High-Rise : critique perchée

Simon Riaux | 6 avril 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 6 avril 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Avant d’être un film, High Rise est un roman d’anticipation du génial J.G. Ballard. Avec cette adaptation très attendue, Ben Wheatley fait-il aussi bien que Cronenberg, qui avait porté Crash à l’écran en 1995 ?

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IGH – Immeuble de Grande Hauteur est un roman d’anticipation, publié en 1975, dans lequel une superstructure accueillant logements, établissements de loisirs, commerces et clubs de sport permet à ses habitants de l’occuper sans jamais en sortir. Sauf que le paradis consumériste se transforme rapidement en théâtre des horreurs, alors qu’une version délirante et absurde de la lutte des classes transforme les locataires en barbares assoiffés de sang. A bien des égards, Ben Wheatley semblait le metteur en scène idéal pour transposer cette vision d’apocalypse festif qui n’aurait pas déplu à un Philippe Muray. De Kill List à Touristes, l’iconoclaste cinéaste a composé un début de carrière roublard et intrigant, qui semblait très bien coller à la malice insidieuse qui innerve la littérature de Ballard.

 

High-Rise

 

TOMBER LA CAMISOLE 

Malheureusement, avec High Rise, Wheatley dévoile ici combien les aspects agressifs et ludiques de son cinéma sont également d’une grande superficialité, tant il échoue finalement à capter l’essence de son sujet. Sa mise en image est pourtant somptueuse, d'une richesse enivrante. Cadres composés avec un soin maniaque, direction artistique seventies, photographie léchée… Le metteur en scène livre ici sa plus belle création plastique. Un cadre luxuriant, dans lequel ses comédiens (notamment Sienna Miller et Luke Evans), s'amusent à cabotiner comme de réjouissants sales gosses.

 

Photo Luke Evans

 

Rien hélas qui n'empêche le film de passer largement à côté du sujet. En situant son récit dans les années 70, Wheatley le relègue à un outre-monde, une époque virtualisée, et lui dénie toute réalité, malgré son actualité brûlante. Pire, là où Ballard tirait au mortier sur la société dans son ensemble, le réalisateur se focalise essentiellement sur la bourgeoisie, entité responsable de tous les maux, groupe vulgaire et source d'entropie, qu’il veut moquer et choquer.

 

Photo Sienna Miller

 

Et s’il le fait souvent avec talent, il arrive après des décennies de cinéma engagé, de SF subversive, et rend involontairement son récit bien inoffensif. Sans compter que comme à son habitude, Wheatley n’est pas très à l’aise avec la construction de sa narration, qui bégaie, pour finir par tourner en boucle dans sa dernière demi-heure. Dès lors, ses protagonistes, caricaturaux dès le début du récit, se retrouvent à l'abandon, et c'est avec une certaine gène qu'on les voit accompagner le métrage jusqu'à sa conclusion, dans une ronde de sexe et de violence de plus en plus désincarnée, qui n'évite pas toujours le ridicule (si Jeremy Irons pensait avoir touché le fond avec Donjons & Dragons, il va devoir remettre à jour son CV...). Ainsi, High Rise n’est jamais le brûlot fantasmatique attendu, juste un doigt d’honneur luxueux et daté. Ce n’est déjà pas si mal. 

 

Affiche

Résumé

Malgré une mise en image impressionnante, Ben Wheatley passe à côté de la dimension subversive de son récit.

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commentaires
MystereK
13/01/2017 à 07:32

Dans la forme, le film est très résussi. Il y a de beau moment de délire et d'intensité visuelle accompagné d'une musique envoutante. Je me suis laissé prendre et emporter comme dans un doux rêve qui dérape vers un cauchemar. Et c'est là que le bas blesse. La transition est trop brutale et comme vide de sens, on passe trop vite des chamalleries à la barbarie. J'ai eu de la peine à m'interresser aux personnage qui semblent tous être sorti d'une carricature (mais je présume que c'était l'intention du réalisateur). Si Tom Hiddleston est parfaite, beaucoup d'autre semble trop vite esquissé, comme Jeremy Irons. ON peut sentir un petit côté Crash! mais on est loin de beauté froide du film de David Cronnenberg.

Au final, une belle expérience pour un film qui prends des risques, mais l'entreprise n'est pas totalement convaincante.

Dirty Harry
11/04/2016 à 11:31

Et bien pour l'avoir vu, il y a un vrai problème d'adaptation pour ce qui est du scénario et de la structure (tiens, le nom de la femme du réal apparait alors comme l'élément suspect concernant la responsabilité de ces aspects ratés du métrage). Sans fil directeur, nous observons ces oisifs s'ennuyer (difficile de parler d'ennui sans être ennuyeux) montrés dans une suite de scènes sans définir clairement les enjeux et les attentes des personnages. Autant la mise en image est excellente avec des moments vraiment inspirés (appuyée par le chef déco qui est la vraie star du film) autant on ne saisit pas les personnages ni leurs motivations. Copie de scénario à revoir car le contenu (dont l'allégorie était déjà dans une série B : Land of the Dead de Romero) pouvait décaper mais ce qu'ils en font est un véritable gâchis.

Dirty Harry
07/04/2016 à 12:25

C'est un cinéaste qui a des atouts, de l'audace mais encore un peu "fragile", il travaille régulièrement mais n'a pas réussi à imposer (et s'imposer) avec un film qui le place là où il se voit (je met le très étrange "Kill List" à part). Ceci dit, le sujet et la mise en image donne vraiment envie, malgré les réserves de la critique (que je saisis) le film dégage un charme certain.

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