Le fils de Saul : Critique serrée

Chris Huby | 4 novembre 2015
Chris Huby | 4 novembre 2015

Le fils de Saul est le premier film du réalisateur hongrois Laszlo Nemes et, le moins que l'on puisse dire c'est qu'il n'a pas choisi la facilité. Une audace récompensée lors du Festival de Cannes 2015.

Saul est un juif hongrois déporté en 1944 à Auschwitz en tant que Sonderkommando, soit une affectation particulière des camps d’exterminations nazis qui les faisait participer au processus de la solution finale sans pour autant les faire participer directement aux crimes. De la main d’œuvre pour le crime.

Avec son sujet déjà fréquemment abordé dans le cadre de la fiction et du documentaire, Le Fils de Saul peut donner l'illusion d'aborder des  thèmes qui n'ont pas besoin de lui pour exister, voire de jouer la carte un peu opportuniste du choc cinématographique, du dévoilement de l'horreur. Sauf que le travail et le statut bien particulier des Sonderkommando demeure autant une énigme qu'un impensé cinématographique et que le très jeune réalisateur du film, plutôt que de dresser un portrait édifiant, s'attache à ausculter l'humanité de son anti-héros. Un parti pris évident dès les premières secondes du métrage, et qui lui permet de rapidement nous dévoiler le concept qui anime la narration du film.

Ce qui marque d’emblée, c’est le parti pris technique, d’une maitrise ahurissante. De longs plans séquences se suivent et impressionnent par leur justesse et ce qu’ils choisissent de montrer. A côté de ce procédé, l’auteur a préféré conserver un format 1.33 et un découpage qui ne quitte jamais le personnage principal. A l’image, cela donne une suite de plans quasi-subjectifs très serrés, avec une profondeur de champs réduite, ce qui donne à la fois une impression de double enfermement et de folie. On reste ainsi verrouillés sur Saul, sa nuque, ses yeux fièvreux, les tressaillements de son visage. Cette figure de style, tenue jusqu'à la conclusion du métrage, lui assure une intensité rare et une cohérence de chaque instant.

Dans les moments de tragédie, comme certaines tueries sauvages, notre regard se focalise alors souvent sur les actions qui se déroulent autour du visage omniprésent de Saul, une utilisation qui rend supportable l’immontrable, resté hors champs ou dans un flou lointain. C’est un choix de réalisation retors, mais qui fonctionne parfaitement. L’émotion fait néanmoins office de dommage collatéral, car le film reste glacial, non pas tant par le sujet que par cette maestria technique qui se ressent tout du long. Le Fils de Saul souffre ainsi du jusqu'au-boutisme de sa mise en scène, qui à force de ne jamais laisser respirer le spectateur, prend le risque de l'éloigner du coeur du récit et de son personnage.

 

Résumé

Si le Fils de Saul impressionne par la puissance de sa mise en scène, son austérité et son hermétisme lui interdisent de toucher profondément le spectateur.

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