Cold Skin : critique des profondeurs

Geoffrey Crété | 1 mai 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 1 mai 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Absent des salles de cinéma françaises depuis Frontière(s) en 2008, Xavier Gens continue à tracer sa route dans le film de genre avec Cold Skin, une histoire d'île isolée où vivent d'étranges et effrayantes créatures. Présénté à L'Etrange Festival, à Gérardmer ou encore au BIFFF à Bruxelles, le film n'a pas encore de date de sortie en France. Et c'est bien dommage tant la proposition, imparfaite, mérite un coup d'œil.

FRENCH NON-CONNECTION

Etat des lieux lourd de sens : des derniers films tournés par Xavier Gens, le seul à sortir dans les salles françaises est Budapest, une comédie prévue en juillet prochain. Un privilège que n'ont pas eu le thriller The Divide (sorti en DVD en 2012), le film d'exorcisme The Crucifixion (inédit chez nous), et le film d'horreur fantastique Cold Skin, donc.

Montrée à L'Etrange Festival, à Gérardmer ou encore au BIFFF à Bruxelles, cette histoire d'île mystérieuse qui abrite d'effrayantes créatures aquatiques est pourtant un beau pari pour le réalisateur français de Hitman et Frontière(s), qui tourne à nouveau en anglais, dans une co-production espagnole. Film de monstre, empreint d'une mythologie originale, inscrit dans un romantisme noir, avec de vraies ambitions visuelles, Cold Skin semble néanmoins condamné à ne pas réellement rencontrer son public.

 

Photo David Oakes (III)

 

LES FORMES DANS L'EAU

Cold Skin impose d'emblée une ambiance impressionnante. La photographie de Daniel Aranyo (que Xavier Gens retrouve après The Crucifixion) enveloppe le film dans une atmosphère magnifique, avec une palette de couleurs envoûtante servies par une mise en scène soignée, qui annonce vite ses ambitions dans l'introduction. Dès les premiers instants, Cold Skin embarque donc dans un bel univers de cinéma.

C'est le voyage de Friend (David Oakes), un jeune homme venu d'Irlande jusqu'aux latitudes de l'Antarctique, qui ouvre l'histoire. Pour fuir un monde au bord du chaos en 1914, il a accepté d'être météorologiste sur une île perdue et déserte dans les eaux, où il n'aura pour seule compagnie que vents et marées. Ou presque : un étrange gardien de phare, ainsi que d'effrayantes créatures aquatiques qui sortent une fois la nuit tombée, sont les maîtres des lieux.

Adapté du livre d'Albert Sanchez Pinol, Cold Skin passe du pur film d'horreur, lors d'une attaque nocturne qui reprend les codes du genre, à l'histoire d'amour tordue et noire, en passant même par une belle séquence d'aventure qui ressemble à un vieux serial old school. Il y a clairement de grandes ambitions et espérances derrière le film, et Xavier Gens semble y mettre du cœur d'une manière inédite jusque là.

 

Photo Ray Stevenson, David Oakes (III)

 

DARK WATER

Mais si les ambitions du film sont claires, ses limites le sont aussi. Cold Skin a beau être drapé dans un superbe habillage de cinéma, avec des décors aux confins du réel et un soin apporté à chaque aspect technique, il ne peut se défaire d'une sensation de marasme narratif. La lourdeur de la voix off du héros, censée apporter une touche littéraire et introspective, apporte vite une artificialité désagréable, tandis que la dynamique entre les trois personnages tourne dans le vide, la faute à une dramaturgie faiblarde, trop en surface et respectueuse des codes.

Ray Stevenson incarne cet énigmatique vieux loup avec une force indéniable, et en impose face à un David Oakes plus scolaire, mais ce qui manque surtout à leur relation est un traitement plus vif, frontal et assumé de leur lien avec la créature qui sera nommée Aneris. Objet de désir, de peur, de dégoût, de fascination et de jalousie, cette sirène monstrueuse semble effrayer le scénariste et le réalisateur, qui l'utilisent du bout des doigts. Ce qui donne au récit une impression de dramaturgie approximative et tiède. C'est d'autant plus notable que le sujet est aussi fascinant que complexe à filmer, comme l'a prouvé Splice de Vincenzo Natali, dont la Dren a quelques similitudes avec Aneris.

 

Photo

 

Privé d'un axe fort et clair autour d'une dynamique pourtant classique entre les deux hommes et la créature féminine, sur fond de guerre de territoire, Cold Skin se retrouve plombé par un rythme problématique. La mécanique semble vite trop froide, manquant de panache et d'émotion. Un constat amer tant il semble clair que Xavier Gens a conçu et pensé de nombreuses scènes comme des moments puissants, à la fois dans l'architecture visuelle et thématique.

C'est également regrettable car jusqu'à la fin, le réalisateur déploie une belle énergie pour assembler de belles pièces. Qu'il filme un échange silencieux entre le héros et la créature à côté d'un squelette de baleine qui repose en silence sur le sable gris, plonge lors d'une séquence hallucinée dans les profondeurs tranquilles de l'eau, ou sorte l'artillerie lourde avec une dose d'images de synthèse plus ou moins heureuse pour un assaut apocalyptique, il insufle à Cold Skin quelque chose de fort. Il y avait donc clairement l'énergie, l'envie et le talent pour offrir un beau film de monstre. Ne manquait plus qu'un peu d'âme.

 

Affiche

 

Résumé

Cold Skin est bien beau, bien ambitieux et bien soigné. Mais privé d'un scénario fort qui aborde le sujet avec moins de tiédeur, il reste un bel écrin un peu vide, et décevant.

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Lecteurs

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commentaires
nikitaà
19/03/2019 à 16:49

pas bien saisie le dénoument

mimi
30/12/2018 à 04:51

il y en a mare des films ou la fin est bâclé. c'est quand même pas compliqué, quand vous lisez un livre vous ne lisez pas la fin?????

olive
29/10/2018 à 09:40

Ambiance et décors du film superbes. le côté coupé du monde sur une île où il est impossible de se cacher est intéressant.
J'ai bien aimé ce film car je ne savais pas du tout sur quoi j'allais tombé.
Par contre j'ai pas trop pigé la conclusion du film.

joan pere
26/10/2018 à 00:43

Tres beau film et je suis étonné des critiques injustes à mon avis et de la negativité du resumé juste au dessus qui n'est pas honnête avec la qualité de ce film et des acteurs !. . Nous ce film noir plutôt que d'horreur nous à captivé ma femme et moi et je le recommande à tous et il y à une atmosphere vraiment speciale et interessante dedans et des paysages somptueux et c'est presque un conte noir. Un film à voir absolument en tout cas et à ne pas bouder.

Sof
19/10/2018 à 21:12

Film sans interet ,l'intrigue ne dure pas et est oei interessante,le relationnel entre les deux personnages est sans relief et la présence de l humanoïde dressée est mal exploitée.
Les scenes d assaut deviennent vite lassantes et peu n apportent rien.

pepe
03/05/2018 à 00:39

Sérieux EL et les 2 commentateurs ? Alors la j'avoue être surpris. Tous les goûts sont dans la nature paraît il. J'aime bien le réal (Frontières et Hitman) mais ce cold skin est en effet bien froid et décevant, ressemblant à 1 bon nanar (B ou Z ?) â l'image de The Divide qui était quand même + intéressant...
J'ai The Crucifixion qui attend d'être regardé, je zappe ou je mate ?

polux
01/05/2018 à 11:48

Des films 3 étoiles comme ça, j'en redemande.
Ce film a une âme, une atmosphère old school sans esbroufe tape l’œil.
Cold skin un chouette film, sur 5 je lui donne 4.5 et c'est mérité.

stivostine
01/05/2018 à 11:04

bien aimé et bien plus intéressant que the terror qui m'a endormi

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