Ce qui nous lie : critique d'une Beaune cuvée
Depuis Ma part du gâteau en 2011, suivi de Casse-tête chinois, Cédric Klapisch nous avait un peu perdu et on se désespérait de retrouver l’artisan précis de la comédie dramatique acidulée et générationnelle révélé par Le Péril jeune. On se réjouit donc de goûter à Ce qui nous lie, meilleure cuvée de son auteur depuis longtemps.
PROFONDO ROSSO
Fils de vigneron, Jean retrouve sa Bourgogne natale après 10 ans de vadrouille et de mésaventures alors que son père se meurt. Les retrouvailles de cet aîné pas si prodigue avec une sœur qui hésite à s’imposer et un petit dernier qui lui reproche de les avoir abandonnés vont obliger le trio à affronter les non-dits comme de difficiles questions de succession.
Si la culture viticole est fréquemment la toile de fond d’un cinéma français désireux d’y planter ses racines, rarement on aura vu cet univers écartelé entre traditions et nécessaire modernisation représenté avec autant de précision et de justesse. C’est logiquement le rythme d’exploitation de la vigne qui dicte au film son tempo, et en aborde rituels ou étapes avec un mélange touchant de passion et de respect.
Pio Marmaï en fils (pas si) prodigue
De vendange en banc Bourguignon, Ce qui nous lie ravira donc les amateurs de vin, comme les curieux d’un terroir souvent mythifié, mais rarement interrogé avec autant d’amour et d’à propos. On doit cette réussite à l’exactitude avec laquelle ce contexte est évoqué, mais aussi aux comédiens qui lui donnent vie. Pio Marmaï, Ana Girardot et François Civil composent une fratrie attachante, dont les joies, les plaisirs, les frustrations et les petits bonheurs illuminent souvent l’écran.
UN PEU TANNIQUE QUAND MEME
Ils peuvent déployer des partitions souvent lumineuses grâce à l’écriture de Klapisch, qui signe ici quelques uns de ses meilleurs dialogues, tour à tour crédibles, puis impressionnant de discrète sophistication. Qu’il s’aventure dans le comique de situation ou les affres d’une transmission complexe, son scénario réserve de nombreuses capsules d’humanité, toujours étonnantes de naturel, où les émotions affleurent, grâce à des protagonistes toujours plus fins qu’ils n’y paraissent (on pense notamment à Yamée Couture, impeccable en héritière d’un empire viticole discrètement désireuse de rompre avec le décorum bourgeois familial).
Ana Girardot, le cœur et ses raisins (désolé)
On regrettera simplement que s’il nous revient en jolie forme, Cédric Klapisch décide d’accorder trop de temps dans la seconde partie de son film à la moins pertinente de ses sous-intrigues. Pio Marmaï a beau faire de son mieux, le récit de ses atermoiements conjugaux, tout comme la valse hésitation au sujet de son héritage sont aussi convenues que ronflantes.
À l’inverse le parcours du personnage d’Ana Girardot est aussi passionnant que riche de possibles, à fortiori quand une comédienne de sa trempe lui confère une si vibrante et électrique vulnérabilité. Elle est le cœur battant de l’intrigue, sa proposition la plus alléchante, et lorsque Ce qui nous Lie s’achève, c’est avec le regret de ne pas avoir passé plus de temps à ses côtés.
Lecteurs
(2.3)15/06/2017 à 19:31
Dommage que la com complètement ratée du film semble lui porter préjudice au box-office... Le public du Péril Jeune et de l'Auberge Espagnole aurait pourtant répondu présent.
Sinon, il était quand même sympa son "Casse-Tête Chinois", au père Klapisch, non ?