Where to Invade Next : quand Michael Moore se Trump

Simon Riaux | 11 novembre 2017 - MAJ : 22/08/2023 17:28
Simon Riaux | 11 novembre 2017 - MAJ : 22/08/2023 17:28

Découvert en France avec Bowling for ColumbineMichael Moore s’est imposé comme le poil à gratter préféré du public hexagonal, dont il légitime non sans talent les poussées d’anti-américanisme. Honoré d’une Palme d’Or qui eut un peu de mal à passer pour Fahrenheit 9/11, le réalisateur a eu bien du mal depuis à retrouver sa verve. Where to Invade Next ne signe malheureusement pas son grand retour, loin s'en faut.

DOCUMENTEUR

Le premier écueil auquel fait face le spectateur attentif n’est autre que la nature du film. Se présentant comme un documentaire dans lequel Michael Moore part à la recherche d’idées et de pratiques européennes qu’il serait pertinent d’exporter aux Etats-Unis, Where to Invade Next n’a pourtant rien d’un document informatif, ou même réflexif. Si Moore a toujours assumé sa part de militantisme pour le camp démocrate, il veillait (au moins jusqu’à Sicko) à être un vecteur d’information, un aiguillon, bref un empêcheur de penser en rond.

Problème, son nouveau film est à ce point perclus de manipulations, d’approximations et d’affabulations qu’il en devient très difficile d’y voir autre chose qu’un pur tract politicien, aussi attaché à la vérité et au bien commun qu’un spot de campagne de Donald Trump. Et à moins de considérer cyniquement que la fin (l’élection d’Hillary Clinton) justifie les moyens (un festival de dissimulations éminemment fourbes), on risque fort d’être secoués de hauts le cœur à force de semi-vérités, voire de purs mensonges édictés par l’auteur du film.

 

michael mooreMichael Moore

 

UN MOORE, ÇA TRUMP ÉNORMÉMENT

Catalogue non exhaustif des mystifications que contient le film le disqualifie presque instantanément : on apprend donc dans Where to Invade Next que les cantines Françaises sont dignes d’excellents restaurants, que l’éducation sexuelle et l’émancipation qu’elle vise à atteindre sont un grand succès dans la jeunesse hexagonale.

L’Allemagne devient le champion de la classe moyenne, alors qu’elle en a sacrifié une grande partie et fabriquée une classe de travailleurs pauvres en légalisant les « mini-jobs » au salaire mirobolant de 400 Euros par mois. La démocratie Islandaise est vantée avec béatitude, sans jamais rappeler combien la faible population du pays joue logiquement sur la remarquable souplesse de ses institutions.

 

Michael-MooreYoupi, la cantine...

 

Pendant ce temps, un grand patron Italien affirme tranquillement qu'il ne veut pas gagner trop d'argent, et que ses confrères sont essentiellement motivés par le contact humain et les joies partagées avec leurs employés. Vincent Bolloré n'est pas là pour expliquer qu'il se vit comme un continuateur de l'Abbé Pierre, mais pas loin.

Quant à la Tunisie, c’est un grand pays féministe, une éclatante réussite du Printemps Arabe, dont le parti islamiste Ennahdha bénéficie d’une séquence hallucinante, où il est présenté comme un acteur démocratique d’une sagesse remarquable. Les femmes tunisiennes qui se baignent désormais habillées par prudence l’ont bien senti passer, le féminisme islamique.

 

where-to-invade-next-feature-heroO-o say, can you see...

 

LA VÉRITÉ SI JE MENS

Autant d’affirmations, quasiment jamais nuancées par leur auteur, qui décrédibilisent totalement le propos. C’est d’autant plus dommage que l’angle adopté par Michael Moore, qui ne prend forme que dans les dernières minutes du film, aurait pu être passionnant. Tentant de prouver que certains concepts perçus aujourd’hui en Amérique comme « socialistes » ou totalement incompatibles avec l’ADN américain, sont en fait originellement des idées issues du fameux American Dream, Moore tenait un vrai sujet.

Mais plutôt que d’interroger vraiment le modèle américain, dont la structure et l’inconscient le passionnent sincèrement, le documentariste militant se contente d’accoucher d’un tract éminemment malhonnête, qui se repose trop souvent sur l’humour – ravageur – de son auteur. On regrette d’autant plus cette dérive qui tend vers l’imposture que Michael Moore demeure un petit maître du sarcasme et de l’acidité, doté d’un goût réel et bienvenu pour la remise en cause des pensées sclérosées.

 

michael moore

Résumé

Drôle et inclassable, le nouveau film de Michael Moore est également profondément malhonnête, et s'apparente plus à une mystification digne d'un Trump de gauche qu'à un véritable travail documentaire.

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commentaires
Simon Riaux
12/11/2018 à 20:28

Hey les énervés.

Personne ici ne juge la Tunisie, et personne ne serait habilité à le faire. La question, c'est le regard et le message de Moore.

Aller voir Ennahdha pour présenter une image de féminisme dans le monde musulman (pour ce que ça peut bien vouloir dire), c'est faire un contresens et/ou manipuler son audience. Et Moore est coutumier du fait.

Mr Vide
12/11/2018 à 20:02

Il ne fait pas les choses à demi...Moore....ho ho hoooo

Adam
12/11/2018 à 13:06

Ahem le parti Ennadha a bien des défaut comme d’être soupçonné dans le meurtre de 2 opposants politiques et de ne pas être bon gestionnaire. Maintenant c'est pas fréquent qu'un parti islamiste accepte de signer une constitution qui fait de la femme l’égale l'homme et de quitter le pouvoir en décembre 2014 (il reviendra plus tard dans une coalition)
Pour ce qui est des tenues des baigneuses, elles sont pas aussi exposés que les brésiliennes mais ca vient surtout du fait que tu risque d'attirer les gros lourds du coin qu'à une quelconque réglementation.
Je ne prends pas leur défense mais ça commence à me courir de transformer un pays que j’apprécie en mini alfaganistan sous prétexte que les gens ont fait de mauvais choix electoraux.

Dirty Harry
12/11/2018 à 10:42

Moore prend les exemples qui lui font plaisir, une sorte de "biais de confirmation" filmé...

fhanachi
11/11/2018 à 23:06

La femme tunisienne qui se baigne habillée??? Non mais
Je rêve là! Pays arabe le plus moderne et le plus féministe de loiiiin, où les droits de la femme ont été instaurés bien avant la France. Critique vide et fausse

Simon Riaux
14/09/2016 à 23:49

Ça va ? Tranquille ? Pas l'impression d'être un peu facho ta critique ?
J'imagine que non.
C'est de plus en plus déprimant cette islamophobie généralisée.
Ne prenez pas la peine de répondre.

Cider
25/08/2016 à 22:41

Heu non.
Sous Obama, il a réalisé Siko et Capitalism : à love story.
Michael Moore est un manipulateur mais ce n'est pas un démagogue par définition (ses opinions ne sont partagées que par une minorité d'américains) et en dehors de Bush qu'il a éreinté dans Fahrenheit 9/11 son boulot n'a jamais été focalisé sur les présidents (de droite ou de gauche).
Son truc c'est plutôt de questionner les grands principes et les valeurs américaines.
Je ne dis pas ça pour le défendre, je trouve qu'il le fait très mal.

Mais ça n'a rien d'un type qui profiterait d'un contexte politique pour taper.

La Classe Américaine
25/08/2016 à 22:04

Il faut dire qu'avec Barak Obama, l'intouchable premier président noir américain, Moore a été au chômage technique pour cause de : bah ça se fait pas trop de taper sur un président noir de gauche et que le monde adore tellement.

Maintenant que Trump est là, c'est tout le business Moore qui repart en trombe : démagogie, mensonge, populisme, manipulation éditoriale.... comme au temps du méchant George Bush, président de droite qui a fait la guerre - booh comme c'est pas bien - mais qui a fait les meilleurs années en terme d'emploi pour Michael Moore. Trump, le milliardaire qui fait passer Berlusconi pour un enfant de choeur, l'occasion est trop de belle de se refaire, hein m'sieur Moore ?

Sauf si c'est Hilary Clinton qui passe - une première femme présidente américain - bah là pour le coup, re-chômage technique...

corleone
25/08/2016 à 19:17

N'avez qu'à me censurer, mais Michael Moore restera un gros taré et le "rêve européen" n'existe pas et n'a jamais exister!

Tenia
25/08/2016 à 19:13

@ LMDB : on peut faire des pamphlets satiriques qui se basent sur des faits démontrés. A la rigueur, même Bowling for Columbine se contentait de pointer du doigt des aberrations américano-américaines éprouvées.

Le souci, c'est que Moore n'a vraisemblablement aucune base de données tangibles dès qu'il sort des USA... y compris lorsqu'il parle du Canada. Et quand il parle de l'Europe, Sicko était déjà bardé d'approximations (Arnaud le pointe justement).

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