Atomic Blonde : critique décolorée

Simon Riaux | 1 novembre 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 1 novembre 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Avec John Wick, les coordinateurs de cascades Chad Stahelski et David Leitch sont passés derrière la caméra et se sont payés une jolie réputation d’artisans du cinéma d’action. Tandis que le premier enchaînait aussi sec avec l’épatant John Wick 2, son complice choisissait pour sa part d’embrayer sur un récit d’espionnage féminin, emmené par Charlize Theron, transformée en star du cinéma d’action badass depuis Mad Max : Fury Road. Un choix qui souligne ses qualités mais établit cruellement ses limites.

MORTAL KOMBAT

Si vous comptez parmi ceux pour lesquels le Droopy sanguinaire interprété par Keanu Reeves dans les John Wick a été une excellente surprise, que le contexte et le scénario d’Atomic Blonde ne vous intéressent pas et que finalement, vous n’attendez de cette aventure que quelques bouffées d’adrénaline portée par une pin-up énervée, alors la première réalisation solo de David Leitch fera sans doute office d’excellent divertissement.

Lors des deux scènes d’action centrales du film, David Leitch (qui a travaillé sur le premier John Wick et Deadpool 2déploie ainsi un savoir-faire ahurissant, qui devrait propulser les amateurs du genre au septième ciel de la castagne. La première est une leçon de rythme et de découpage, dans laquelle le metteur en scène s’amuse à jouer avec son montage, rehaussé par un excellent mixage sonore, mais c’est sans doute la seconde qui restera dans les mémoires.

 

Photo Charlize TheronTaper, ou être tapé

 

Véritable morceau de bravoure en faux plan séquence qui s’étire sur une dizaine de minutes, la séquence est un tour de force remarquable, qui accomplit l’exploit de rendre absolument crédible Charlize Theron en exécuteuse enragée. David Leitch peaufine ses chorégraphies, leur confère une sauvagerie rarement égalée. Et si la photographie est monomaniaque (néons bleus et néons roses se font écho à l’infini, dans un Berlin désaturé) de Jonathan Sela apparaît un brin répétitive, elle nimbe ces passages musculeux dans une atmosphère irréelle qui décuple leur impact plastique.

 

Photo Charlize Theron"Épileptiques s'abstenir"

 

KILLER INSTINCT

Et pour nous scotcher à notre siège durant cette plongée dans Berlin à la veille de la Chute du Mur, Atomic Blonde iconise Charlize Theron comme jamais. Sculpturale mais jamais rajeunie, barbare mais portant les marques des coups reçus, élégante mais jamais à l’abri de se faire mettre en pièce, elle tient autant du prédateur blessé que du bourreau hitchcockien. Malgré un script qui ne lui fournit pas une once de personnalité, elle embrase l’image glaciale du film au moindre haussement de sourcil.

 

charlize theronCe n'est pas sa guerre. Mais c'est quand même sa fête.

 

Le reste du casting partage sa formidable physicalité. Et là-aussi, en dépit d’une caractérisation des protagonistes totalement aux fraises. James McAvoy retrouve le charisme, tout de veulerie de vapeurs éthyliques, qui fit sa réussite dans le sympathique Filth. Quant à Sofia Boutella, on attend désormais de la retrouver dans un premier rôle, tant elle étonne dans sa capacité à insuffler de la chair à un personnage qui évoque plus sur le papier une limande lobotomisée qu’une espionne électrique.

Du premier au second rôle, tout le monde s’évertue ici à faire le taf et inonder l’écran de magnétisme animal. Et il en faut du talent pour parvenir à un tel résultat, car comme évoqué plus haut, pas un des espions conviés à ce jeu de massacre ne dispose de motivations, de conflits ou d’une psychologie qui tienne la route. La faute à un scénario catastrophique.

 

Photo Charlize Theron, Sofia Boutella2 girls 1 Scene

 

ZERO ZERO BETE

Atomic Blonde confirme que David Leitch est passé maître dans l’art de filmer les bastons cinétiques, mais nous apprend également qu’il est totalement incapable de maîtriser l’ensemble de son récit, ou d’investir un univers donné. En témoigne le je-m’en-foutisme avec lequel il aborde son décor, la ville de Berlin, sans jamais questionner ni la symbolique de la Guerre Froide, ni le sens des actions de ses héros. Quid du Mur ? Quid des camps qui s’affrontent ?

Qu’Atomic Blonde n’embrasse jamais la dimension politique de son sujet serait secondaire si le métrage parvenait à faire tenir debout son intrigue à base d’espionnage et de trahisons. Mais non content d’aligner des twists tous parfaitement contradictoires (l’accent frelaté de Charlize Theron en trahit un dès les premières scènes du film), le scénario est régulièrement incapable de les préserver, et nous laisse deviner bien trop en amont qui joue double ou triple jeu.

 

Photo James McAvoyJames McAvoy à la mode berlinoise

 

Enfin, sans doute conscient de ne pas savoir se dépatouiller de son récit informe à base de microfilm à récupérer (quelle originalité), David Leitch le caviarde de séquences imposées sorties de l’imagination d’un ado pas franchement maître de ses montées d’hormones. Au cours d’une scène de sexe lesbienne dénuée de la moindre justification, le metteur en scène révèle ainsi qu’il envisage Charlize Theron non pas comme la Walkyrie fantasmée par le spectateur, mais plutôt une poupée gonflable sous stéroïdes.

Et il ne suffira pas pour parer à ces évidentes limites d’éclater chronologiquement le récit. Embrouillant une narration qui ne méritait pas tant de circonvolutions mais exigeait, à la manière de ses scènes d’action, une volonté de fluidité rageuse, le cinéaste prouve qu’il demeure plus un bourrin de première classe qu’un véritable conteur. Cela pourra amplement suffire à tous ceux qui n’attendent du film qu’un produit de divertissement désincarné, mais risque de rester en travers de la gorge des amateurs de cinéma d’espionnage haletant.

 

Affiche

 

Résumé

Aussi accompli dans la mise en scène de l'action qu'indigent dans le développement de son scénario et de ses personnages, Atomic Blonde satisfaira néanmoins les amateurs de spectacle physique techniquement abouti.

Autre avis Geoffrey Crété
Le style a ses limites. Atomic Blonde a beau emballer quelques scènes joyeusement cool, s'amuser avec les lumières et les couleurs, et avoir une Charlize Theron parfaite, il manque une bonne intrigue pour en faire autre chose qu'un exercice de style un peu vain et vide.
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Lecteurs

(3.2)

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commentaires
Flo
25/04/2023 à 13:32

Essayer d’être un thriller à la John Le Carré, c’est à dire où la précision intellectuelle sert au moins à laisser infuser une grosse mélancolie, dans une intrigue absurde où tout le monde est un traître en puissance…
Mais être aussi un film d’action bourrin, fardé comme un clip (vas-y, les chansons des années 80 !) et à la subtilité de bulldozer de Europacorp.
Impossible d’être les deux à la fois, c’est antinomique.
Ne reste que ces fameuses scènes d’action, et l’évident (faux) plan-séquence, dont la longueur extrême a son utilité : humaniser une antihéroïne jusque là trop robotique, en montrant la fatigue, le ras-le-bol, le désespoir.
On aurait pu juste s’arrêter là (de préférence quand elle se fait percuter en voiture, pour ce qui est du plan-séquence), mais hélas non.
De la frime, c’est tout.

SuperKastor
30/12/2019 à 11:32

Excellent film de castagne sexy avec une BO qui déchire et sans prétention trop top
Hors de question d’en faire une critique intellectualisante à là Écran Large car ce n’est pas le but du film qui est a prendre au 1er degré

Grand Monarque
26/12/2019 à 22:11

le Berlin sauce Eigthies, pas mal du tout,çà ressemble à un jason Bourne avec une bonne femme testiboulée comme il faut, la voir dezinguer au corps a corps des brutes de l'Est de 100/ 110Kg , c'est pas tres credible pour moi,en plus elle les deboite les uns apres les autres sans paraitre essouflée c'est remarquable pour ex top modele de 1'75m et maigrichonne!
Mc Avoy tres bien ,la Theron,bof, elle a une drole de tête je trouve,
mais la sequence Lgbt m'a reveillé, entre Boutella et Theron, je dois dire, çà s'emboite mieux que la scene LGBT dans le dernier stars de disney, çà se justifie car le personnage de Theron doit pouvoir manipuler la Boutella pour des infos de renseignement alors que dans Disney, c'est juste le quota LGBtisant

Lax69
23/08/2017 à 19:58

Mon plaisir coupable de l'été, vu en imax et ca envoyait du lourd. Pour info base sur un comic/bd graphique.
The coldest city.
Et ce plan séquence mais si il est faux est une merveille d'action
Charlize en bad ass bitch electrise ce film politiquement incorrect (pour une fois) de bout en bout..

LJGB
15/08/2017 à 14:35

A quand un crossover avec John Wick avec salade de phalanges et steak en pleine gueule?

abeldavos
26/07/2017 à 13:17

j'avais des doutes sur LeCaire confidentiel mais j'ai revu la BA finalement je vais aller le voir ; merci pour l'info

abeldavos
26/07/2017 à 13:13

surement pas le film du siecle mais pour voir charlize Theron énervée comme jamais ! elle m'a l'air au top et super sexy : j'y cours : et puis c'est l'été on va au ciné pour s'éclater

Kennedy
12/07/2017 à 09:28

Et quand est-ce qu'elle chante Atomic ??

Roukesh
12/07/2017 à 09:04

Ca sera le petit plaisir de l'été.
@miaoumiaou Merci, Le Caire Confidentiel, j'irais voir ça.

JevoteCharlize
11/07/2017 à 23:16

J'y vais, voir la new hot badass kicker des salopards c'est du pur divertissement come on girl!!!!!

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