Phantom Thread : critique sur-mesure
Paul Thomas Anderson et Daniel Day-Lewis avaient fait des merveilles en 2008 avec l'excellent There Will Be Blood. Dix ans plus tard, les deux hommes refont équipe dans un long-métrage sur l'amour, la création, l'inspiration... Auréolé de six nominations aux Oscars dont meilleur film, réalisateur et acteur, Phantom Thread est sans doute, déjà, une des œuvres les plus marquantes de l'année.
CONTE ET BLESSURES
Dès ses premières minutes, il y a comme une évidence. Une musique ténébreuse, un crépitement enflammé puis l’apparition, par un travelling arrière apaisant, d’une jeune femme au coin du feu sous une lumière chaleureuse. Elle se confie à un homme (dont l’identité est encore inconnue) sur Reynolds Woodcock, l’homme le plus exigeant du monde, celui qui a réalisé ses rêves les plus fous.
Le mouvement de l’appareil s’estompe et laisse alors place au fameux Reynolds Woodcock. Dans un montage dynamique, accompagné par une musique enjouée et méticuleuse à l’image des gestes appliqués de l’artiste, l’histoire de sa légende débute enfin. Indéniablement, Phantom Thread a des airs de contes et sur bien des aspects, il en est un.
Une robe de princesse pour Alma
En effet, nombre d’éléments de Phantom Thread rappellent les contes de fées. Cette sorte de prince mi-charmant mi-ogre, riche et élégant, à la recherche du grand amour introuvable, qui va finalement faire face à l'arrivée de cette jeune princesse, origine de son grand bouleversement quotidien, tout en affrontant le regard impitoyable de sa sœur (impériale Lesley Manville, nommée à l'Oscar du meilleur second rôle). Un conte émaillé d'autres composantes inévitables du genre : les illustres robes de soirée, les bals dansants ou encore le poison.
Paul Thomas Anderson l’a d’ailleurs avoué, les contes ont été une grande source d'inspiration pour sa première œuvre européenne. Ainsi, il s’est beaucoup inspiré des écrits de Beatrix Potter et notamment de son petit récit Le tailleur de Gloucester (tout un symbole).
THERE WILL BE LOVE
Cependant, pour son huitième long-métrage, le réalisateur de Boogie Nights et Magnolia ne livre pas un simple conte ordinaire. Phantom Thread est bien plus que cela. C'est une réflexion aux multiples sous-textes, aux réflexions percutantes et aux thématiques infinies. Dans sa lecture la plus basique, l'oeuvre de PTA parle d'amour, de désir et de relation passionnelle. Il rappelle les plus grands Hitchcock, en tête desquels son Rebecca, avec sa profonde noirceur et cette relation enragée presque fanatique.
Cet amour tumultueux et conflictuel, Paul Thomas Anderson le porte à son paroxysme dans une séquence finale vénéneuse et d'une puissance folle. Sublimée par la partition envoûtante et vigoureuse de Jonny Greenwood (fidèle du réalisateur depuis There Will Be Blood), la relation de dominant-dominé trouve sa conclusion à travers des jeux de regards intenses et troublants entre les deux personnages, et le spectateur finit éreinté devant une telle virtuosité formelle.
Les accès d'humeur d'Alma sont jouissifs
Mais en creux de cette réflexion amoureuse, Phantom Thread se questionne également et avant tout sur l'inspiration et la création artistique. À travers le personnage d'Alma (l'impressionnante Vicky Krieps) et celui de Reynolds Woodcock (Daniel Day-Lewis, d'une élégance folle), il continue à développer le prisme de dominant-dominé dans le processus créatif.
L'examen de l'inspiration artistique et de son origine dans la relation perverse d'un créateur et sa muse représente le cœur du film. Ainsi l'artiste est-il lui seul le maitre de sa propre inspiration en choisissant ses muses ? La muse domine-t-elle le processus de création en donnant ce qu'elle veut offrir à son artiste ?
Vicky Krieps et Daniel Day-Lewis
THE DRESSMASTER
À l'image du reste de la filmographie de Paul Thomas Anderson, Phantom Thread est donc un gouffre aux idées, réflexions et thématiques captivantes, possédant des niveaux de lecture inépuisables. Cependant, lorsque l'on regarde de plus près, il parait bien évident que Paul Thomas Anderson s'autoportraitise dans Phantom Thread. S’il a expliqué à de nombreuses reprises s’être inspiré du couturier espagnol Cristobal Balenciaga pour imaginer Reynolds Woodcock, le personnage central du récit rappelle surtout Paul Thomas Anderson lui-même.
Le couturier Woodcock est un être obsédé par sa création, un génie indépendant, un perfectionniste de tous les instants qui veut absolument tout maitriser de son œuvre. Paul Thomas Anderson est un chantre du cinéma indépendant, un metteur en scène soigneux attentif aux moindres détails et maitre absolu de son œuvre (en plus d’être réalisateur sur Phantom Thread il est producteur, chef opérateur et scénariste). Le travail d'orfèvre de la haute-couture est un miroir du cinéma méticuleux, précis, pointilleux, délicat de PTA, de Punch-Drunk Love à Inherent Vice.
Daniel Day-Lewis et Paul Thomas Anderson, duo de génie
De plus, le questionnement sur le processus de création possède un autre niveau de lecture à travers l'image même de Daniel Day-Lewis. L'acteur britannique campe ici son dernier rôle et Paul Thomas Anderson lui offre une partition ultra symbolique pour tirer sa révérence : un perfectionniste reclus sur lui-même dans sa bulle, avec ses habitudes très personnelles pour trouver l'inspiration.
Le cinéaste filme, sublime et magnifie ainsi chaque geste, parole, sourire ou pleurs de son interprète principal pour lui servir un rôle à la mesure de son talent. En résulte une multiplicité des émotions face à ce personnage filmé à merveille et incarné à la perfection. Ainsi, quand on voit en Phantom Thread une mise en abyme des deux hommes, il y a le sentiment d'une fin inéluctable profondément dépressive à certains moments, mais aussi un grand soulagement. Celui d'avoir pu connaître pareille maestria à l'écran.
Lecteurs
(4.3)17/10/2021 à 17:35
Le film qui vous fait regarder les omelettes aux champignons d’un autre œil
17/10/2021 à 15:43
Beaucoup de mal à comprendre l'engouement de certains.
Le film est glacial.
Qui peut sérieusement croire à la rencontre des deux?
Et encore plus à l'évolution de leur rapport qui sont parfois absurdes (no sex).
C'est d'une platitude rare et très très long
Comment ne pas voir que le real donne vraiment le sentiment de se regarder filmer.
17/10/2021 à 15:27
Fake news! Faites-vous pas avoir.
17/10/2021 à 14:37
Son ciné est une immense imposture. Vu quelques films du réal et c'était vraiment catastrophique et d'une froideur prétentieuse. Vais quand-même mater celui-là pour me faire une idée mais pas convaincu du tout.
06/07/2021 à 22:35
Exceptionnel
01/09/2018 à 15:19
Hello
01/03/2018 à 12:39
Ce film est un chef d'oeuvre il sort déjà en blu ray en import aux states precommande obligatoire
25/02/2018 à 14:10
Pas mon préféré de PTA (boogie nights indétrônable) surement à cause du score que j'ai trouvé trop insistant sinon une oeuvre d'une très grande qualité. L'interprétation de gary oldman m'a bcp plus impressionné que celle de DDL.
21/02/2018 à 09:49
Magnifique, à la hauteur de mes espérances, si élevées furent-elles. J'ai admiré un film classique dans la forme mais que j'ai trouvé résolument moderne. Un homme enfermé dans ses habitudes et notamment dans son rapport aux femmes, très patriarchal et bousculé par cette jeune femme libre qui ose se l'approprier et même l'apprivoiser en douceur si je puis dire, ce que la soeur, si forte soit-elle n'a pas osé faire. Une narration inattendue, une résolution qui prend nos convictions et habitudes de spectateurs par surprise, induite par l'amour enfin assumé de Woodcock pour Alma. La maetria et l'oeil de PTA font la démonstration qu'on peut mettre à genoux les 3/4 de la production filmique avec une histoire d'amour entre un tailleur et de serveuse, suffit d'avoir du talent et de l'ambition.
18/02/2018 à 19:05
Encore un chef d’œuvre pour PTA et merci pour le cinéma d'art et essai du coin qui l'a programmé en VOST parce qu'il était projeté nulle part ailleurs alors que jusqu'ici les grosses salles programmaient ses films récents.