Mother! : critique organique

Simon Riaux | 28 juillet 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 28 juillet 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Venu du cinéma d’auteur malin et expérimental, passé par le trip sous acides hyper hypé, puis la transe new age mégalo, avant de se réinventer en maître du thriller organique pour s’aventurer du côté du blockbuster faussement biblique et vraiment sous LSD, Darren Aronofsky n’est pas un cinéaste aisé à appréhender. Et gageons qu’avec le renversant Mother !, il va laisser plus d’un spectateur groggy, sidéré par l’uppercut que lui destine le cinéaste.

 

PRINCESSE DES TENEBRES

En dépit d’un talent monstrueux tant qu’il est question d’assembler des myriades d’images à priori peu compatibles, afin de provoquer chez son public une pure réaction physique en adéquation avec son sujet Aronofsky est toujours demeuré un inébranlable bourrin. Qu’il aborde l’aliénation toxicomane dans Requiem for a Dream, l’Art jusqu’au sacrifice de soi dans Black Swan, ou dans The Wrestler, il ne coupe jamais les cheveux en quatre, se saisit de ses sujets à bras le corps et les jette au visage du spectateur.

Une démarche frontale, souvent brutale, qui concourait à faire de The Fountain un sublime gloubi-boulga ou de Noé une proposition passionnante, hélas jamais en phase avec les spectateurs ciblés, mais qui fonctionne parfaitement avec l’intrigue resserrée de mother!. Nous y suivons Jennifer Lawrence en jeune épouse hallucinée d’un Javier Bardem qui convie sans raison apparente un couple d’inconnus dans leur vaste demeure, laquelle ne tarde pas à se transformer en dédale cauchemardesque.

 

Photo Jennifer LawrenceTout simplement la performance la plus impressionnante de Jennifer Lawrence

 

Avec une hargne jamais atteinte précédemment, le cinéaste crée un réseau d’interprétations et de métaphores, toutes possibles, toutes envisageables, qu’il laissera au spectateur le soin de démêler, préférant se concentrer sur l’impact immédiat généré par les visions qu’il convoque. Son héroïne est-elle une ambassadrice des femmes, phagocytées et parasitées par des désirs masculins conquérants ? Une allégorie de la nature, que l’humain tente par tous les moyens de subvertir et de dominer, ou un emblème de la créativité, de ses détours et violents soubresauts ?

 

Photo Jennifer LawrenceDans les profondeurs de sa propre maison

 

ROSEMARY SANS ANESTHÉSIE

Peu importe. Le metteur en scène est bien trop occupé à engendrer une mosaïque folle, dont les organes vitaux mutent perpétuellement, jusqu’à former un corps hybride et fascinant. Gardant Lawrence au centre de son découpage, il orchestre un dispositif plus économe que d’accoutumée en termes de mouvements d’appareils, et choisit de se focaliser sur le rendu de sa pellicule 16mm, l’irrésistible oppression jaillissant initialement de ses interminables errances dans son décor labyrinthique, avant de lâcher les chevaux. 

 

Photo , Jennifer LawrenceLe feel good movie de la rentrée ?

 

On se gardera bien de révéler le tournant du film, mais mother! se propose tout simplement de basculer dans la pure hallucination évoluant en un film d’horreur bubonique viral et surpuissant. Alors que le réalisateur surmultiplie les visions tantôt grotesques, dérangeantes, superbes ou tout simplement puissantes, on en oublie progressivement les nombreux impairs, le côté petit malin démonstratif dont il ne s’est jamais départi pour apprécier la richesse de la vision qui déchire l’écran.

Certes, Aronofsky se hisse toujours sur les épaules de Polanski, Carpenter et Satoshi Kon sans daigner signifier combien il leur doit et son métrage est plus un patchwork d’influences jamais rassemblées auparavant, plus qu’un condensé véritablement original. Il n’empêche, les auteurs capables de tant de radicalité, d’un geste de cinéma aussi enragé et esthétiquement maîtrisé deviennent de plus en plus rares, et on aime trop sortir d’une salle de cinéma titubant, tripes par-dessus tête, pour faire les fines bouches.

 

Affiche

 

Résumé

Darren Aronofsky est peut-être un petit malin, mais il demeure le plus doué et jusqu'au boutiste, comme le confirme ce mother! radical, parsemé de visions hallucinantes.

Autre avis Geoffrey Crété
Un électrochoc total, un voyage extrême et sensationnel, et une magnifique page blanche et brûlée où le spectateur peut projeter son cœur et son esprit - métaphore de la foi, de la création artistique... Jennifer Lawrence est intense, et Darren Aronofsky est génial.
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Lecteurs

(3.6)

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commentaires
Decoy
15/08/2018 à 12:30

Une film-gag, qui conduit le spectateur dans une impasse. Une multiplication d'intrigues, mais au final, je ne suis pas sûr de pouvoir expliquer l'une d'entre elles. Seul Aronofsky semble comprendre le sens de ce qu'il filme, ou ne parvient pas à le communiquer. Reste des acteurs vétérans excellents, capable d'encaisser un échec, et surtout le mérite d'aller au bout de son délire. Aronofsky, génie mal compris ou idiot qui se croit malin, à vous de voir.

KibuK
29/07/2018 à 12:45

Un très bon film, plombé par la 1ere scène, es plans d'illustration dévoilant le concept-intrigue. Cela a considérablement amoindri la force du film pour moi. Dommage.

Sydz
27/09/2017 à 10:24

Je suis allé voir ce film sans vraiment m'y interesser tout en sachant que les critiques et les spectateurs etaient divisés sur la question. Donc je ne savais pas du tout a quoi m'attendre.

Et je dis que c'est un succès. Sans être un chef d'oeuvre absolu, le film atteint sont but : arriver à partir d'une reflexion sur la thématique globale de la création, a mélanger tout un tas d'autres thématiques (l'amour, la maternité, la societé, la dualité homme/femme, ordre/chaos) en parallele ou en croisé, qui au final nourissent la thématique principale car ils en sont des sources d'inspiration. La sensation de cauchemar permanent qui justifie finalement tous les reproches qu'on peut lui faire, m'a parfaitement convaincu et pris aux tripes.
Je pense, sans vouloir paraitre condescendant, que ceux qui le descendent sont vraiment passé à côté du film.

MystereK
20/09/2017 à 21:09

Ce n'est ni nul, ni un chef d'oeuvre, c'est juste qu'on adhère ou pas, le film est extrême, c'est certain, ça plait ou ça plait pas, mais c'est un cinéma différent qu'il faut saluer ou alors arrêter de se plaindre qu'Hollywood ne fait que du prémaché. Dans tous les cas, le jeu des acteurs est magnifique et la mise en scène impressionnante, le reste, c'est une question de gout, pas de qualité.

drocmerej
20/09/2017 à 17:40

Au fait personne n'a relevé que l'affiche était clairement un clin d'oeil à celle de Rosemary's baby ? Comme quoi la filiation semble assumée ( en tout cas par le marketing).

Greg
20/09/2017 à 11:35

En tout cas, les commentaires offrent un condensé des réactions internationales du film.
Chef d'oeuvre pour les uns, purge pour les autres. Sans aucune demi-mesure.

Personnellement, j'ai adoré, je laisse aux esprits supérieurs (apparemment nombreux) le soin de nous expliquer comment faire et ne pas faire un film, pour ma part je me contente de les vivre ...

Dirty Harry
19/09/2017 à 17:30

Dieu que c'était nul : un mauvais court métrage étiré d'un étudiant en cinema prétentieux qui raconte une anaphore lourde comme un âne mort. Et pour te dire à la fin...ce qu'il a dit au début car tout est dit dans le premier plan, le reste ne fait que ressasser. Horrible film qui ne va jamais pouvoir supporter une seconde vision, tous les tics d'Aronofsky (la névrose d'un personnage qui s'intensifie, s'intensifie, s'intensifie...) pour nous amener au propos le plus usé de toute l'histoire de l'art sur la création (on préférera Barton Fink). J'achète un cageot de tomates rien que pour le film suivant parce que là Darren me doit 11 euros : trois jours pour avoir écrit ce scénario ? Ben cela se voit : symboliquement lourd, aux dialogues tartes et à la mise en scène qui appuie et surligne au stabilo boss pour se bien faire comprendre des imbéciles tout en sacrifiant l'aspect psychologique de ses personnages sur l'autel de "son message". A montrer dans les écoles de cinema pour bien expliquer tout ce qu'il ne faut pas faire.

Soph
19/09/2017 à 09:49

Vu hier... le dernier film qui m'a pris au tripe est "juste la fin du monde" "Mother" lui ressemble dans les mouvements de caméra, de cadrage, l'intensité des émotions des personnages, Michelle P magestrale et que dire de Jennifer Lawrence, seule une immense actrice pouvait donner ce relief... j'ai vraiment aimé la première partie du film vraiment bien traité par contre la rupture de ton de la deuxième partie ...

Etant une fan de Polanski, la référence à Rosemary's baby est évidente (thème, buanderie au sous sol)...

Je recommande...

Okay
18/09/2017 à 12:31

Chef d’œuvre absolu!

albert
16/09/2017 à 20:00

vu cet aprem : une vision du narcissisme et de l'égocentrisme avec pour matériel une certaine vision de la femme

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