Tom à la ferme : Critique

Geoffrey Crété | 31 mars 2014
Geoffrey Crété | 31 mars 2014

Avec sa mèche plus rebelle que lui, son attitude de môme surdoué et son étiquette de prodige, Xavier Dolan, 25 ans et quatre films au compteur, s'attire les foudres des uns et les louanges des autres. Avec ses faux airs de thriller, à mi-chemin entre Hitchcock et Pasolini, Tom à la ferme témoigne d'une envie de se débarrasser de ses tics pour renaître dans une forme épurée, plus noble et moins douce. Du moins en théorie.

A bien des égards, Laurence Anyways a tracé une ligne dans la carrière de Xavier Dolan : mastodonte romanesque de près de trois heures interprété par un autre que son auteur, le film n'a pu masquer un vif désir de s'aventurer sur un terrain de cinéma plus noble, loin des microcosmes nombrilistes mais charmeurs de J'ai tué ma mère et Les Amours imaginaires. Tom à la ferme avance donc dans la même direction : débarrassé des fameuses séquences musicales, des ralentis fétichistes sur les costumes, et tout un réseau de tics de mise en scène devenus l'identité du réalisateur, le film s'aventure sur le terrain miné du film de genre, bien trop exigeant et rigoureux pour ne pas mettre en lumière les faiblesses de Dolan.

 

 

Dès les premières minutes, Tom à la ferme dresse un mystère hypnotique dans un climat de thriller. Les motivations du héros sont inconnues, mais sa rage, annoncée ; la ferme du titre, isolée au milieu d'un paysage embrumé et d'un silence de plomb, renferme une mère, qui semble cacher un torrent de violence. Le frère enfin, un colosse aux yeux vairons et au charisme troublant, incarnera le cœur amer du film : un malaise indéfinissable, à la fois touchant et immonde, misérable et pervers - résumé par une terrible phrase tirée de la pièce mais absente du film : "Avant d'apprendre à aimer, les homosexuels apprennent à mentir".

Chaque nouveau duel entre Xavier Dolan et le fantastique Pierre-Yves Cardinal confirme que le réalisateur a en lui une indéniable force de mise en scène, utilisée pour cadrer ce syndrome de Stockholm. La démonstration la plus ostentatoire : une mutation du cadre et du format lors de plusieurs scènes clés, pour s'accorder à la tension à l'écran. Plus qu'un artifice, cette intention de mise en scène traduit un vrai et beau désir de questionner la forme.

 

 

Sauf qu'un seul des pieds de Tom à la ferme repose sur ce socle. L'autre, bien moins solide, s'éternise sur un terrain trop calme, enlisé dans un scénario qui n'est pas à la hauteur de ses enjeux dramatiques, et se montrera incapable de nourrir ce fameux mystère. A vouloir densifier la pièce de théâtre en dix scènes et trois décors de Michel Marc Bouchard, Xavier Dolan en a perdu la direction nerveuse. Le metteur en scène a changé de vêtements, mais pas d'allure : comme ses précédents films, Tom à la ferme manque de consistance, de structure, de contrôle. Une faiblesse ordinaire, d'habitude masquée par les amours contrariées de ses héros, mais exposée ici à ciel ouvert sur le territoire aride du thriller.

 

Résumé

Le film de genre, comme son spectateur, n'épargne aucune entorse ou baisse de régime. Malgré un sujet en or et une poignée de scènes mémorables, Xavier Dolan se montre incapable de maintenir le cap. 

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