Le Web comme outil marketing (ou pas) !

Box-office français du 25 au 31 janvier 2012

Intouchables est, on ne le dira jamais assez, l'arbre qui cache la forêt. Certes, celle-ci peut-être luxuriante et parsemée de séquoias millénaires, mais elle n'en demeure pas moins hostile, voire létale pour une grande partie de la production cinématographique française. On en veut pour preuve cette semaine quatre du BO 2012 qui aura vu « éclore » en son sein pas moins de six films français tous passés à la trappe d'entrée de jeu. Six films, quatre distributeurs (Pathé et UGC ne jouant pas dans la même catégorie) qui de par la manière assez poussiéreuse et passéiste de leur plan de com/marketing où le web n'est utilisé (au mieux) que comme une simple caisse de résonnance à image (extraits du film, bande-annonce...), n'incite vraiment pas ceux qui arpentent la toile d'aller découvrir des œuvres certes exigeantes mais qui recèlent chacune en leur sein bien des qualités qui méritent que l'on s'y attarde.

C'est le cas de La folie Almayer. Distribué sur 22 copies par Shellac, le film a rassemblé 5 012 spectateurs (moyenne par copie : 228). À l'évidence cette société marseillaise qui a acquis avec le temps une belle notoriété de distributeur au catalogue exigeant et passionnant s'est un peu plantée et n'a pas joué son rôle de contre programmation face aux deux cadors de la semaine que sont Sherlock Holmes 2 (qui au passage fait un bien meilleur démarrage avec sensiblement le même nombre de copies que le premier opus) et The Descendants.

Idem même si un tout petit peu mieux pour Les chants de Mandrin que MK2 Diffusion a distribué sur 21 copies pour un résultat de 6 061 spectateurs (m/c : 289).

Idem pour L'oiseau qui distribué sur 42 copies par Les films du Losange ne réunit que 10 781 ornithologues (m/c : 257).

Le pire résultat de la semaine revenant aux Papas du dimanche qui sur 172 copies n'attirent que 43 765 célibataires ou familles recomposées (m/c : 254). Y à pas à dire, en dehors de son credo comédie populaire, Pathé a bien du mal à imposer ses productions.  

Deux films font un peu mieux. Il s'agit de Sport de filles distribué par Le Pacte qui a tout de même bien du mal à réitérer les exploits constatés au tout début de sa création (Valse avec Bachir, Gomorra). Exploité sur 56 copies, le film de Patricia Mazuy enregistre 30 957 fans d'équitation (m/c : 553). Enfin Café de Flore distribué par UGC Distribution attire 47 611 spectateurs sur 106 copies (m/c : 449). On sera très loin à l'arrivée du score de C.R.A.Z.Y (446 678 entrées) et il n'est même pas certain que les 109 466 tickets vendus de Victoria les jeunes années d'une reine soient atteint.

Lors d'une rencontre entre certains distributeurs et la « population internet » qui s'est tenue en début de semaine, Olivier Geslin de chez Diaphana (L'exercice de l'État, Le gamin au vélo, Les neiges du Kilimandjaro...) s'est plaint que peu d'opérations originales voyaient le jour autour de cette catégorie de films. Le web ne servant à ses yeux que les intérêts des films « bankables » issus des majors. C'est à notre sens un raccourci un peu simpliste. Diaphana, tout comme les six distributeurs « à l'honneur » cette semaine, ont pendant longtemps renié ce nouveau média préférant ne rien changer à la façon de « communiquer » sur leurs films. En gros cela marchait très bien avant l'arrivée du web, pourquoi changer ? Il faut donc croire que les mentalités évoluent (un peu) sans que pour autant de concertations et d'échanges au long cours aient lieu. À leur décharge, il est difficile de trier ou tout simplement de prioriser parmi les blogs (comment savoir qui sera le levier idéal pour mon film ?), les sites spécialisés (pas assez puissants, trop francs tireurs, peu de notoriété) ou les portails (qui ne feront rien sans un investissement conséquent). Alors bien souvent on se retranche sur des « valeurs sûres » comme des sites bi-média (entendre par là qui s'adossent sur un autre média bien installé comme la radio ou la presse) pour s'assurer d'un partenaire immédiatement identifiable qui nous ramène donc à cette communication poussiéreuse évoquée plus haut. Il ne faut pas se leurrer, le conte de fée comme celui vécu par Memento pour Une séparation relève plus du miracle et de l'exception qui confirme la règle.

Il ne faut donc pas s'étonner des résultats quelque peu catastrophiques de cette semaine même si pour revenir à Diaphana, il fait figure d'outsider dans cette course à la médiocrité ambiante puisque les succès sont bien souvent au rendez-vous. Il faut dire aussi que les films qu'il propose/produit font preuve d'un souci permanent entre attentes du spectateur et exigences artistiques, soit le gage réel d'une qualité prégnante que saura toujours reconnaître un public fidèle bien que vieillissant.


Ps : à noter que le nouvel arbre venant cacher la forêt appelé La vérité si je mens 3 a réalisé 5 059 entrées dans les 26 salles parisiennes où le film est programmé sur la première séance de 14h. On notera que le deuxième opus avait enregistré 7 799 spectateurs dans là aussi 26 salles sur Paris. On dit ça, on dit rien...