Semaine du 4 janvier 2012

De l’influence (ou pas) de la critique

Sandy Gillet | 11 janvier 2012
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Box-office français du 04 au 10 janvier 2012

En tant que journaleux, il n'est pas rare, au sortir d'une projection, de deviser entre « collègues » (prononcez avé l'accent marseillais) sur l'impact de la critique quant aux entrées d'un film. Alors on n'a pas la prétention ici de donner une réponse définitive, juste quelques éléments de réflexion en écho au BO de cette semaine.

A la 22ème place on trouve une nouveauté ayant engrangé 32 420 entrées sur 62 copies. Soit une moyenne de 523 spectateurs par copie. Les Acacias est une coproduction argentino-espagnole qui a reçu la prestigieuse Caméra d'or au dernier Festival de Cannes récompensant la meilleure première œuvre toutes sélections confondues (le film était présenté à La Semaine de la Critique). Bodega s'est fait une spécialité de distribuer ce genre de « petits » films en France en provenance surtout d'Amérique du sud et d'Espagne. Son plus gros succès, il l'a connu en 2003 avec Japón de Carlos Reygadas qui engrangea 60 255 entrées sur 25 copies. Pour l'anecdote il était présenté à Cannes en 2002 et obtint une mention spéciale pour la Caméra d'or. De mémoire, c'est la première fois que Bodega distribue un de ses films sur autant de copies. La moyenne (haute) se situant aux alentours d'une vingtaine et plus souvent sur moins de 10 copies. Il faut croire que la récompense cannoise doublée d'une presse dithyrambique ait incité les exploitants (en l'occurence la groupe UGC) à jouer le jeu d'une exposition beaucoup plus large que ce qui est habituellement réservée à ce genre de film. Ou alors est-ce l'engouement actuel du public pour les films issus du dernier cru cannois qui a fait que... Et à l'arrivée les spectateurs suivent mais sans plus. Et cette fameuse critique pourtant unanime (sauf Ecran Large. Ben parce que on ne l'a pas vu) qui ne fait pas tout à fait levier.

Sur la page Facebook du film on peut y voir le visuel ci-dessous en accroche.

 

 

 

 

Il serait intéressant de savoir qui aura remarqué les logos se situant en bas de l'affiche du film. Ces logos sont les partenaires dits médias. Ce sont les rédactions qui ont aimées le film et qui veulent le faire savoir (et ce même si ce n'est pas gratuit puisque souvent qui dit partenariat dit budget alloué par le distributeur à la clé). De son côté, le distributeur y trouve son compte puisque cela lui assure de la visibilité au sein des médias ad hoc. Afin d'avoir un mix le plus harmonieux possible, il est préférable pour un distributeur d'avoir dans la poche un représentant de la presse papier (Libération et Première ici), radio (France Culture) et web (Excessif et Allociné). Cela donne aussi des indices à qui s'y intéresse quant à la famille cinématographique à laquelle le film appartient (plutôt bourrin / arty / tendance / grand public...). On remarquera enfin que trois des quatre « accroches » juste au-dessus proviennent des « partenaires » à l'exception donc de Studio Ciné Live. Le tout accentuant l'identitée cinéma mentionnée plus haut. On peut affirmer que même le cœur de cible du film ne s'est pas déplacé en masse. La critique n'a pour ainsi dire pas vraiment joué son rôle. Est-ce une surprise ? Ça l'est ici compte tenu du pedigree d'un film dont les us et coutumes veulent qu'il ait besoin de la critique pour exister et créer sa notoriété. Ce qui tend à démontrer jusqu'à l'absurde que tout cela n'est plus vrai ou de moins en moins.

Il faut savoir que les rapports entre la critique et un film aujourd'hui sont totalement dictées par le distributeur. C'est que les medias dits nobles (radio et presse) ont perdu de leur superbe en 10 ans sans pour autant être remplacés par le web qui fait par ailleurs très peur avec sa propension à colporter tout et n'importe quoi à la vitesse de la lumière. Le web a été appréhendé en trois temps. Au début ce fut l'incompréhension doublée d'un rejet (pour les équipes marketing et les attachés de presse), ensuite ce fut assimilé comme un superbe outil de relai (marketing) où se vautrait une nouvelle génération de critiques peu fiables ou incultes (attachés de presse) pour être aujourd'hui un média servile, dompté économiquement et parfois habilement censuré comme tous les autres sans pour autant avoir le « privilège » d'accéder à la classe nobiliaire suscitée.

Comme ailleurs, les rédactions web ont aussi le droit de fermer leur gueule à la demande des distributeurs qui ont tendance à généraliser les embargos afin de museler la critique jusqu'à une date donnée (et l'on signe pour cela avant la projection). Comme ailleurs, certaines rédactions web peuvent être blacklistées pour tel ou tel film. Le distributeur présupposant de l'accueil qui sera fait à son bébé. Et encore la tendance lourde de ce début d'année est de ne pas montrer du tout le film ou alors à la toute dernière minute empêchant certains canards de pouvoir en parler dans leur numéro du mois ou semaine de sortie du film (là pour le coup sur le web on n'a pas ce problème, c'est toujours ça de pris). Comme ailleurs, certaines rédactions web peuvent être muselées du fait d'une campagne publicitaire. A fortiori (on dépense chez vous, mais pas de critiques négatives) ou a postériori (on retire la campagne / plus d’invitations aux projections de presse si vous ne retirerez pas tel ou tel article).

En résumé on a d'un côté un public qui semble se contrefoutre de plus en plus frontalement de la critique et de l'autre, des distributeurs qui continuent à la stigmatiser, comme au temps des jeunes turcs de la future Nouvelle Vague, et à s'en méfier comme de la peste. Drôle d'époque schizophrène qui nous enjoint à continuer de croire en notre influence pérenne occasionnant le melon chez certains confrères alors que finalement nous ne sommes lus que par la profession et une poignée de passionnées auxquels nous, à Ecran Large, nous appartenons plus que jamais.

 

Ps : ah et sinon Intouchables allez-y c'est vachement bien. Enfin, il paraît !

# Titre Entrées Semaine Evolution Cumul Salles
1 Intouchables Intouchables Voir la bande-annonce 687 681 10 -42% 17 576 053 810
2 Le Pacte Le Pacte Voir la bande-annonce 253 128 1 253 128 266
3 Mission : Impossible - Protocole Fantôme Mission : Impossible - Protocole Fantôme Voir la bande-annonce 252 488 4 -48% 2 128 121 616
4 Une vie meilleure Une vie meilleure Voir la bande-annonce 249 464 1 249 464 223
5 Alvin et les Chipmunks 3 Alvin et les Chipmunks 3 Voir la bande-annonce 199 939 3 -71% 1 697 253 602
6 Hollywoo Hollywoo Voir la bande-annonce 176 957 5 -49% 2 133 700 483
7 La délicatesse La délicatesse Voir la bande-annonce 153 020 3 -34% 606 657 359
8 Une Nuit Une Nuit Voir la bande-annonce 137 982 1 137 982 166
9 Hugo Cabret Hugo Cabret Voir la bande-annonce 129 123 4 -61% 1 141 522 664
10 Le Chat Potté Le Chat Potté Voir la bande-annonce 110 298 6 -77% 3 621 721 671
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