Box-office français : Commentaire de Kim Chapiron

Box-office français du 1er au 7 février 2006

Parmi les 3 906 694 spectateurs qui ont été voir Les Bronzé 3 : Amis pour la vie (un record absolu), vous ne trouverez pas Kim Chapiron, le réalisateur du délirant Sheitan, occupé par la promo de son premier film dont l'un des mérites est de ne pas laisser indifférent. Sans être extraordinaires, les chiffres de Sheitan ne sont pas mauvais et Kim a très gentiment accepté de vous faire part de ses premières impressions.

Es-tu satisfait du lancement de Sheitan ?
Oui. Je suis hyper satisfait. Ce n'est pas facile de communiquer sur un film pareil. Pour moi, Sheitan est une comédie, et l'ambiance dans les salles qui le projettent va dans ce sens. Mais comment vendre une comédie dans laquelle il n'y a pas d'enchaînement de gags, mais qui repose sur le comique de situation ? Tu ne peux pas traduire cet humour dans une article-details_c-trailers d'une minute, il est impossible d'introduire le personnage qu'interprète Vincent Cassel sans qu'il paraisse ridicule, alors qu'il est très riche. Nous avons beaucoup travaillé dessus.

Ce n'est pas un peu trop racoleur de montrer un triolisme et de sous-entendre une partouze dans la grotte alors que cette scène — neuf brillantissimes minutes — est infiniment plus complexe ?
Les gens captent comme ils veulent. Ils savent que le film est sorti parce qu'ils en ont parlé. Sortir le même jour que Les Bronzés 3 était un pari risqué, il n'était pas question de parer cet énorme rouleau compresseur, mais de jouer la carte de la contre-programmation. Nous avons réussi à exister, c'est déjà un succès.

J'aurais plutôt vu une interdiction aux moins de 12 ans, pas 16.
Moi aussi. Nous sommes repassés devant la Commission, sans succès. Cette brigade de censure est très dure avec les films français. Tu vois des films américains gore dans lesquels ça charcute, et ils ne sont interdits qu'aux moins de 12 ans… Mais pour rien au monde j'aurais coupé la branlette du chien, c'était un message d'amour ! (Rire.)

J'ai l'impression que le public n'a pas compris s'il s'agissait d'un film d'horreur, d'une comédie, d'un film de banlieue, et que cela explique les chiffres qui ne sont pas excellents.
Il faut relativiser, je suis très content du score obtenu. Jamais de la vie un de mes films n'a eu un tel public ! (Kim a réalisé plusieurs courts-métrages, Ndlr.) J'ai commencé l'écriture du scénario il y a quatre ou cinq ans et on parlait beaucoup moins à l'époque du box-office. Maintenant, on a l'impression que tout tourne autour du nombre d'entrées, les émissions de télé en parlent, les sites internet aussi… N'oublions pas qu'on ne juge pas un film à sa carrière au box-office, c'est bien trop réducteur. Et triste, car ce que tu vois à l'écran véhicule des émotions avant tout.

Il est vrai aussi que ce domaine concerne surtout les producteurs ! Quelle est leur réaction ?
Ils sont très contents, comme Mars Distribution ! Le budget est de 2,7 millions d'euros, il n'est pas nécessaire de faire autant que Les Bronzés 3 (Qui a coûté 35 millions d'euros, Ndlr.)

Où étais-tu le jour de la sortie ?
Dans une salle de ciné, aux Halles. J'y suis allé à la séance de 18h pour observer les réactions. Je voulais dans Sheitan une ambiance ludique qui fasse rire et peur et je me suis amusé à lire les émotions sur les visages des spectateurs.

As-tu été blessé par les critiques négatives ?
Je pensais au départ qu'elles ne me toucheraient pa,s mais en réalité, je ne suis pas resté insensible. Quand tu te fais descendre en trois lignes, je ne crois pas que l'auteur réalise toute l'implication humaine qu'il y a derrière l'œuvre, que c'est l'aboutissement d'un très gros travail. Sheitan a déclenché une grosse vague d'agressivité alors que ni le film ni moi ne sommes agressifs. J'ai parfois été choqué mais heureusement, il y a eu encore plus de réactions enthousiastes. Tant pis si quelques personnes ont détesté, j'espère qu'elles aimeront le prochain.

Qui sera ?
…Radicalement différent ! J'ai envie de faire une comédie musicale à la Blues Brothers. (Rire.) D'autres réalisateurs du collectif Kourtrajmé vont aussi passer à l'acte, Toumani Sangaré écrit un scénario qu'il mettra en scène au Mali, Romain Gavras écrit aussi de son côté...

Le court-métrage, passage plus que conseillé avant le long ?
Bien sûr. Le court-métrage est un exercice de style, on peut y expérimenter différents choix artistiques. Sheitan est moins porté sur l'esthétisme, d'ailleurs, que dans mes courts, sa mise en scène est moins crue. J'ai travaillé trois mois avec les acteurs avant le tournage, et j'ai appris à le faire grâce à Kourtrajmé.

Le bilan de cette aventure ?
Du bonheur absolu. C'était mon premier long-métrage, la première production de Vincent Cassel, le premier film pour les trois quarts des comédiens, donc beaucoup de premières fois rassemblées en même temps pour des moments forcément uniques. Le début du tournage était difficile, j'ai perdu dix kilos et j'avais des trous dans les cheveux ! (Rire.) Et l'aventure n'est pas terminée, Sheitan s'exporte très bien, on n'est pas dans le private joke français. Il a été acheté par trente-deux pays. Après il y aura le DVD, qui sera très riche en bonus...

Si Hollywood t'appelle, tu iras ?
Oui, je ne vais pas cracher dans la soupe, mais il faudrait déjà que j'apprenne l'anglais ! Je pense que tous les réalisateurs veulent que leur travail soit vu par le plus grand nombre de gens, et un film américain reste pour ça le meilleur moyen sur le marché mondial.

Propos recueillis par Didier Verdurand.
Autoportraits de Kim Chapiron.

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