My Wonder Women : critique fouettée
Nous vivons dans une époque entièrement sous le joug des super-héros. Entre Marvel et DC, ils sont devenus la norme du divertissement, garants de hautes valeurs morales. Et si leur création remettait tout ça en question ? C'est exactement ce que nous explique My Wonder Women, avec Luke Evans et Rebecca Hall, en revenant sur William Marston, l'homme qui a créé le personnage iconique de Wonder Woman.
IL ETAIT UNE FOIS LE FOUET
Si lorsque l'on parle des origines des plus célèbres super-héros, ce sont toujours les mêmes noms qui reviennent (Stan Lee, Jack Kirby, Siegel & Shuster), la génèse de Wonder Woman est un peu plus obscure et atypique. Née de l'esprit de William Marston, professeur de psychologie d'Harvard, ancien officier de l'OSS et inventeur du détecteur de mensonges, l'Amazone était l'occasion idéale de nous rappeler que, bien que destinée au plus grand public, une création reste toujours le reflet de son auteur.
Luke Evans est le créateur de Wonder Woman
En débutant son film au milieu des années 40, lorsque les ligues de vertu tentent d'interdire les comics (sous le prétexte qu'ils pervertissent la jeunesse), la réalisatrice Angela Robinson pose d'emblée les enjeux du métrage : c'est par l'interrogatoire que subit William Moulton Marston que va s'expliquer la création du célèbre personnage. Un entretien parsemé de flashbacks qui vont nous dévoiler tous les secrets de la naissance de l'Amazone ; une mise au monde teintée de refoulement, et un mode de vie libertaire en bute à une société morale extrêmement rigide.
Parce que, et c'est montré dès le départ, William Marston est un explorateur de la psyché humaine. Avec sa femme Elizabeth, il travaille sur un prototype de détecteur de mensonges pour arriver à sonder l'esprit humain dans toute sa complexité. L'arrivée d'une nouvelle étudiante, la très sage Olive Byrne, va considérablement modifier leur rythme de vie, les contraindre à mener une existence cachée pour ne pas être mis au ban d'une société qui n'accepterait pas leurs choix. Et tout cela conduira à la création de Wonder Woman.
Bella Heathcote en pleine essai de bondage sans se douter de ce que cela offrira au monde
BONDAGE ET TRIOLISME
Si le film fonctionne aussi bien et qu'il est aussi important à l'heure actuelle, c'est parce que, justement, il ne juge jamais ses personnages. Face à un cadre sociétal qui les condamne d'emblée comme des personnes déviantes, Angela Robinson choisit de se concentrer sur ce qui lie cet homme et ces deux femmes dans ce contexte particulier : l'amour. Bien vite, nous comprenons que le film parlera moins de Wonder Woman que de ce couple atypique, totalement dévoués les uns aux autres, qui veulent avant tout rester ensemble. Et la création de l'héroïne n'en sera qu'une conséquence.
Rebecca Hall est fantastique, mais ça, on le savait déjà
De ce point de vue, le film est une réussite totale. Touchant, troublant, passionnant et émouvant, il doit sa grande qualité en premier lieu à son trio d'acteurs, fantastiques : Luke Evans impressionne par la justesse de son interprétation toute en suggestion et en fragilité, tandis que Rebecca Hall (trop rare ces derniers temps malheureusement) emporte le morceau avec une composition phénoménale. Bella Heathcote n'est pas en reste non plus, tant son Olive Byrne révèle en très peu de temps une profondeur que l'on ne soupçonnait pas vraiment.
La mise en scène classique et discrète apporte aussi beaucoup au métrage, en créant un environnement quelque peu fantasmé des années 30, comparé à celui gris et plat des années 40. Oui, nous sommes réellement transportés dans l'intimité de ces personnages libres dans leur cœur et, à aucun moment, nous ne nous y sentons de trop ou malvenus.
Difficile de sauver les apparences...
Ce qui fait que le film est important c'est évidemment parce qu'il trace un parallèle troublant avec notre époque. Tandis que les super-héros, et donc le cinéma, sont en pleine phase d'hygiénisation mortifère, en proie à un retour à l'ordre moral on ne peut plus dangereux alors même que la société se durcit et remet en question toutes les avancées sociales et humaines de ces 40 dernières années au nom d'un vivre ensemble de pacotille, My Wonder Women arrive à point nommé pour nous rappeler que la vie, ce n'est pas l'ordre établi. C'est surtout l'exploration de nos zones d'ombres, qui doit nous pousser à une reconfiguration intérieure totale pour dépasser les concepts de Bien et de Mal que l'on nous rabâche à longueur de journée pour mieux nous normaliser.
Reprenant pour soi l'adage du "pour vivre heureux, vivons cachés", le film résonne comme un appel désespéré pour un retour à l'amour libre, au vrai accomplissement de soi-même tout autant qu'à l'explosion de barrières morales qui empêchent la création. Et le fait que Wonder Woman soit née d'un terreau jugé répréhensible est encore plus important. C'est avant tout la création d'un homme à l'écoute de son cœur, fervent défenseur de la paix et qui pense, probablement à juste titre, que la frustration conduit au fascisme. Que voilà donc un grand film émouvant et bienveillant, à coups de fouet, de triolisme et de corset. Pile-poil au bon moment pour nous montrer que l'Ombre personnelle et aimante est parfois plus salutaire que la Lumière normée et acceptée.
Lecteurs
(2.7)11/06/2019 à 12:04
C'est bien, ça se suit sans déplaisir mais ça reste du drama très poli.
11/06/2019 à 08:37
Je suis surpris par votre critique, moi qui avait trouvé ce film terriblement long, trop sage et surtout en manque cruel de budget.
10/06/2019 à 22:43
Dur de voir qu’il a fallu tant de temps pour rendre hommage a l’auteur et son intimité.
D’ailleurs, connaissant son histoire, j’ai trouvé fort émouvante la fin de Kingdom Come (un des plus grand comic de tous les temps) car il s’agit d’un hommage frontal, direct et puissant au créateur de Wonder Woman et ses femmes
30/07/2018 à 14:04
Encore une pépite qui a été royalement ignorée par la horde. Dommage. C'est élégamment coquin avant de révéler une vraie philosophie de la vie qui va à contre-sens de celle des électeurs de Trump.
Délicieux.
21/04/2018 à 18:35
Vu aujourd'hui, j'ai été littéralement subjugué par ce message.
Quand je pense qu'il n'est projeté que dans deux salles à Paris...
18/04/2018 à 18:14
Juste TOP!
Merci de faire encore des films comme cela.
18/04/2018 à 13:56
Effectivement ça donne vraiment envie d'autant plus que j'aime beaucoup Luke Evans que je trouve jusqu'ici assez sous estimé. À voir.
18/04/2018 à 11:41
J'hésitais a le regarder, de peur d'avoir a faire a un biopic opportuniste et sans aspérités, mais la je vais m'empresser d'y jeter un œil !