Carbone : critique du Plan Marchal

Simon Riaux | 30 janvier 2023 - MAJ : 01/02/2023 18:23
Simon Riaux | 30 janvier 2023 - MAJ : 01/02/2023 18:23

Après MR 73 et Les Lyonnais, on se demandait quelle direction pouvait prendre le cinéma d’Olivier Marchal. Le cinéaste semblait s’être enfermé dans un agrégat de tiques et de systématismes l’ayant détourné de son énergie initiale et de la formidable vitalité qu’avaient insufflé Gangsters et 36, quai des Orfèvres au polar hexagonal. Mais c’est gonflé à bloc qu’il nous revient avec Carbone.

 

PLAN MARCHAL

Le scénario de Carbone s’inspire d’une escroquerie ayant défrayé la chronique à la fin des années 2000, et qui permit à quelques petits malins de détourner massivement des sommes astronomiques initialement destinées à l’Etat français via la taxe sur la valeur ajoutée. Un contexte qui tranche profondément avec les affaires classiques de flics pourris ou de truands argotant affectionnées par le réalisateur.

Conscient peut-être que les effets qu’il maîtrise et goûte avaient besoin d’être renouvelés, c’est un Olivier Marchal beaucoup plus sobre et maître de la structure narrative qui est ici aux commandes. On craignait de le voir se Schoendoerfferiser, mais on ne lui beurre pas la raie à Olivier. Focalisé sur les caractères qu’il croque parfaitement, il offre à la plupart de ses comédiens des rôles à la fois taillés sur mesure et suffisamment ouverts pour qu’ils les investissent à la manière d’un formidable terrain de jeu.

 

Photo Benoît Magimel, Gérard DepardieuBenoît Magimel n'a jamais été aussi bon

 

Signe de l’aisance du metteur en scène : il dénude son découpage et s’efface derrière Benoît Magimel, auquel il permet de littéralement bouffer l’écran. La mine grave, tantôt hagard, hâbleur, laissant deviner une appétence pour la prédation longtemps réfrénée, son aura magnétique porte le film et lui confère un spleen venimeux fascinant. Signe de la maturité qu'il atteint ici, Magimel tient tête sans mal à l'ogre Gérard Depardieu, lui aussi inattendu et excellent dans un rôle de patriarche retors. La proximité entre le réalisateur et son comédien est un régal pour tout amateur de gueule, de cinéma organiquement incarné.

 

Photo Benoît Magimel

 

SCARFESSE

Le reste du casting est à l’avenant, en particulier Michaël Youn et Gringe, dont on sait depuis Comment c'est loin qu’il est capable de déployer une tessiture de jeu qui va bien au-delà de son numéro de sympathique branleur, pour se muer en une amertume palpable et parfaitement dosée. Dans ses meilleurs moments, Carbone nous renvoie au polar frenchy des seventies, à ces trips urbains et noirs qui tenaient le pavé haut au cinéma anglo-saxon.

 

PhotoBordel, même Michael Youn est bon !

 

En témoignent les dialogues, affutés, puissants, et ne versant pas dans le trop plein lourdaud qui a parfois menacé Marchal par le passé (nulle trace des « couilles de gitan » de Gérard Lanvin ici). Ils permettent d’ailleurs au métrage de toujours poser ses enjeux de manière limpide, qu’il doive expliciter une arnaque relativement complexe, ou permettre aux protagonistes de se jauger, puis s’affronter.

On regrettera donc d’autant plus un peu de trouver ici et là quelques outrances qui détonnent avec la formidable tenue de l’ensemble, notamment des sorties à la Scarface qui s’intègrent mal à la dynamique d’ensemble. De même, si Marchal n’a jamais été un cinéaste féminin, les femmes souffrent ici de partition globalement très faibles, attendues ou caricaturales. Il n’empêche, l’artiste paraît revenir au meilleur de sa forme et rappelle que l’Hexagone demeure un formidable terrain de thriller pour qui ose en embrasser les passions toxiques.

 

Affiche

Résumé

On n'avait peut-être pas vu Olivier Marchal aussi sobre et maître de son récit depuis Gangsters, dont Carbone partage l'écriture resserrée et le sens de l'efficacité.

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commentaires
Ishamcyr
31/01/2023 à 18:26

"Le cinéaste semblait s’être enfermé dans un agrégat de tiques"... vous êtes sûr ? Il devait plus lui rester beaucoup de sang, le pauvre, alors !

Abibak
30/01/2023 à 21:36

En France on ne sait faire que 2 sortes de film, les comédies et les polars. Et ces dans les polars qu'on s'en sort le mieux.

Anto.
30/01/2023 à 20:09

Ce Olivier Marchal me manque...

corleone
17/09/2018 à 13:53

On devrait ériger un monument à Monsieur Olivier Marchal qui est encore l'un des seuls à redorer le blason du cinéma français qui part en couilles depuis quelques années.

corleone
17/09/2018 à 13:48

Revu hier soir, ce film est tout simplement dans mon top 10 de 2017,

Sylvain PASSEMAR
20/04/2018 à 10:16

Un film de Marchal ça ne se rate pas et Carbone est dans la tradition. C’est du vrai bon polar avec un casting première classe, des « gueules » d’acteurs pour faire bien noir, la « nuit » parisienne et son univers de marginalité filmée sans pudeur. Un scénario vivant avec les rebondissements comme il faut, des chansons qui collent à l’histoire, il manque peu être un quart d’heure au film la partie internet trader magouille arrive un peu par magie et manque d’un brin d’info À ne rater sous aucun prétexte

Ana
28/11/2017 à 05:51

tres bon cine toujours benoit magimel je t'adore!!!

pika gladz
06/11/2017 à 17:04

allez, on ne va pas bouder son plaisir ! image couleurs et lumieres formidables

les morceaux de rap sont penibles ,mais ca fait "djeune" !

jipe
05/11/2017 à 19:40

Et si tout simplement Olivier Marchal nous donnait des clés pour comprendre comment tourne notre société ? Arnaque à la TVA (les hauts fonctionnaires de Bruxelles n'avaient pas pensé à tout, incompétence ?)mais aussi description d'un milieu (dans le sens mitan) criminel qui invente de nouvelles règles pour s'adapter aux nouvelles technologies (braquer une banque, détrousser le bourgeois au coin de la rue, tout ça c'est du passé). Le casse du siècle ne se fera plus dans un train mais d'un clic de souris. Tout cela dans une grande violence car comme le montre Marchal la voyoucratie a aussi ses spécialistes, et ses princes... Depardieu énorme comme d'habitude campe un milliardaire à qui on (la police, la justice) ne peut rien refuser, Patrick Catalifo en Franck Moser montre les accointances entre la police et le milieu à l'ancienne. Et la fin, inattendue nous laisse Ko debout. Un grand film !

Franck
04/11/2017 à 08:21

Ce film m’a fait l’effet d’un coup d’un poing...
M. Marchal nous laisse sonnés... la preuve est ce silence en fin de séance où chacun a cherché à reprendre son souffle....

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