Devilman Crybaby : Critique diabolique

Christophe Foltzer | 3 mars 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Christophe Foltzer | 3 mars 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Ceux qui ne connaissent de Go Nagai que Goldorak et Mazinger Z risquent d'avoir une énorme surprise en découvrant l'autre personnage emblématique de son oeuvre, Devilman. Et il n'est pas dit qu'ils soient prêts à le supporter.

Si chez nous Go Nagai est principalement connu pour Goldorak, cette dernière oeuvre n'est que l'arbre qui cache la forêt puisqu'on se doute bien qu'en 50 ans de carrière, le mangaka a pondu un paquet d'histoires, dont certaines sont devenues bien plus cultes que celles relatives au robot géant. Pour bien comprendre ce dont on va parler ici, il faut replonger en arrière et se rendre compte que Go Nagai, loin des stéréotypes, n'est pas un auteur docile qui fait dans la demi-mesure. C'est d'ailleurs à lui que l'on doit la naissance du manga érotique moderne de style "ecchi" avec la création à la fin des années 60 de L'Ecole Impudique.

Comme tout artiste de la génération Hiroshima, Nagai sait mieux que personne les ravages que font la guerre et la folie des hommes et lorsqu'il crée Devilman en 1972, il entend bien dénoncer tout ça avec l'énergie du désespoir. 45 ans plus tard, Devilman Crybaby arrive sur Netflix sous la forme d'une toute nouvelle série de 10 épisodes et on comprend tout de suite que son discours initial n'a pas bougé d'un iota. En plus d'être plus que jamais d'actualité.

 

Photo DevilmanMiki, Miko et Akira Fudo (avant qu'il ne fasse connaissance avec Amon)

 

RAT DEVIL, RAT DECHANTE

Nous suivons donc les aventures d'Akira Fudo, un adolescent un peu chouineur, très doux et complètement naïf, qui vit chez Miki, une amie de ses parents partis en voyage et qui se trouve être une star de l'athlétisme. Un jour, alors qu'il la défend contre des loubards, son ami d'enfance Ryo apparait et lui demande de le suivre. Revenant des Etats-Unis, il lui apprend que les démons existent et qu'ils ne sont visibles à l'homme que lorsqu'ils s'incarnent dans un être humain.

Des gens organisent des sabbats pour les invoquer et Ryo veut faire éclater l'affaire aux yeux de tous pour que l'humanité comprenne la menace. Accompagné par Akira, il se rend dans une fête underground et là, l'impensable arrive, les démons prennent possession des humains, la soirée vire au carnage et Akira est possédé par Amon, le plus puissant des agents de l'enfer. Mais son grand coeur lui permet de contrôler l'entité et il devient donc Devilman, mi-homme, mi-démon qui, en compagnie de Ryo va combattre ce nouvel ennemi impitoyable.

 

Photo DevilmanAkira Fudo après sa rencontre avec Amon

 

Nous n'en dirons pas plus pour que les néophytes se prennent la série en plein visage mais les connaisseurs du manga original comprendront tout de suite quand nous prévenons d'emblée que cet animé n'est pas à mettre entre toutes les mains. En effet, et c'est un coup de chapeau à tirer à Netflix pour avoir osé un truc pareil, surtout en ce moment alors que nous observons un retour en arrière idéologique des plus inquiétants (couplé au retour de la censure dans ce qu'elle a de plus bondieusarde) tout ce que l'humanité contient de plus sombre en elle nous est exposé sans détours. La série est gore, nihiliste, sexuelle, dramatique, terrifiante, choquante et... hypnotique. Rien ne nous est épargné dans ce festival d'exactions, de viols, de morts impressionnantes et de pulsions non maitrisées.

 

Photo DevilmanUne série à ne pas mettre entre toutes les mains donc

 

GO TO HELL, YOU MORTALS

Evidemment, rien de tout ceci n'est gratuit et enrichit le propos initial de l'auteur qui s'est accomodé au monde d'aujourd'hui pour renforcer son terrible message : l'humanité court à sa perte si elle continue sur sa lancée et, si nous ne faisons rien, nous n'aurons même plus nos yeux pour pleurer. Sans trop en dire, précisons que la grande force de la série est justement d'avoir totalement compris son époque avec un matériau de base datant de plus de 40 ans, ce qui en dit long sur la non-évolution de la société depuis la Seconde Guerre mondiale.

Gangrénée par ses propres frustrations, l'humanité a déjà baissé les bras sans même s'en apercevoir, laissant libre court à ses pulsions morbides et ses frustrations via les réseaux sociaux et le rapport libéral aux autres. La jeunesse, submergée d'images est totalement désensibilisée vis-à-vis des horreurs du monde et ce rapport pervers à l'obscurité tend à la normaliser dans les générations futures. Il est d'ailleurs intéressant de voir que Devilman Crybaby n'assène pas son discours avec une morale lourde.

Si la dimension christique du récit est bien présente, elle n'en est qu'un élément de compréhension fédérateur. Une opposition purement factice entre le Bien et le Mal puisque même dans la famille la plus pieuse, un gamin de 8 ans passe son temps à pirater l'ordinateur pour avoir sa dose de frissons. Et Devilman, par son existence-même, nous rappelle que la vérité se situe peut-être toujours dans les zones de gris, là où lumières et ténèbres se rencontrent.

 

Photo DevilmanUn travail sur les déformations et les expressions assez fantastique

 

Si la série est volontairement provocatrice et extrêmement drôle dans sa première moitié, elle bascule dans l'horreur absolue en un clin d'oeil, éliminant tout espoir et se permettant une folie que seul le mother ! d'Aronofsky nous a offert ces derniers temps. D'ailleurs, on pourrait tirer énormément de parallèles entre les deux oeuvres tant elles ont des choses en commun.

Après, Devilman Crybaby ne plaira pas à tout le monde. Par son parti-pris esthétique déjà, très épuré qui risquera d'en rebuter certains. Mélange entre la célèbre ligne claire et le style de Mamoru Hosoda (Ame & Yuki, les enfants loups), la série expose un trait faussement simpliste, une animation la plupart du temps rigide, mais c'est totalement voulu. Si dans l'esthétique nous sommes face à quelque chose de basique, du moins en apparence, cela permet à la série un énorme travail sur le mouvement et les déformations physiques, comme autant de moyens d'expressions des sentiments contradictoires de tous ses personnages. Car le centre de l'histoire, c'est bel et bien le coeur, l'émotion, les sentiments, l'amour. Toutes ces belles choses que l'homme prend un malin plaisir à pervertir soit pour l'utiliser à des fins personnelles, soit parce qu'il n'arrive pas à assumer cette dimension et que cela le terrorise.

Si ce choix esthétique demandera une certaine adaptation pour quelques spectateurs, il est finalement totalement logique et renforce encore plus l'énorme tragédie qui se déroule sous nos yeux. On pense notamment à ce putain d'épisode 8, terrassant de tristesse, tellement maitrisé qu'il arrache quelques larmes, que seul un épisode 9 doté d'une séquence un peu ridicule viendra temporiser, avant de nous asséner un gros uppercut dans la mâchoire.

 

Photo DevilmanDevilman se réveille et ça va saigner 

Résumé

Belle, terrifiante, intraitable, extrême et très, très intelligente, Devilman Crybaby est une l'une des plus grosses surprises de ces dernières années. Un chef-d'oeuvre de sensibilité et de noirceur à réserver cependant à un public très averti (et on ne plaisante pas). Merci Netflix et Go Nagai pour ce très beau cadeau qui en dit long sur la merde dans laquelle on se trouve.

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Lecteurs

(3.8)

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commentaires
Giorno Giovanna
17/07/2021 à 05:05

Go Nagai est un bon scénariste, ça c'est une certitude, mais le dessin gâche tout, c'est tellement basique que je ne peux pas, quand vous sortez d'un kengan ou d'un gambling school et que vous tombez sur du crayonné aussi basique c'est juste pas possible.

mayli
20/08/2020 à 07:10

Je ne donne jamais, mon avis sur un anime, mais la j'était obliger. J'ai pu voir autant de critique negatif que positif par rapport a cette anime. Si vous n'avez pas aimés cette anime à mon avis c'est que vous ne l'avez pas compris. Le créateur est un pur génie. Les graphismes vont super bien avec l'ambiance, l'histoire est incroyable tout comme les personnages. Cette fin à était vraiment touchantes. Pour moi la "moral" de l'histoire c'est que la pire punition que l'on puissent donner a un satan/demon c'est la solitude. En tout cas cette anime passe sans aucune hésitation dans mes top 10 c'est un chef d'oeuvre.

Koukou
31/03/2020 à 17:37

Il y aura une deuxième saison?

Veritas
13/07/2018 à 05:55

Go Nagai ? Sérieusement, tout est le fruit du génial Yuasa, Devilman est différent de Devilman Crybaby. Yuasa a totalement réinterprété dans une adaptation libre qu'il a écrite et mise en scène. Yuasa est le génie.

Max
06/04/2018 à 22:53

Une simplicité des graphisme qui rend super bien avec se côté sombre et pervers, un scénario a s'en bouffer les doigts tellement c'est incroyable et des personnages à l'histoire tragique qui vous laisse sur le cul. Bref un chef d'oeuvre ♡♡

Fred Boyer
14/03/2018 à 16:57

@Ben
@CooperPeaks
c'est pour vous,les gars :
https://www.youtube.com/watch?v=bnYXl-Bahis

Fred Boyer
14/03/2018 à 15:23

@CooperPeaks,je vous donnerais la même réponse que j'ai faite a @Ben ,je vous répondrez ,Dommage que vous soyez aussi con ,cette série est un met trop raffiné pour vos papilles,je vous conseiller d'aller sur la chaîne Gulli et de visionner 3 ou 4 Oui-Oui ,a mon avis ,c'est a la portée de votre insignifiant Q.I

Fred Boyer
14/03/2018 à 13:28

@Ben ,je vous répondrez ,Dommage que vous soyez aussi con ,cette série est un met trop raffiné pour vos papilles,je vous conseiller d'aller sur la chaîne Gulli et de visionner 3 ou 4 Oui-Oui ,a mon avis ,c'est a la portée de votre insignifiant Q.I

Ben
10/03/2018 à 21:17

J'ai du mal à être bienveillant avec une œuvre aussi dégueulasse visuellement. Ce n'est pas seulement moche, c'est carrément à se crever les yeux tellement c'est dessiné avec le cul. Dommage.

Débilman
05/03/2018 à 13:42

Bravo pour cette superbe critique mais...pas une seule mention du génial réalisateur, Masaaki Yuasa, qui est pourtant loin d'être anonyme et pas à son premier coup d'éclat (Mind Game, Tatami Galaxy, Ping Pong, ...) ! C'est carrément Mamoru Hosoda (HS ?) qui est évoqué alors que la DA et l'animation portent sans concession la patte bien tranchée de Yuasa.

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