photoA gauche McCoy/Amy Madigan. A droite, une grosse endive au jambon.



Pensé comme un magnum opus de réalisateur et de chef opérateur (le film doit vraiment tout à Andrew Laszlo), l’écrin technique de Les Rues de feu est aussi follement bigarré que son contenu est ennuyeux et lisse. Symptôme typique de ce genre d’oeuvre, une fois que Walter Hill a parfaitement icônisé ses personnages et a somptueusement posé le cadre de son récit, passées 20 minutes fabuleuses et une première scène de concert au montage parallèle parfait, tout s’évapore. A réserver aux amoureux de l’image pure, ou à regarder avec beaucoup de recul.

 

photo

Résumé

Malgré un potentiel énorme, cette proposition de cinéma franchement originale est un gros loupé, et un excellent candidat pour un remake. On rêvera éternellement du film culte génial qu'il aurait pu être, comme on se souviendra longtemps de la première bobine du film et surtout de son ouverture absolument dantesque. Passée cette étape, même si Les Rues de feu pue la classe, il pue quand même.

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commentaires
CinéGood
22/08/2018 à 16:02

Walter Hill c'est aussi et surtout The Warriors/Les guerriers de la nuit, film culte de son époque.

Matt
21/08/2018 à 21:31

Pas le meilleur de Walter Hill mais les séquences de concerts sont terribles (Eighties certes aussi).
Bon et pis merde quoi : Diane Lane !!!!!

this is my movies
21/08/2018 à 20:19

j'hésitais réellement à connaître ce film de ce W. Hill décidément toujours aussi inégal, et bien je vais quand même tenter l'expérience... un jour prochain. Mais ce genre de film est aussi typique d'un artiste à qui on laisse trop de contrôle, une fois le succès venu. On se retrouve avec des films certes fascinants, mais souvent mal foutu. A méditer...

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