Le Père d'Italia : critique al dente
L'Occident, et plus précisément le Vieux Continent, ne s'est jamais autant cherché qu'en ce moment. Pris entre deux époques, tiraillé entre les vérités d'hier et les constructions à venir, il négocie un virage particulièrement dangereux. Heureusement le cinéma est là pour nous y faire réfléchir. Et en particulier Le père d'Italia de Fabio Mollo.
BFF
Après un premier film en 2013, South is nothing, Fabio Mollo revient à la réalisation avec Le Père d'Italia et continue d'explorer ses thématiques fétiches : la place de l'individu dans la société, la question de l'identité, la survie dans un environnement sociétal perçu comme hostile. Et cette fois, c'est à travers le parcours de Paolo et Mia qu'il nous invite à y réfléchir. Lui, homo trentenaire qui vit une rupture difficile. Elle, jeune femme exubérante et enceinte de 6 mois qui ne semble pas prendre conscience de la réalité de sa situation. C'est à la suite d'une rencontre fortuite en boite de nuit et du malaise de la jeune femme que les deux âmes en peine vont apprendre à se découvrir l'un l'autre et à se connaitre soi dans un road-trip qui leur fera parcourir l'Italie d'aujourd'hui.
Car il s'agit bien de cela dont il est question dans Le père d'Italia : la réunion de deux solitudes qui appréhendent l'existence comme une épreuve et qui possèdent, chacun, une partie de la réponse. Ce qui saute aux yeux en premier lieu, c'est le grand soin apporté aux ambiances. Volontiers éthéré et atmosphérique au gré de quelques tableaux d'une grande beauté, le métrage prend le temps de respirer, de se connecter à une certaine magie du quotidien lorsque deux êtres se reconnaissent. Il faut saluer d'ailleurs l'excellente prestation des deux comédiens principaux, Luca Marinelli et Isabella Ragonese, parfaits du début à la fin, touchants de bout en bout, totalement investis dans leurs personnages. Ils sont la grande réussite du film qui, couplés à cette volonté poétique de nous raconter leur histoire, nous touche droit au coeur.
Luca Marinelli ne va pas très bien
LE GOÛT DES AUTRES
Si la "romance" complexe entre les deux personnages fonctionne à ce point c'est parce qu'elle touche à une certaine authenticité des rapports humains. Que l'on soit homo ou hétéro (ou autre), on ne peut que se retrouver dans ces deux parcours cabossés, suffoquant sous le poids d'une angoisse existentielle qui n'est pas inconnue à la jeunesse actuelle, en perte de repères et aux perspectives plus que bouchées. Car il est bien question de destin dans Le père d'Italia, et d'avenir. Mais pas uniquement du devenir de nos protagonistes mais également de celui de toute l'Italie.
Une rencontre qui va tout changer
Et c'est là que l'intelligence de la démonstration de Fabio Mollo est éclatante. Dans ce refus d'asséner son propos de manière frontale mais de passer par l'humanité de ses personnages pour s'exprimer. A travers eux, c'est l'Italie de 2018 qui se cherche sans jamais être sûre de se trouver. Avec en toile de fond l'adoption pour les couples homosexuels, le film nous interroge sur le poids de la religion, de la tradition familiale, des peurs face au regard des autres et de la nécessaire évolution de la situation dans une volonté progressiste. Engoncés dans leurs doutes et leurs schémas éducatifs, les deux personnages peinent à se réaliser et à s'accomplir alors que le bon sens est évident. Encore une fois, lorsqu'il s'agit de briser ses chaines et d'avancer, l'individu reste son plus grand adversaire.
Entre la douceur et l'angoisse, il y a la beauté
Mais le film, s'il n'apporte pas une réponse pour le pays tout entier, ouvre néanmoins quelques portes tout en ne perdant jamais la réalité de vue. Il n'y a pas de didactisme prosélite, ou de raccourcis idéologiques arrangeants, Fabio Mollo embrasse la problématique dans toute sa complexité et ses zones d'ombre. Le résultat est un film touchant, bouleversant par moments, beau et fort qui fait sans peine oublier les quelques approximations de mise en scène un peu gênantes de son premier acte.
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