Le BGG - Le Bon Gros Géant : critique à taille humaine

Simon Riaux | 22 juillet 2016 - MAJ : 22/08/2023 17:04
Simon Riaux | 22 juillet 2016 - MAJ : 22/08/2023 17:04

Après Cheval de Guerre, Lincoln et Le Pont des EspionsLe BGG : Le Bon Gros Géant fait figure de retour aux sources pour Steven Spielberg. De retour sur le terrain de l’émerveillement pour une ultime collaboration avec la scénariste d’E.T. (Melissa Mathison est morte en novembre 2015), un des derniers maîtres d’Hollywood se penche sur un colosse de la littérature, le mythique Roald Dahl.

Un Géant trop Vert

Et si Le Bon Gros Géant déçoit par endroits, c’est justement parce que cette rencontre n’a finalement pas lieu. Le réalisateur, notamment au milieu du film, ne parvient pas à faire sien l’univers souvent trivial du romancier, préférant l’illustrer parfois froidement. Comme si l’irruption d’un humour centré sur le corps désamorçait la dynamique de sa mise en scène, qui ne sait pas comment appréhender cet ingrédient pourtant essentiel de l’univers de Dahl.

En résulte un ventre mou important, qui nuit à la dynamique de l’ensemble pour finalement nous empêcher de totalement adhérer au duo de héros, pourtant excellemment caractérisés par le script sensible de Matheson. Et comme les antagonistes, géants violents et rustres, ne jouissent jamais d’un statut de véritable menace, on ne retrouvera pas ce sentiment d’angoisse diffuse, cette gravité du merveilleux, signature exquise des meilleurs Spielberg.

 

Le BGG - Le Bon Gros Géant

 

Le Bon Gros Spielberg

On aurait tort pourtant de qualifier ce Bon Gros Géant d’échec, qui est très loin de figurer parmi les œuvres les plus faibles de son auteur. Pour un centre qui s’effrite, le film bénéficie toutefois d’un premier acte et d’une conclusion en tous points magnifiques, où la magie du cinéaste fonctionne à plein régime. D’une partie de cache-cache géante au cœur de Londres, en passant par la découverte d’un univers émaillé d'enclaves poétiques, sans oublier de véritables bouffées épiques, Spielberg fait toujours montre d’un sens de la narration prodigieux.

 

Photo

 

Il prouve une fois de plus sa capacité à user de la technologie comme un formidable vecteur émotionnel. Pour une poignée d’incrustations douteuses et quelques arrières plans manquant de finition, on découvre une performance incroyable de Mark Rylance, grimé numériquement dans le rôle du Géant en titre. Rarement un visage virtuel aura à ce point su déclencher une émotion brute, enfantine, née d’un alliage miraculeux entre une image numérique et une voix distinctive. Et quand les émotions du Bon gros Géant contaminent soudain le spectateur, c’est bien à un petit prodige de cinéma que nous avons droit.

 

Le BGG - Le Bon Gros Géant

 

Dreams are my Reality

Imparfait, le film recèle donc son lot de moments précieux. Et pour le cinéphile, il servira également de décodeur. S’il se fait moins théorique que les trois précédents films de Spielberg (qui interrogeaient son rapport au réel, à la responsabilité et son éthique artistique), Le Bon gros Géant est un portrait en creux du réalisateur. 

Et voir Spielberg se représenter ainsi, titan à l’âme d’argile, conteur fragile, existant par et pour ceux qu’il narre, est un acte d’humilité, autant qu’une exploration bouleversante de l’univers du cinéaste. Premier métrage conçu sous pavillon Disney de Tonton Spielby, ce Géant n’est peut-être pas aussi grand qu’espéré, mais s’élève assez haut pour faire de l’ombre à la concurrence.

 

affiche FR

Résumé

Spielberg ne se dépatouille pas toujours bien de la recette de Roald Dahl, mais façonne un conte techniquement éblouissant, où il explore avec poésie son statut de conteur colossal.

Autre avis Alexandre Janowiak
Le BGG de Steven Spielberg n’est pas juste une déception avec son conte confondant de niaiserie et son humour gras malaisant, c'est surtout le pire film de la carrière du cinéaste.
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Lecteurs

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commentaires
Bobby Kennedy
22/07/2016 à 22:47

Merci MysteryK de sortir des choses plus concrètes que de vagues certitudes pour l'honneur de pas avoir totalement tort et pouvoir trouver une sortie pour son ego.
Et défendre Mission to Mars (que je trouve au moins à moitié fabuleux perso), c'est effectivement pas anodin !

MystereK
22/07/2016 à 20:32

Les cahiers du cinéma et De Palma, pas vriament une histoire de haine :

Année 90 : 1ère place ex-aequo avec Le pont de Madison et un Hou Hsiao-hsien, l'impasse
1998 : 9ème dans la liste du Top 10 des meilleurs, Snake Eyes
2000 : 4ème du Top 10, Mission to Mars(un des rares magazines à défendre le film)
2008 : 1er du Top 10, Redacted

Michel Chion et Jean Douchet étaient les premiers critiques d'un magazine de cinéma généraliste (les cahiers donc...) à défendre De Palma à partir de Blow Out. A propose de The Fury, Bernard Boland disait "De Palma, un des cinéaste contemporains les plus énergiques et talentueux pour nous montrer la jeunesse". Bonitzer utilisait les termes "Singulier et saillants" et le comparait à Hitchcock. Serge Daney admirait dans Pulsion que de Palam rende explicite ce que Hitchcock ne pouvait monter. La presse américaine dénigrait De Palma et ne pouvait comprendre la ferveur que mettait Les cahiers le défende...

Les ténor des Cahiers aimaient ou adoraient de Palma....

Finnigan
21/07/2016 à 16:59

Dirty admet être imprécis et ne pas peser ses mots dans une discussion, et le monde continue de tourner

Cervo
21/07/2016 à 16:38

Bah évidemment que le talent est d'abord découvert par les producteurs. C'est logique, ça s'appelle la chronologie.

Dirty Harry
21/07/2016 à 13:56

Ouf ! Un posteur qui admet que je n''ai pas complètement tort ! la civilisation peut reprendre....Mais De Palma a été vomi ça j'en mettrais ma main à couper. (quand à Panic Room c'est pas de la détestation certes mais on est pas non plus dans l'enthousiasme béat qu'ils ont eu pour l'un des pires De Palma : Femme Fatale)

Bobby Kennedy
21/07/2016 à 13:24

Eh bien, quelle "passion"... avec toujours cette nécessité de petite guerre "moi j'ai raison", "moi au moins je reconnais avoir presque raison", etc. Bien bien bien.

Je considère toujours que leur critique de Panic Room n'a rien de haineuse. Y'a un large champ entre adorer et détester, sauf si on veut bien ranger et classer les choses. Quant à De Palma, faudrait ouvrir une enquête pour retrouver les critiques, puisque notre cher Allociné ne les répertorie pas toutes.

Je ne vais même pas ouvrir une discussion sur les films qui ont été soutenus par la critique et portés par elle, poussant les distributeurs à miser dessus, après un festival par ex, pour les apporter au public. Ou même citer des films moqués et ignorés par le public mais défendus par le critique, qui sont devenus par la suite des classiques. Sans même parler du fait que "la critique" c'est très vague et mériterait réflexion si jamais, folie, il fallait être plus précis - de la même manière que "les cinéphiles" (en parlant d'arbitres des élégances tiens) sont une partie du public de masse.

Après, effectivement c'est certain qu'un critique ne peut pas découvrir un talent : il arrive après le producteur, dont le job est théoriquement de financer et donner les armes aux artistes. On va conclure sur cette évidence qui ne peut que mettre tous les camps d'accord.

Dirty Harry
21/07/2016 à 13:10

En tout cas cela prouve une chose : que le talent est d'abord découvert par les producteurs et le flair des cinéphiles que par les arbitres des élégances "autoproclamés" comme tu dirait.

Dirty Harry
21/07/2016 à 13:08

Oui c'est certain mais je persiste aussi ; ILS DETESTAIENT DE PALMA ET FINCHER. Je suis certes imprécis (tiens moi au moins je le reconnais publiquement) car dans mes souvenirs il m'arrive de confondre Libé/télérama/Cahiers pour les années 90 qui furent le début de ma cinéphile et que Spielberg était à ce moment vu comme le chantre de l'impérialisme culturel américain pour beaucoup de ces journalistes...Et je me souviens aussi de la polémique "faut il filmer les camps" au moment de Schindler's list, et les rédactions ont changé de "lignes" souvent. Je rappelle la période Mao en passant...

Bobby Kennedy
21/07/2016 à 12:08

Intéressant édito consacré à Spielberg en février 2012, qui revient sur la perception globale du cinéaste (et ses "grands films"), notamment dans la rédaction.
https://www.cahiersducinema.com/Fevrier-2012-no675,1991.html

On voit qu'il n'y a ni haine absolue, ni défense aveugle. Leur "vérité" se situe au milieu, selon les années et les films. Il y a évidemment des personnes (critiques ou public) pour défendre absolument tous les Spielberg, et d'autres pour hurler qu'il est surestimé depuis toujours. La richesse du débat et de la cinéphile dira t-on. Mais je persiste : dire "Les Cahiers détestent Spielberg avant 2002", c'est au moins imprécis.

Bobby Kennedy
21/07/2016 à 12:00

@Dirty
Sur les forums on a surtout une tendance à aller dans les extrêmes et zapper les nuances (pour créer des camps systématiquement, et réduire la discussion à du binaire).
La critique globale de Panic Room ne peut être réduite à "ils détestent Fincher" (je te cite). Comme beaucoup, ils y ont vu un exercice de style. Je serais tenté de dire que c'est plus de la clairvoyance que de la haine.

Mais puisqu'on en est à citer les extraits d'Allociné, souvent hors contexte (on se retrouve avec des notes plutôt très positives, et une phrase qui dirait presque l'inverse) :
Jurassic Park : "sans doute le meilleur film que Spielberg ait réalisé depuis longtemps (…) N°473 - novembre 1993 (pré-2002 donc, et totalement dans l'opinion commune des cinéphiles qui y voyaient un chef d'oeuvre ; et loin de prouver que Les Cahiers "détestent" Spielberg, encore une fois)
Minority Report (2002 donc) : "Avec cette fable politique, Spielberg interroge l'idéologie post-Giuliani, dont le "zéro tolérance" fait des petits de chaque côté de l'Atlantique" (Lalanne)
Et je suis quasi certain d'avoir lu des choses positives sur AI, perçu comme une clé pour sonder les obsessions de Spielberg (un peu comme Le BGG, sauf que je le trouve bien moins réussi que AI pour ma part)

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