Godzilla Resurgence : Critique Monstre
Godzilla est plus qu'un film culte au Japon, c'est une véritable institution, un trésor national. Et après quelques variations américaines, il était temps que le lézard géant remette le bordel dans son pays d'origine.
Il va être bien difficile de parler de ce Godzilla Resurgence tant le film est passionnant et révoltant en même temps. Vous allez vite comprendre. Après un premier essai américain complètement foiré en 1997, le lézard géant semble enfin avoir trouvé la bonne formule avec le Godzilla de Gareth Edwards en 2014, qui annonçait un univers étendu. La suite est actuellement en préparation sous l'oeil avisé de Michael Dougherty tandis que sa rencontre attendue avec King Kong surviendra en 2020. Comme, en parallèle, le film animé Godzilla : Planet of the Monsters sortira au Japon à la mi-novembre, oui, on peut dire sans trop risquer de se tromper que Godzilla a rarement été aussi en forme.
UNE ECAILLE DANS LE POTAGE
Pourtant, ce Godzilla Resurgence pose un sacré problème. Pas tant au niveau de son intention puisqu'il reboote en quelque sorte l'héritage japonais du personnage et refait du lézard un menace plutôt qu'un défenseur de l'humanité. Pas non plus au niveau de la légitimité des producteurs de refaire un film détaché de toute continuité, ils en sont les créateurs, ils font donc ce qu'ils veulent. Non, c'est bel et bien dans le fond du film et le message qu'il délivre que Godzilla Resurgence nous pose un gros souci.
Ceci dit, tout commence plutôt bien. L'ouverture d'une brèche dans la baie de Tokyo sème la panique et tout le monde pense qu'il s'agit d'un volcan sous-marin qui vient de se réveiller. Rapidement, l'hypothèse s'avère bancale et tandis que le gouvernement cherche à gérer la situation, le directeur de cabinet Rando Yaguchi n'écarte pas la possibilité d'une créature géante. D'abord moqueurs, les autres seront bien obligés d'accepter qu'il avait raison lorsqu'un monstre attaque la ville. Monstre qui disparait aussitôt pour revenir plus tard en ayant évolué.
Première surprise, et elle est de taille : le film nous montre le cycle de vie de Godzilla, son évolution, passant d'un être amphibie d'une taille moindre au grand lézard géant que nous connaissons. Si nous passons sur les effets spéciaux foireux, mal animés et mal intégrés aux prises de vue réelles, c'est parce que justement cela nous rappelle les vieux Godzilla avec leur côté carton-pâte, que c'est fort sympathique et qu'on peut se dire que c'est fait exprès. On comprend rapidement que le film sera moins un film sur le monstre que sur la gestion de la crise par le gouvernement japonais.
De ce point de vue, Resurgence est très intéressant parce qu'il nous donne l'impression de voir un épisode de House of Cards avec un gros lézard au milieu. Comment les différents services s'accordent-ils pour contrer la menace ? Quelles sont les tensions nationales et internationales qui entrent en compte dans une telle crise ? Faut-il préserver l'intérêt général en tirant dans le tas ou essayer de sauver le maximum de personnes ? Des questionnements passionnants et très actuels qui reflètent bien la dimension symbolique de Godzilla, à l'origine métaphore de la bombe atomique mais que l'on sent ici évidemment relié aux problématiques environnementales et à la catastrophe de Fukushima en particulier.
TRAVAIL, FAMILLE, PATRIE
Bref, pendant sa première moitié, le film se tient, il intéresse et sème quelques pistes passionnantes quand, tout d'un coup, il décide de nous montrer son vrai visage. Et là, nous découvrons qu'au lieu de voir un film de monstre à portée philosophique et humaniste, Godzilla Resurgence n'est en fait qu'un prétexte pour la glorification du pouvoir en place. Il ne s'en cache même pas le bougre. Le peuple est donc relégué à une masse anonyme et déresponsabilisée, destinée à s'en prendre plein la gueule, tandis que le gouvernement, à la base divisé, se réunit autour de l'intérêt national dans une telle ferveur et un tel sens du sacrifice qu'on a l'impression de voir le Godzilla pirate tourné par les Nord-Coréens en 1985 (cherchez Pulgasari sur Google, c'est quelque chose).
Ainsi nous assistons ,effarés, à une démonstration de tout l'arsenal militaire du Japon dans des plans tellement suggestifs qu'ils éliminent tout second degré possible (avec mention du modèle des armes utilisées), tandis qu'en parallèle, nos "héros" déplorent le manque d'autonomie du pays depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l'absence d'une vraie armée qui règlerait le problème en 5 minutes, la nostalgie d'un Japon à l'ancienne et presque féodal, ce qui serait la solution pour qu'il soit maitre de son destin, la nécessité pour le pays qu'il retrouve sa gloire d'antan (rappelée de nombreuses fois), la triste réalité que le Japon actuel est dans un sale état parce qu'il a fait trop de concessions vis-à-vis de la communauté internationale, le danger que représentent les Etats-Unis pour l'avenir du pays (via notamment un personnage de politique américano-japonaise qui veut devenir Présidente des USA et qui retourne sa veste comme elle se sèche les cheveux). Et, tant qu'à faire, renouons avec les vieilles amitiés allemandes, parce que là au moins c'était efficace, et on était en confiance. On s'arrête là, on va vomir.
On hallucine un peu face à un tel spectacle puant idéologiquement et on a toujours du mal à croire qu'il puisse provenir notamment d'Hideaki Anno, célèbre pour son extraordinaire série Evangelion. Fort logiquement, le film devient un pamphlet politique réactionnaire plus que nauséabond et il ne peut même pas compter sur sa facture technique pour nous faire passer la pilule. En effet, le film est laid, très laid. Usant et abusant de plans rapprochés face caméra, il ressemble à un téléfilm France 3 Limousin qui aurait eu la mauvaise idée d'y ajouter des effets spéciaux au rabais. En termes de rythme, il n'y a rien à se mettre sous la dent, le film étant d'un ennui profond passé sa mise en place plutôt convaincante. Godzilla n'est pas là souvent et hormis deux trois scènes de destruction tirées d'une démo PlayStation 2, il passe le plus clair de son temps à dormir en plein centre-ville, en attendant patiemment qu'on vienne lui exploser la gueule. Non, il n'y a pas grand chose à sauver dans ce Godzilla Resurgence qui nous laisse en plus un drôle de goût en bouche une fois terminé.
Lecteurs
(3.3)30/12/2020 à 23:13
Il n’est pas donné à tout le monde
de pouvoir capter la puissance immense du film SHIN GODZILLA ...
À bon entendeur
02/08/2019 à 15:27
L'analyse est tellement à côté de la plaque, je n'ai rien d'autre à dire
24/06/2019 à 01:37
Ayant enfin pu voir le film, et étant ensuite tombé sur votre critique, je peux vous dire que cette dernière me surprend quelque peu...
Passons sur les parti-pris esthétiques du film, que j'ai pour ma part apprécié. Mais bon, je conçoit tout à fait que ça puisse déplaire.
Non, ce qui me surprend, c'est ce procès d'intention fait au film quant à un prétendu "message nationaliste et réactionnaire", si j'ai bien compris.
Alors, certes, le film aborde, entre autres choses, la question de l'autonomie militaire du japon et de sa relation avec les USA, mais il n'y a pas vraiment de prise de position claire à ce sujet, et les décisions prises sont assez logiques au vu des événements du film.
Je me demande donc un peu où vous avez bien pu y voir des regrets appuyés pour le retour à un japon d'avant la seconde guerre mondiale...
Quant à l'accusation d'une vision pro-militariste simplement à cause de la façon dont Hideaki Anno filme les forces de défenses en action... Déjà, c'est bien méconnaître le travail du réalisateur, puisqu'il faisait également ce genre de plans dans Evangelion sans qu'on lui fasse ce genre de reproches. Mais surtout, c'est complètement évacuer la façon dont est réglé la question de Godzilla en fin de film, tant la solution trouvée est tout sauf une solution pro-militariste classique.
Mais là où je trouve que vous faites réellement preuve de mauvaise foi, c'est sur la mention de l'aide de l’Allemagne, comme venant confirmer cette grille de lecture faussée que vous collez sur le film. En effet, non seulement cette séquence est complètement marginale, mais surtout, vous oubliez de mentionner que le Japon demande également par la suite l'aide de la France, avec une conséquence beaucoup plus importante sur l'histoire ! Que faut-il en déduire alors ?
Bref, j'ai un peu l'impression de revoir le genre d'analyse faite sur Goldorak dans les années 70-80, qui cherchait absolument à y déceler un message fasciste à cause de sa provenance japonaise... Dommage...
28/05/2019 à 13:11
Vous y allez fort idéologiquement mais bon pourquoi pas...
Sur le plan visuel, j'ai trouvé ce film magnifique, toutes les apparitions de Godzilla m'ont impressionné. Je trouvais le design de la dernière version américaine plaisant mais je préfère le côté agressif de celui-ci. Quelle présence !
14/01/2019 à 16:17
Une étoile ? Ce n'est pas un peu exagéré ? Ce film est très intéressant, il relève les problèmes politiques du Japon face à de nombreux problèmes (nucléaire, sécurité, armée etc...) et les quelques tensions avec les USA, malgré qu'ils soient alliés et s'aident mutuellement. Ca dénonce aussi la tendance des Etats-uniens à fourrer leur nez partout...
Il relève aussi le Japon face au risque nucléaire et la catastrophe de Fukushima. C'est aussi un miroir du premier film Godzilla, sorti en 1954 et les effets spéciaux (très bien réussis, un des premiers films Godzilla à utiliser les méthodes CGI mais les trucs américains c'est mieux apparemment) et bruitages proviennent du "vieux" film pour rappeler l'ambiance de celui-ci.
Bref, ce film a super bien marché au Japon, Godzilla est une allégorie du nucléaire et de sa contestation. il faut connaître l'histoire du Japon, ainsi que sa culture, pour comprendre ce film, que j'ai trouvé mieux que l'adaptation américaine de 2014, où tout est centralisé sur les "héros" (film américain quoi).
Shin Godzilla est un très bon film, le monstre est mis au centre et le gouvernement essaie de se dépatouiller avec. Les personnages sont neutres, il n'y a pas de héros. Le réalisateur dénonce l'incapacité du gouvernement japonais à prendre des décisions et ça renvoie à Fukushima.
Je conseille vivement ce film, dommage qu'il n'est pas sorti en France (seulement à Paris dans une salle, pour un festival), il vaut vraiment le coup et peut intéresser les curieux ou fans de kaiju-eiga. Je doute qu'il sort, car il dénonce le nucléaire et en France, le lobby nucléaire est très puissant...
29/12/2018 à 00:39
En lisant cette critique, deux points ressortent:
1. L’amateurisme de celui qui a rédigé, n'ayant aucune information sur la culture du pays ayant produit le film et n'ayant probablement pas vu l'intégralité de la (longue) liste des films Godzilla.
2. Le parti-pris au niveau politique est indéniable mais avec les faits énoncés au premier point, ce n'est pas étonnant.
Pour ma part, j'ai trouvé que c'était un film correct, qui a su jongler entre la signature des films d’antan et la modernité, qui, en soit, est déjà un gros travail, tant les derniers Godzilla étaient ratés et servaient simplement à nourrir les fans. Je ne parlerai même pas des productions américaines. Il peut facilement faire partie du Top 5 de la série.
08/08/2018 à 17:14
Oui c'est un point de vue subjectif, un avis personnel qui n'engage que son auteur etc... D'accord. Mais qu'on on tape "Godzilla Resurgence" sur google, le 1 étoile sur 5 (avec son "raté et bancale") saute aux yeux et ça pèse son poids. C'est tout.
27/10/2017 à 14:40
Marrant cette critique au bulldozer.
Ca aurait été n'importe qui d'autre que Anno, j'aurais surement pensé la même chose mais le bougre a suffisamment fait ses preuves dans la pratique du double discours pour que je sois persuadé que le film est à prendre au quarantième degré, suffit de voir les errements bureaucratiques et la galerie de vieux dépassés quand le monstre apparaît pour le voir non?
Quand bien même ce serait du premier degré, faut vraiment pas connaitre le Japon pour être surpris de ce genre de discours ultranationaliste. Il serait judicieux de rappeler dans la critique qu'encore aujourd'hui et par sa constitution instaurée/imposée après guerre par les USA, le Japon ne possède pas une véritable armée mais une force de défense limitée, ça peut aider à comprendre les enjeux du milieu du film et ça résonne avec les tensions actuelles dues au gouvernement conservateur de Abe qui souhaite supprimer cette partie de la constitution.
Bref, j'm'attendais pas à une critique aussi rentre dedans mais c'est cool au moins ça fait discuter.
27/10/2017 à 12:52
C'est sympa ces échanges entre le petit peuple et l’aristocratie des critiques.
Ça rappelle que s'il est terriblement difficile de faire un film, même un mauvais, c'est presque aussi compliqué d'en faire la critique. Curieusement, ces critiques sont encore plus enclins à défendre leur prose que les réas à se défendre de ces critiques pourfendeur du mauvais cinéma.
Pour se rappeler que la vie est injuste, je vous invite à lire la critique de Pierre Murat d'Amélie Poulain, ou dernièrement, dans le même ton, de Lalaland.
Au moins, ici, ils se prennent au sérieux en toute décontraction.
27/10/2017 à 11:39
Une synthèse...donc les japonais doivent se soumettre à toutes les menaces (puissances étrangères, monstre...) sans résister et la féodalité pas bien (on se remettra un bon vieux Kurosawa pour se remettre une bonne couche de noblesse Samourai après des bêtises pareilles...). Lorsque les sans-couilles nous dictent leur façon de penser...