Elle : critique à coup de Verhoeven

Simon Riaux | 21 mai 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 21 mai 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Au sein de la compétition Cannoise, Elle de Paul Verhoeven comptait parmi les propositions les plus excitantes. Œuvre adaptée d'un roman de Philipe Djian et tournée en français, par un auteur Hollandais ayant connu la gloire à Hollywood, absent du grand écran depuis près de dix ans, le film relevait autant de la curiosité que de l'énigme. Et malgré une bande-annonce qui évoquait certains tropismes du cinéma d'auteur français, le film s'impose comme un des plus remuants et aboutis de la cuvée 2016.

Michèle, grande bourgeoise parisienne et chef d'entreprise accomplie, est violée par un mystérieux agresseur. Alors que son quotidien se lézarde, un curieux jeu de séduction et de traque se met lentement en place. Voilà pour le point de départ de Elle, qui dès son plan d'ouverture, cueille le spectateur en lui assénant une gifle.

Nous sommes ainsi projetés dans le film alors que s'achève l'assaut dont est victime le personnage d'Isabelle Huppert. L'image est glaciale, la mise en scène clinique. Et alors que s'amorce l'entêtante ritournelle qui marque l'identité sonore du métrage, chaque élément du quotidien commence à dangereusement dévisser. Car si la vie de Michèle est en apparence totalement contrôlée, son univers est en réalité parsemé de failles, de gouffres, de zones d'ombres impénétrables. Passé cauchemardesque, amant dans le placard, vicissitudes diverses et variées, rien ne transparaît ni n'affleure.

 

Cannes 2016

 

Et Paul Verhoeven dresse un portrait aussi vitriolé qu'hilarant de cette bourgeoisie française aux apparences de mer d'huile, qui feint l'absolue normalité. Fort d'une mise en scène faussement tranquille, qui ménage élégamment ses effets et travaille avec une aisance stupéfiante les jeux de regards, le cinéaste jubile littéralement à faire exploser au grand jour les fantasmes et perversions d'un groupe social consanguin.

Parfaitement à l'aise avec son cadre hexagonal, le metteur en scène dirige son très riche casting avec un bonheur évident, et obtient d'à peu près tous ses comédiens quelques unes de leurs plus intenses performantes. Au premier rang desquelles s'impose sans surprise celle d'Isabelle Huppert, capable de passer en un instant de la séduction à l'amertume, du trouble à une colère aveugle.

Aussi habile avec ses comédiens qu'avec la langue de Molière, Verhoeven parvient même à recycler des figures éculées du vaudeville, qu'il redynamise et incarne parfois génialement à l'écran. Toujours entre le drame, le thriller, l'érotisme et l'humour, le réalisateur rejoue tel un équilibriste les identités remarquables de l'adultère et de la tromperie, le tout mâtiné d'un goût immodéré pour la perversion et la torsion des limites (morales, sociales, sexuelles).

 

Photo Isabelle Huppert

  

Enfin, ce qui fait la valeur de cette comédie noire et vénéneuse, c'est paradoxalement son humanité et la lumière qui s'en dégage. Car si le monde dépeint par Verhoeven est un marigot de trahison, de tortures mentales de sexualité dévorante, c'est également le récit d'une quête de vérité. Le personnage d'Isabelle Huppert, loin des conclusions fatalistes voire nihilistes souvent affectionnées par son auteur, décide de rompre la gangue de silence qui a jusqu'alors déterminé son existence.

Quitte à tout détruire sur son passage, Michèle assume désormais ses appétits, ses déviances, ses envies et ses démons. L'artiste confirme ainsi que derrière son image de créateur bourrin révélé par l'action et la science-fiction, il demeure avant toute chose un cinéaste de la femme, de cette Elle qui occupe ici chaque plan, chaque séquence, et à laquelle son cinéma rend ici un hommage affamé et éclatant.

 

Affiche

 

 

Résumé

Drôle, pervers et très divertissant, Elle est la nouvelle preuve de la puissance du cinéma de Verhoeven, cinéaste des extrêmes et des unions impossibles.

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(2.6)

Votre note ?

commentaires
drocmerej
25/05/2016 à 11:58

@trycérapot Merci pour le résumé. Si c'est le "bordel" et "un débat sans fond" j'ai pas raté grand chose :-)

Trycérapot
24/05/2016 à 00:58

@dreamon

Permet moi de croire Deadline, aux premières loges dans l'industrie hollywoodienne (ils sortent quasiment tous les scoops avec deux trois autres gros médias), qui a rencontré Verhoeven... plus que toi, malgré ton assurance !...

http://deadline.com/2016/05/paul-verhoeven-elle-cannes-isabelle-huppert-1201760780/

@drocmerej

Peut-être que si tu avais lu tout ce bordel, tu aurais constaté que personne ne remet tout ça en question...? C'est d'ailleurs la source de ce débat sans fond, qui en a poussé un à défendre Verhoeven contre des gens qui auraient dit ici même (mais où, mystère) que son cinéma est, en gros, décérébré.

dreamon86
23/05/2016 à 17:28

@Trycerapot.
Faux ! Personne n'a voulu financer son film aux us, rien a voir avec les acteurs.

drocmerej
23/05/2016 à 14:41

(ça se bastonne par ici. Désolé j'ai pas le temps de lire vos affrontements)
Aux vues de votre critique et des autres, un constat semble s'imposer ou se confirmer. Verhoeven est grand et toujours aussi incompris. Je n'arrive toujours pas à saisir comment on ne peut pas comprendre son ironie et ses réflexions ! Par ex. ce que montre Show Girls ou Starship (la superficialité, la violence etc) est ce à quoi s'attaque précisément le cinéaste. Cela ne paraît pas clair pour tout le monde. Dommage. Voire tant mieux. Serait-il vu comme si "subversif" si il était mieux compris ?

2cloo
22/05/2016 à 23:18

:))))

Kilopo
22/05/2016 à 22:17

Et à ce stade, je sors définitivement de ce débat stérile.
Parce que si maintenant je "pinaille" sur tes mots, mais que toi tu peux déblatérer sans hésitation sur un "révélé" avec une assurance de plus en plus comique... que tu te complais dans des phrases préfabriquées type "excuse moi de m'emballer" quand ça t'arrange, pour te justifier (tout en exigeant de la précision chez l'autre)... que tu ne cesses de donner tes leçons de "vrai" cinéphile qui a compris la vraie vérité... avant de conclure que tu n'iras pas voir un film après une bande-annonce, avec ce discours ordinaire sur la France... ce sera sans moi, et sans regrets. Je sors donc de cette boucle avec un salut poli.

2cloo
22/05/2016 à 21:54

Quand tu me reprends sur "clamé", je trouve que tu pinailles, parce que si il traine cette image, cette idée est forcément sortie du cerveau de quelqu'un puis de sa bouche, d'où le clamé. Personne l'a dit dans cet article, je n'ai jamais dit le contraire, donc pourquoi autant de mots la dessus.
Oui, je me suis emballé contre cette entité abstraite de ces gens qui jugent sans connaitre. Excuse moi d'aimé et de m'emballer.

Tu reviens sur le moment qui l'a révélé. Si tu es un cinéphile, tu n'attends pas Hollywood pour tomber sur des perles, que ce soit par le bouche à oreille, les magasines et autres.
Quand je vois sa filmographie, je vois des titres qui résonnent encore dans l'inconscient cinéma comme Turkish Delight ou The Fourth Man qui ont été réalisé en Hollande, bien avant son passage aux USA.

Je n'ai pas répondu à ta question, vu que je la pensais sarcastique...

Où dans l'article mentionnerait-il le contexte que tu as avancé ( scène mondiale ) ???
Tu parles de décennie et l'attache à ton discours alors que dans l'article, c'est juste présent pour parler de son absence des écrans...

Tenté de rediriger un débat avec dans sa première phrase de la condescendance ???? Et tu t'étonnes que je n'ai pas relevé ??? Et dans ton premier apport, tu affirmes des choses que je n'ai pas dite, je me répète, je n'ai accusé personne de l'avoir clamé dans cette article.

Je te rejoindrai juste sur mon comm "il n'a jamais eu de..." qui était de trop, mais à part ca....

Et nan, je n'irai pas le voir. J'étais excité quand j'ai entendu parler du projet, j'ai été dégoùté quand j'ai vu la bande-annonce. Le jeu d'acteurs est horrible. Et je fais partie de ceux qui sont catégoriques à ce sujet ( quelle surprise ;) ), nous sommes beaucoup trop à la traine à ce niveau en France. Mais c'est un autre débat.....

Kilopo
22/05/2016 à 21:14

@2cloo

...
J'ai tenté de rediriger le débat : en reprenant la phrase, en entier. En revenant sur la distinction entre "une image de réalisateur bourrin" et "être un réalisateur bourrin". Qui semble depuis le début être le vrai problème pour quelques uns ici. Je t'ai répondu, et j'ai écrit ça.

Verhoeven existait avant Hollywood, oui, mais c'est à Hollywood qu'il a gagné cette popularité à travers le monde, dans les multiplexes, aux côtés des stars hollywoodiennes. C'est dans cette arène qu'il a explosé, qu'il a rencontré des succès énormes, qu'il a créé le scandale. Qu'il a été à Cannes. Donc quand je lis "révélé par l'action et la SF", ça ne me gêne pas. Ca ne veut pas dire que je connais mal ou apprécié mal Verhoeven, que je le résume à ses superproductions. Ca veut simplement dire que je considère qu'il a décollé, et été révélé au monde entier, avec ces films.

Tu dis qu'"aux yeux de l'auteur", Paul Verhoeven a été introduit par Hollywood ? Qu'en gros, c'est juste "son avis" ? Donc disons qu'à tes yeux, ce n'est pas la bonne lecture de sa carrière. Que c'est ton avis. Que tu considères que Verhoeven a été révélé pré-Hollywood. Que "révélé" signifie pour toi qu'il a été remarqué pour la première fois, même dans un cercle plus confidentiel et cinéphile, alors que dans l'article c'est une histoire de révélation sur la scène mondiale, et de succès qui s'est étalé sur une décennie dans ce cadre.
Sachant qu'on ne parle pas de fait, de date, mais d'une grille de lecture d'une filmo, ça me semble un peu excessif de clamer qu'on a raison, et que l'autre a tort. Surtout après une critique très positive, qui mentionne "l'image d'un cinéma bourrin" dans sa conclusion. C'est une donnée subjective qui n'est pas présentée comme la vérité, et ce n'est absolument pas une analyse approfondie de sa carrière dans ce cadre.

Ma "direction", je la justifie par une de tes phrases comme "Clamer que le cinéma de Verhoven en serait dépourvu est pure folie à mes yeux". J'ai posé la question, tu n'y as pas répondu, car personne n'a affirmé cela. Cette discussion est partie sans raison, dès le premier commentaire, sur l'illusion que quelqu'un aurait dit que Verhoeven était "un réalisateur bourrin".
Sans compter que je pourrais estimer que tu t'es posé en police de la pensée dès le départ avec "Il n'a jamais eu d'image de créateur bourrin". Tu regrettes la soit-disant imprécision du site ? Je regrette cette tendance régulière des commentaires à s'envoler très vite, et à confondre un avis (légitime, intéressant, bienvenu), avec une quelconque Vérité sur un sujet.

Enfin, avant de regretter que cet article (positif) donne de la voix à ceux qui "ne cherchent pas à comprendre" le cinéma de Verhoeven (basé sur tes critères très personnels et pourtant très assurés : si on a une autre vision que toi de son cinéma, c'est qu'on est dans l'erreur ?), peut-être que voir le film dont il est question (puisque c'est la critique d'Elle, et non une analyse de sa carrière) serait utile.

2cloo
22/05/2016 à 20:39

Cet article donne de la voix aux personnes qui ne cherchent pas à comprendre son cinéma, comme l'article précédent sur l'image de Refn. c'est peut être ca qui m'a dérangé.

En relisant l'article, je pense voir ce qui m'a titillé, il n'a pas été révélé grâce à la science fiction ou l'action ou une image bourrine mais par la provocation comme je le disais plus haut. Si tu connais son cinéma, tu sais que cette déclaration est fausse. Après, l'auteur de cet article pourra me dire qu'à ses yeux, c'est Hollywood qui nous l'a introduit.

On en revient à ce qui me dérange avec ce site, le manque de précision de leurs informations ou bien leur révisonnisme involontaire.

Et pour reprendre tes mots, tu as endossé le képi du gendarme des comm. Au lieu de rediriger le débat dans une direction, tu m'as pointé du doigt. Je me suis relu, et il n'y a aucune agressivité envers l'auteur de cet article ou n'importe lequel des intervenants dans les comms qui aurait pu justifier cette direction que tu as prise....

popopopopo
22/05/2016 à 19:22

Verhoeven, a vraiment fait des classiques, dommages qu'ilait moins de moyens qu'avant !

Plus
votre commentaire