Paranoïa : critique iFolle

Geoffrey Crété | 1 juin 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 1 juin 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Sexe, mensonges et vidéosErin BrockovichSolarisOcean's ElevenThe Good GermanMagic MikeMa vie avec LiberaceContagion, Logan Lucky : en trois décennies, une Palme d'or et un Oscar du meilleur réalisateur, Steven Soderbergh a façonné une carrière pas comme les autres. Jonglant avec les genres, jouant avec et contre le système, le cinéaste ne cesse de questionner l'industrie qui l'a adoubé. Dernière preuve en date : Paranoïa (Unsane en VO), un thriller avec Claire Foy (The CrownMillenium : Ce qui ne me tue pas), tourné à l'iPhone.

MAGIC STEVE

Impossible d'appréhender Paranoïa sans le replacer dans la filmographie et les ambitions de Steven Soderbergh. Auréolé d'une Palme d'or historique à 26 ans pour son premier film, Sexe, mensonges et vidéos, il est revenu d'une traversée du désert qui s'est étalée sur les années 90 en s'implantant au coeur du système. Il a puisé dans les stars et les films de genre tout ce qui lui a permis de donner un second souffle à sa carrière, jusqu'à une double nomination à l'Oscar du meilleur réalisateur pour Erin Brockovich, seule contre tous et Traffic (il l'aura pour ce dernier).

Arrivé au soit-disant sommet hollywoodien, Soderbergh entreprend sa propre déconstruction, voire sa chute. Expérimentations plus ou moins obscures, boulimie filmique qui a donné cinq films entre 2011 et 2013, retraite annoncée, retour à la télévision avec The Knick puis au cinéma avec Logan Lucky : Soderbergh est insaisissable.

Il le rappelle avec Paranoïa, thriller classique dans le fond (une femme se retrouve enfermée dans un hôpital psychiatrique, mais est-elle vraiment folle ?) mais pas dans la forme (il a été intégralement tourné à l'iPhone). Un essai bien étrange qui, sans ce choix technique ou le nom de Soderbergh, aurait probablement fini enterré dans des montagnes de séries B dispensables.

 

Photo Claire Foy La Reine Claire Foy 

 

PIÉGÉ

Ce n'est pas le scénario de James Greer et Jonathan Bernstein qui va sauver Paranoïa : il est d'une bêtise à peine amusante. Parce qu'il résiste un peu trop à l'appel évident et vital de la série B à tendance Z, il n'offre même pas le plaisir un peu régressif d'Effets secondaires. Parce qu'il s'éternise en situations attendues et bavardages, il se prend trop au sérieux pour son propre bien. L'intrigue ne joue même pas longtemps la carte de la santé mentale de l'héroïne, s'articule autour d'une idée bien ridicule, et ne pousse pas très loin le curseur de la paranoïa. Le film est mou, tiède, porté par un suspens famélique.

Ce n'est pas non plus le dispositif filmique qui sauve Paranoïa. Filmer à l'iPhone et déclarer que c'est l'avenir du cinéma a beau être un pavé dans la marre hollywoodienne, il n'y a rien ou si peu qui brille à l'écran. Soderbergh, ici encore réalisateur, directeur de la photographie et monteur, a rarement donné l'impression de si peu s'amuser avec la matière, la musique, le son, les couleurs et la lumière. Hormis quelques soubresauts à l'image, et une distorsion au fisheye qui insiste sans surprise sur les mines hallucinées des personnages, le film est bien sage, voire impersonnel.

 

Photo Claire Foy, Juno Temple Juno Temple avec des dread  

 

STEVEN'S ANATOMY 

Le vrai sens de Paranoïa est sans nul doute en dehors du film lui-même, qui devrait décevoir à peu près tous les publics - les fans du réalisateur, les amateurs de thriller bien troussés. Ce qu'il illustre, c'est le rapport ambigü qu'a Steven Soderbergh au métier, à l'industrie et au système. Lui qui n'a pas tenu sa retraite annoncée plus de quelques mois, affirme constamment qu'il en a fini avec les films de studios et les contraintes liées à ce business.

En sortant Logan Lucky via le distributeur Fingerprint Releasing (qu'il a créé), le cinéaste avait clairement annoncé son intention de court-circuiter le système, défendre sa liberté et ouvrir une brèche dans le paysage du marketing massif et de la dépendance malsaine aux studios. En filmant Paranoïa à l'iPhone, avec un budget ridicule (1,5 millions) et une actrice en pleine ascension (Claire Foy, propulsée par The Crown et attendue dans Millenium : Ce qui ne me tue pas), il enfonce le clou.

 

Photo Claire Foy Une certaine idée du travail à Hollywood, en toute liberté ?

 

Et si Claire Foy est incontestablement l'un des atouts du film, qu'elle porte sur ses épaules avec une foi et une force de tous les instants, c'est finalement ce que ce cauchemar raconte sur Soderbergh lui-même qui fascine. Comme Sawyer Valentini (un nom très masculin), le réalisateur a été dans une maison de fou de son plein gré (Hollywood), pensant y trouver le remède à ses maux (les échecs de KafkaKing of the HillÀ fleur de peauSchizopolisGray's Anatomy). Déterminer qui était le plus fou, de lui ou ses interlocuteurs/bourreaux, a certainement été une question. Il a fini par trouver une issue, mais comme Sawyer, il est hanté par la chose depuis.

Soderbergh semble incapable de quitter ce cinéma qui, un temps, le repoussait selon ses propres mots. Après avoir exploré les facettes les plus belles et les plus laides du système, avoir lutté pour défendre ses projets (Ma vie avec Liberace a été refusé par différents studios avant d'être sauvé par HBO), avoir tenté le petit écran avec brio (The Knick) avant de se heurter aux mêmes obsctacles (The Knick, annulée suite à des luttes artistiques pour une saison 3), il semble également incapable de baisser les armes. Paranoïa, avec toutes ses limites, en est une nouvelle démonstration. Bancale, fragile, grotesque et extrême peut-être, mais vivace. Et guerrière, presque.

 

Affiche française

Résumé

Paranoïa est moins intéressant pour ce qu'il est (un thriller très mou) que pour ce qu'il représente (un autre coup de pied dans la fourmilière hollywoodienne). C'est trop peu pour en faire une réussite ou une expérience satisfaisante, mais suffisant pour lui donner un sens, dans la carrière de Steven Soderbergh.

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(3.0)

Votre note ?

commentaires
Mellelola
14/01/2024 à 21:01

Médiocre.

Maya
06/07/2019 à 06:49

enfin une critique qui résume bien la profonde nullité de ce film encensé par télérama entre autres, ce qui veut tout dire. Effectivement hormis le jeu de l'actrice, le reste est affligeant, peu crédible, inutile et pas besoin de regarder jusqu'au bout.

major fatal
02/06/2019 à 17:52

Au moins lui il essaye des trucs.

Désolé les gens...
09/09/2018 à 23:56

Mais pour les 2 derniers messages, je me suis trompé de film.

J'avais déjà écrit, le lien est ici :

https://www.ecranlarge.com/films/news/1033501-aquaman-le-film-serait-donc-un-peu-violent-et-un-peu-grossier?commentId=1621520

Dernier après j'arrête...
09/09/2018 à 23:55

Si les gens pensent que même maintenant entre 2018 et 2010 voir même 2005, il y a eu du changement, c'est qu'ils se trompent.

Le multimédia à commencé à être du réchauffé, du moment où ils ont commencé les suites, les remakes, les clins d'oeils, les références et tout le tra la.

Depuis il y n'y a eu que ça…

1970, 1980, 1990 et 2000 aussi était de vrai changement, dans tout les points (on va pas les citer on est pas là pour ça mais juste au niveau multimédia).

Mais après, faut avouer que j'ai pas vu grand chose ormis "le visuel" et les conner***

Et après, ça se dit "réalisateur, concepteur, voir artist" faut juste arrêter.
Des "soit-disants" mais le fast-food n'a jamais rendu intelligent les gens.

Oui, les gens ont le droit d'aimer mais non ceux qui n'aiment pas, n'ont pas le choix et c'est bien ça le problème, on peut pas vivre toujours avec le "passé" car une fois quand on a tout connu, il ne reste que le présent…

Voilà, pourquoi, je me plains de ce système qui est mal géré.

Je sais que ça va avec l'époque et tout, mais j'ai toujours espoir que ça s'arrange mais quand on lis les news sur les sujets qu'on aime et sur la planète, mouais...

Et puis...
09/09/2018 à 23:47

Concernant la violence d'aujourd'hui, je ne sais pas vraiment pas ce que c'est, sérieusement…

Je vais parler par exemple du film du Kux Kux et là j'avoue qu'ils ont peu plus osé que les autres films.

Mais bon quand on regarde des films genre Star Wars 3 voir 5...
Ils ne sont pas spécialement violent mais ça a beaucoup plus d'impact par rapport aux scènes en étant pas choqués.

Sinon, le temp mot, ça veut rien dire à l'époque actuel.

Regardez des massacre à la tronçonneuse et vendredi 13, là c'est carrément trop.
Je ne peux regarder ce genre de film.

Je pense que le terme de "violent" est inexacte ou n'a plus rien à avoir avec ce qu'on a connu avant.

De même que l'imagination beaucoup développé qu'il y avait…

Ca fait longtemps que je me suis arrêter de me fier "aux mots à l'heure d'aujourd'hui" et aux trailers bien entendu…

On essaye d'impressionner mais on arrive pas comme avant…

Les gens qui disent le contraire, je vous conseil de vous intéresser aux genre déjà que vous aimez et de voir la différence.

Bien sûr les gens comme moi, ne pourront jamais voir des films en NB mais parcontre des films avec plus de profondeur pout tout, sauf peut-être le visuel (comme les jeux d'avant), voilà…

Noter que combien de films d'aujourd'hui ont été des échecs, des trailers comme Star Wars Resistance se font descendre en quelques jours, des pétitions, et la rage des gens…

C'est bien beau on trouve c'est phrase de marketing voulant *rassurer* mais les faits sont là et les joueurs tout comme les spectateurs ne sont pas tous aveuglés par ce qu'ils lisent et entendent..

La meilleur façon d'avoir un point de vu cohérent, c'est d'avoir connu avant et maintenant et avoir vu "le changement" et de se faire son propre avis bien sûr...

Tamaros
09/09/2018 à 23:23

Pourquoi il n'y a pas de musique, j'ai regardé 2 fois des passages du film, et la musique et là juste pour l'intro et tout le long aucune musique et personne n'en parle d'après ce que j'ai vu.

Est-ce normal ?

Merci pour l'explication d'avance.

Je voulais mettre un 5 mais ça mérite 0 juste parce que le trailer fait un faux semblant de musique, et que ça avait l'air génial…

C'est du délire ce jeton CSRF même quand tu mets pas d'insul**, le jeton bloque quand tu partage ton avis négatif, n'imprte quoi, du coup, j'ai supprimé une partie.

Faut pas s'étonner des notes quand on voit un tel désastre, par rapport au trailer.

Matt
24/07/2018 à 23:15

Certes pas le meilleur Soderbergh. L'utilisation de l'I-Phone est plus gadget ou coup de marketing qu'autre chose.

Certains effets sont (re)devenus trop "Soderberghien" (montage cassé, filtre accentué, cadrage symétrique... entre autre hein !) et certaines ficelles un peu abusées (les flics un long à la détente et le séquestrage de l'héroïne un peu n'imp'... et le dernier acte long de chez long).

par contre Soderbergh reste un sacré dénonciateur. Notamment ceux liés à la santé aux USA.
Déjà bien entamé avec Erin Brockovich, Contagion, Effets Secondaires voire Traffic, il reste , l'un des réals grave engagé contre le système Nord Américain.
Bien qu'il ne soit pas crédité au générique en tant que scénariste, cela ne m'étonnerait pas qu'il ait insufflé un chouïa de sa verve ou son props dans ce film.

Dernière aparté, la fin m'a presque fait penser à Misery de Rob Reiner sur certains points de mise en scène.

Théo
08/07/2018 à 20:00

sûr que le capteur modeste d'un Iphone ne peur rivaliser avec les mega capteur 6/8K des cameras Arri, REd, Sony, etc....des cameras entre 40 et 80 000 $...mais j'ai hâte d'aller le voir pour voir le rendu d'une image Iphone pour voir ce qu'un pro peut tirer d'un petit capteur

Pepe
08/07/2018 à 17:14

Vu l'autre jour, en effet le suspense tient une petite demi heure avant de s'effriter, dommage le pitch annoncé + iphone only + Soderbergh m'attirait bien.

votre commentaire