Night Call : Critique enragée

Simon Riaux | 8 novembre 2014
Simon Riaux | 8 novembre 2014

Scénariste appliqué, lié à des projets aussi différents que The Fall ou encore Jason Bourne : L'Héritage, Dan Gilroy signe avec Night Call sa première réalisation. Porté par un Jake Gyllenhaal suffisamment confiant dans le script pour s'en improviser producteur, le film nous arrive auréolé d'une réputation de brillant thriller et de véhicule à Oscar.

Louis Bloom est un sociopathe comme la ville en recèle des milliers, abreuvé de concepts et de phrases toutes faites qu'il ressort aux employeurs qui ne manquent de lui claquer la porte au nez. Le soir où il assiste à la captation d'un accident de la route par deux reporters free lance a sur lui l'effet d'une révélation.

On comprend parfaitement ce qui a poussé Gyllenhaal à soutenir un tel projet et ce dès les premiers plans du film. De son visage émacié comme de sa silhouette de chat de gouttière émanent une aura à la fois prédatrice et pitoyable. Bloom est un pervers banal, mais à qui l'époque offre un terrain de jeu où s'épanouir au-delà de ses espérances. Exactement comme Gyllenhall.

 

 

Et Gilroy de saisir parfaitement l'intensité formidable de l'acteur, scrutant la moindre de ses micro-expressions, créant le suspense jusque dans les infimes distorsions de son sourire mauvais. Élégante, sa mise en scène l'est assurément, tandis qu'elle évite intelligemment les écueils de son sujet. Racée quand la situation le permet, ou quand le metteur en scène veut extraire du sens de son dispositif, brute mais maîtrisée dès lors que l'action s'emballe, Night Call est le plus souvent un régal pour les yeux.

 

 

On apprécie également de se retrouver face à une œuvre qui ne craint ni de jouer la carte du malaise, ni celle du pamphlet. Rares sont les films de studios à oser si franchement vomir le système et ses anti-valeurs. Jamais Gilroy ne tente de nous rassurer, à aucun moment il ne s'inquiète de perdre le spectateur, malgré le vertige nauséeux que provoque la compagnie de son personnage principal.

 

Mais cette radicalité de brûlot a néanmoins une limite. Car en assénant dès sa première séquence toute son horreur pour le système ultra-libéral dans lequel un petit prédateur pervers peut passer pour un entrepreneur digne de ce nom, le réalisateur brûle trop vite ses munitions. Ainsi le film devient-il prévisible, tant il est transparent.

 

 

Résumé

En mesurant son ton et ses effets plutôt qu'en les assénant, le métrage aurait pu passer de thriller habile et engagé à œuvre coup de poing.

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commentaires
pioupiouprod
02/03/2015 à 12:42

Night call est un bon film, car Jack Gyllenhaal psychotique émacié crève l'écran auquel se confrontent une série de second rôle dans des joutes verbales intenses et percutantes sur le système américain, son rêve capitaliste désenchanté et la déshumanisation impitoyable de ses ayatollahs.
Loa angeles et sa nuit est transfiguré comme rarement depuis collateral et l'hyperbole sur la réussite et l'arrivisme garde son cynisme entier et ne déforme pas le propos. Qui plus est, le film rend les scènes d'action nocturnes prenantes en passant du réel au petit écran avec beaucoup de savoir faire.
Certes on sait dès le début que quelque chose cloche avec Louis, mais cela ne gache en rien le métrage. Reste le titre français, incompréhensiblement ré anglicisé. C'est bien peu pour dire que Night call vaut le coup d'être vu.

Roberto
30/11/2014 à 16:42

Bon film, quoiqu'un peut prévisible, bon acteur principal. En revanche son rapport de force avec la responsable d'antenne m'a fait sourire, même rire... ça ne tient pas... A cause des dialogues ? Valeurs ? Scénario ? Si quelqu'un a la réponse ?

Simon Riaux
28/11/2014 à 15:04

Memede, ça n'a rien à voir avec ce que j'aimerais que le film soit. Ce n'est pas le mien, je n'ai aucune velléité sur ce qu'il devrait être.

Le fait que dès sa séquence introductive, Gilroy nous dit "mon gars est un gros psychopathe". Très bien on est dans le pamphlet bourrin. J'aime, c'est que je dis dans la critique. L'ensemble est très, très bien fait.

Mais ça a les défauts de ses qualités, quand tu donne tout, tout de suite, très fort, si ton scénar est très linéaire et prévisible (ce qui est le cas ici) et bien l'intérêt s'effiloche. Parce qu'il n'y a rien à découvrir, à approfondir.
C'est un film qui fait tapis si vous préférez. C'est une position intéressante, mais qui a ses défauts.

Geoffrey Crété
09/11/2014 à 22:46

Avis de Mr Riaux validé.

Liodra
08/11/2014 à 22:42

J'ai trouvé ce film tout simplement prenant. Et dans le bon sens du terme. On assiste à une dégringolade maitrisée dans la folie de Lou et on le suis avec un malaise certain.
Je vois ce film comme si Christopher Nolan avait fait un film sur un vilain de Batman et sans Batman. La mise en scène est parfaite, les plans impeccables et la photographie magnifique. En effet le scénario peut-être prévisible cependant il est tellement bien ficelé que cela s'oublie.
Sans oublier la critique de la société américaine avec le fameux "Do it Yourself", tout le monde peut devenir un grand.
Pour finir la performance de Gyllenhaal est époustouflante.

memede la barbare
08/11/2014 à 17:42

Toujours droles tes critiques Simon,"En mesurant son ton et ses effets plutôt qu'en les assénant, le métrage aurait pu passer de thriller habile et engagé à œuvre coup de poing."

Et si c estait sous cet aspect la que le realisateur voulait son film?

il faut tenir compte de ce que l auteur a voulu faire de son oeuvre et non pas esperer qu elle soit comme on la veut.

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