Terminator : critique Valar Morghulis

Lino Cassinat | 16 juin 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Lino Cassinat | 16 juin 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Film fondateur de la carrière de son réalisateur James Cameron et de son acteur Arnold Schwarzenegger, Terminator est pourtant un objet bien plus étrange et riche que ce que son simple statut d'oeuvre de divertissement culte de la pop-culture ne veux bien en dire. Ce soir à 20h55 sur SyFy.

2029, ANNÉE DIFFICILE

Dans le futur, les machines ont asservi l’humanité et sont sur le point d’achever une victoire totale. Cependant, une dernière poche de résistance menée par John Connor semble impossible à mettre au pas. Les machines prennent donc la décision d’envoyer un robot tueur dans le passé, le Terminator, afin de tuer Sarah Connor, la mère de John, avant que celle-ci ne le mette au monde, pour annuler purement et simplement son existence. Les résistants parviennent à envoyer Kyle Reese dans le passé pour protéger Sarah Connor... mais le Terminator est technologiquement si parfait que toute fuite ne semble que retarder l’inéluctable.

 

photo, Linda Hamilton, Michael BiehnSarah Connor et Kyle Reese

 

Aujourd’hui en 2018, personne ne questionne la légitimité du statut de Terminator dans la pop-culture. D'ailleurs bien peu de spectateurs s’aventureraient également à simplement critiquer la qualité du film, qui, à quelques petites choses près, a prodigieusement très bien passé l’épreuve du temps. Ces petites choses, listons les tout de suite : une scène de sexe un peu datée, un jeu d’acteur parfois un poil approximatif et quelques animations voyantes. Tout cela, on le souligne en sachant parfaitement que ce sont des « défauts » à prendre plutôt comme des éléments qui en fait renforcent le charme de Terminator et ne nous sortent du film que parce qu’elles nous font sourire avec bienveillance.

Cependant, s’il n’est évidemment pas question d’aborder en quoi Terminator remplit le cahier des charges du divertissement plus que bien ficelé tant tout a été dit sur la question, il nous apparaît primordial de se pencher sur ce qui fait que Terminator est aussi bien plus que ça : un film très simple mais d’une ambiguïté et d’une profondeur abyssale sur la condition humaine.

 

photo, Arnold SchwarzeneggerNon vraiment, il faut vous le présenter ?



SOUVIENS-TOI QUE TU VAS MOURIR

Simple mais pas simpliste. Ce qui étonne le plus au revisionnage du film, c’est son épure, qui le rapproche d’une certaine forme d’abstraction : peu de dialogues, un scénario mécanique et des personnages efficaces mais somme toute vraiment pas révolutionnaire. Mais ce qui rend le film de James Cameron fascinant, c’est le Terminator. Pas seulement parce que c’est un sommet de badass-erie ultra-cool, mais bien par le concept qu’il représente.

Fruit des fantasmes contradictoires des années Reagan, le Terminator est à la fois un fantasme presque érotique de perfection corporelle (il suffit de voir les « naissances » opposées de Kyle Reese et du Terminator, où les nudités sont filmées de façon radicalement différentes) et l’expression d’une crainte technophobe qui envisage la machine comme le remplaçant génocidaire de l’homme.

Plus on le craint, et plus il se rend désirable. Plus il est dévastateur à l’écran et plus on veut le voir revenir, car il nous fait apercevoir et désirer ce que l’homme pourrait être une fois débarrassé de la malédiction du corps. Là est l’ambiguïté : nous sommes du côté des humains, mais ne rêvons que d’une chose, passer du côté des machines auquel le film nous compare sans arrêt, pour se transcender et s’extraire de la condition de mortel.

 

photoPetit trauma corporel

 

Le Terminator est le surgissement de peurs enfouies pour une simple et bonne raison : il est le rappel constant que l’humain est mortel, que nous, spectateurs, sommes mortels par nature, contrairement à la machine, potentiellement immortelle et toute-puissante. Le futur que la machine annonce, c’est littéralement dans le film la mort de toute l’humanité. La mort est le seul horizon final de l’Homme à l’échelle globale, mais aussi de l’homme à l’échelle individuelle. La quête de Kyle Reese et de Sarah Connor n’est au fond, que la quête la plus évidente de tous les êtres humains : survivre un jour de plus en échappant à la mort, qui les poursuit inlassablement et qu'on ne peut que retarder. Une mort qui, ici, s'est drappée des oripeaux honteux des mortels pour appliquer son funeste programme et rappeler à chaque apparition que tous les hommes meurent.

C’est peut-être un simple memento mori (ou un valar morghulis si vous n’aimez pas le latin) de plus, mais il est terrassant par sa simplicité et sa limpidité, et trouve ici une de ses expressions les plus parfaites, notamment au détour de deux scènes époustouflantes. La plus évidente est celle du commissariat, qu’il n’y pas vraiment besoin d’expliciter tant elle est explosive dans sa manière de souligner la finitude des hommes, obligés de fuir face à la machine immortelle.

 

PhotoLe Tech-Noir

 

La seconde, beaucoup plus mystérieuse, est la scène de réparation du Terminator. Probablement la plus belle scène du film d’un point de vue plastique (qui ne manque pourtant pas de très beaux moments, on pense au Tech-Noir ou à l’autoroute). Elle rappelle brillamment certaines oeuvres plastiques anatomiques (on vous conseille par exemple Les Leçons d’Anatomie de Rembrandt). Mais surtout, elle expose l’expression d’une idée de la perfection comme René Descartes l’envisageait : un corps-horloge composé de pistons mécaniques et animé non pas par les sentiments ou les passions, mais par la volonté, la logique et la raison. En somme, le dernier stade de l'(in)humanité : un programme.

 

Photo Terminator

Résumé

Il y aurait encore tant de choses à dire en détail sur Terminator tant le film est riche et passionnant, mais le plus beau compliment qu'on puisse lui faire est probablement celui-ci : réfléchir sur Terminator est plaisant et épanouissant, mais le revoir l'est encore plus.

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Lecteurs

(4.7)

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commentaires
Sanchez
11/12/2022 à 20:33

A noter que la scène où le terminator se charcute a été reprise dans no country for old men où Javier Barden se fait de l’auto médication

Tito
18/06/2018 à 12:20

Le Terminator est une œuvre unique
Le T2 est la vraie fin de la saga
Ce n'était pas utile d'ajouter d'autres épisodes. Toutes les suites ont fini par gâcher les 2 chefsd'oeuvres de James Cameron

focusab84@gmail.com
16/06/2018 à 23:56

Ahh ok

Gégéleroutier
16/06/2018 à 20:45

Skynet envoie son Terminator dans le passé parce que les humains sont en train de gagner la guerre, ils ne la perdent pas.

Baneath88
16/06/2018 à 20:04

Une référence intemporelle. Sombre, sale et sèche, cette première incursion du Terminator est également ma préférée (bien que j'adore le deuxième). Déjà parce qu'elle fait de son économie une puissance inestimable. Elle permet à Schwarzie de glacer le sang, à Michael Biehn de transfigurer la notion de héros tragique et à Linda Hamilton de poser les germes d'une Sarah Connor incontournable.

supermonty
16/06/2018 à 19:17

L'autre idée de génie, c'est d'avoir donné au Terminator un look de punk !

Mx
16/06/2018 à 18:33

Plus les années passent, et plus je le trouve bon, supérieur à t2 par son coté sombre, de laction oui mais pas que sa, finalement, et il y a ce coté rèche dans la violence, ce coté hard-boiled que n'a pas t2...

Flash
16/06/2018 à 17:58

Et vous n'avez pas mis 6 étoiles à ce chef d'oeuvre de série B !

west666
16/06/2018 à 17:54

rien a dire de plus que dutch il a lu dans mes pensés c'est le meilleur volet de la saga sombre violent a fond bad t800 top classe je m'en lasse jamais depuis mome largement mieux que t2 trop commercial déja a mon gout et en déca musicalement

Cytral
16/06/2018 à 16:21

Un film qui a marqué mon enfance, la VHS a du tourner une bonne centaine de fois dans le magnétoscope, je ne pouvais m'empêcher de le voir et le revoir sans cesse.

Froid, sombre, implacable. Tout simplement un chef d'oeuvre intemporel.

Le 2 est pour moi, dans un style un peu différent, LE film d'action des années 90.

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